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Nouvelles du Tibet
ONU : Commission des Droits de l'homme 2000
La 56ème session de la Commission des Droits de l'Homme s'est déroulée à
Genève ce mois d'avril. Une fois encore, par un artifice de procédure, la
Chine a réussi à échapper à la condamnation de cette instance internationale.
Les associations de soutien au Tibet avaient appelé les gouvernements
européens à adopter une attitude claire à ce sujet. Suite à l'appel lancé
sur ce site pour écrire au Premier Ministre français, vous avez été plus de
650 à expédier un courrier à Monsieur Lionel Jospin.
Encore merci pour votre action !
ONU : échec des droits de l'homme
Vote de l'ONU : réactions
Vote de l'ONU : réaction du gouvernement tibétain
Analyse : Tibet occupé ou Tibet colonisé ?
ONU : échec des droits de l'homme
La Chine a une nouvelle fois réussi à écarter le 18 avril à Genève une
résolution de la
Commission des droits de l'Homme de l'ONU qui l'aurait condamnée pour
violation de ces droits.
22 des 53 membres de la Commission se sont prononcés en faveur d'une
résolution, dite de "non
action", présentée par Pékin et ayant pour effet de bloquer l'intention des
Etats-Unis de proposer au vote une résolution dénonçant le non respect des
droits de l'Homme en Chine.
18 ont voté contre le texte chinois. 12 se sont abstenus dont l'Argentine,
le Brésil, le Chili,
l'Equateur et le Mexique et un pays, la Roumanie, n'a pas pris part au vote.
Parmi les pays qui ont voté pour le texte chinois figurent, outre la Chine,
la Russie, Cuba, l'Inde, le Pakistan, l'Indonésie, le Maroc, le Nigeria, le
Venezuela et le Pérou.
Avant le vote, le délégué chinois, l'ambassadeur auprès de l'ONU Qiao
Zonghuai, avait
considéré que le projet de résolution américain n'était qu'"une mascarade
politique anti-chinoise
orchestrée par les seuls Etats-Unis et une moquerie contre la Commission des
droits de l'Homme
et ses membres".
En présentant cette résolution, le délégué américain a considéré que "de
demander à un pays de
se conformer au droit international ne relevait pas de la confrontation".
De plus, a-t-il ajouté, "si la Chine souhaite intégrer l'organisation
mondiale du commerce (OMC)
elle doit se conformer aux règles du commerce international, adapter sa
conduite nationale aux
standards internationaux et accepter de faire face à l'examen international
sans chercher à se
cacher derrière une résolution de non action".
Depuis dix ans, la Chine a systématiquement utilisé cet artifice de
procédure, sauf en 1995,
pour échapper à toute condamnation de la part de la Commission.
Source : AFP 18 avr 00
Vote de l'ONU : réactions
Tandis que le gouvernement américain tentait de faire bonne figure en
constatant qu'une fois
encore, la marge avec laquelle la Chine avait réussi à échapper à la
condamnation, s'était réduite cette année, le représentant du gouvernement
tibétain en exil, qui a effectué un important travail d'information auprès
des délégations, a exprimé son inquiétude: "Nous pensons que le vote de la
Commission a donné une claire possibilité à Pékin d'utiliser ce forum pour
bloquer toute discussion valable sur les violations des droits de l"homme.
De la même manière, les grandes organisations non gouvernementales (Amnesty
International, Human Rights Watch, ...) ont mis en cause la crédibilité de
la Commission : "la résolution de non-action soumise par la Chine met en
question le but et la fonction de la Commission des Nations-Unies", estime
Amnesty
International.
Human Rights Watch reproche par ailleurs aux pays de l'Union européenne,
ainsi qu'au Canada,
au Japon et à l'Australie de ne pas avoir soutenu le projet de résolution
américain, en dépit de
leurs critiques contre la Chine.
Si l'on regarde la liste des pays qui se sont fait complices de la
manoeuvre chinoise, on constate que la plupart d'entre eux appartiennent au
"Tiers-Monde", et ont été l'objet d'un véritable chantage de la part des
Chinois. On retrouve notamment côte-à-côte le Bangladesh, le Bhoutan, le
Népal, le Pakistan, l'Inde et le Sri Lanka, tous plus ou moins mis en cause
pour leur gestion des droits de l'homme ou susceptibles d'être critiqués en
raison de certains conflits locaux.
L'argument selon lequel la condamnation de la Chine aurait été une victoire
de pays
"colonialistes" a également joué. Il importe donc à l'avenir de mettre mieux
en évidence,
notamment auprès des pays du tiers-monde, la véritable agression coloniale à
laquelle se livre la
Chine au Tibet.
Liste complète des votants (pour ou contre la motion de non-action)
En faveur :
Bangladesh, Bhoutan, Botswana, Burundi, Chine, Congo, Cuba, Inde, Indonésie,
Madagascar, Maroc, Népal, Niger, Nigéria, Pakistan, Pérou, Qatar, Fédération de Russie,
Sri Lanka, Soudan, Vénézuéla et Zambie.
Contre :
Allemagne, Canada, Colombie, Espagne, Etats-Unis, France, Guatemala, Italie,
Japon, Lithuanie, Luxembourg, Norvège, Pologne, Portugal, Salvador, Swazi-land, Rép. Tchèque et Royaume-Uni.
Abstentions :
Argentine, Brésil, Chili, Equateur, Libéria, Maurice, Mexique, Philippines, Rép. de Corée, Rwanda, Sénégal et Tunisie.
Sources : AFP, WTN, divers, 19 avr 00
ONU : réaction gouvernement tibétain
Après que la Chine eut obtenu que la Commission des droits de l’homme des
Nations-unies
passe sous silence ses violations des droits de l’homme, le Gouvernement
tibétain en exil exprime
son inquiétude :
Le Gouvernement tibétain en exil exprime sa profonde inquiétude devant le
fait que la cinquante-
sixième session de la Commission des Nations Unies sur les droits de l’homme
a permis
aujourd’hui à la Chine d’empêcher qu’ait lieu la discussion sur la situation
des droits de l’homme au Tibet et en Chine.
Les pays qui, par leur vote, ont soutenu l’utilisation abusive par la Chine
d’une motion
procédurale de "non-action" concernant la résolution sur la Chine déposée à
l’initiative des Etats-Unis, ont fait montre d’un manque de préoccupation à
l’égard de la situation critique dans
laquelle se trouvent toutes les victimes des violations des droits de
l’homme au Tibet, dans le
Turkestan oriental et en Chine.
"Nous estimons qu’en votant en faveur de la Chine, la Commission lui a
clairement donné le feu
vert pour se servir de la tribune afin d’empêcher toute discussion
substantielle sur les violations des droits de l’homme que la Chine continue
de commettre", a déclaré Monsieur T.C. Tethong, ministre de l’Information et
des Relations internationales du Gouvernement tibétain en exil.
Le Gouvernement tibétain en exil estime également que le refus de l’Union
Européenne et de
certains pays occidentaux alignés de joindre leurs voix à la résolution sur
la Chine déposée
devant cette Commission est en contradiction avec leur politique des droits
de l’homme. Nous en
appelons à tous les pays membres de la Commission des Droits de l’homme pour
ne pas
permettre à la Chine de bloquer toute discussion sur la situation des droits
de l’homme qui sera
examinée dans ses sessions à venir.
Cette façon d’aborder la question des droits de l’homme à la plus haute
tribune des Nations
Unies signifie tout simplement qu’un membre permanent du Conseil de Sécurité
peut l’utiliser
pour échapper à l’examen minutieux du respect des droits de l’homme. Le
Gouvernement
tibétain en exil, néanmoins, se sent réconforté par le fait que de nombreux
pays, organisations
non gouvernementales et mécanismes thématiques, ont exprimé à la Commission
leurs
inquiétudes sur les violations des droits de l’homme que Pékin continue de
commettre au Tibet.
Le Gouvernement tibétain en exil soutient la voie du dialogue pour
résoudre les questions des
droits de l’homme auxquelles les autorités chinoises sont confrontées.
Cependant, pour les
personnes concernées, ce dialogue devrait conduire à des résultats tangibles
dans leur vie de tous les jours.
A ce jour, cela n’est pas le cas. En conséquence, il est nécessaire
maintenant que les
gouvernements occidentaux, en particulier l’Union Européenne, réexaminent
leur politique à
l’égard de la Chine s’ils veulent sincèrement que se réalisent des progrès
substantiels dans la
situation des droits de l’homme au Tibet, dans le Turkestan oriental et en
Chine.
A cet égard, l’attitude prise par l’Union Européenne et certains pays
alignés de l’Occident au
cours de cette session de la Commission est regrettable, particulièrement du
fait qu’aucun
progrès n’est encore visible sur le plan des droits de l’homme dans le
dialogue bilatéral et
multilatéral avec la Chine.
Le défi continuel de la Chine à ne pas ratifier les deux Conventions des
Nations-Unies sur les
droits de l’homme et la mauvaise volonté qu’elle manifeste à coopérer avec
le mécanisme
thématique de la Commission des Nations-Unies sur les droits de l’homme en
sont des indices.
Une des raisons principales qui fondent le fait que les Tibétains ont
recouru à une lutte non-
violente pour la défense de leurs libertés est le fort soutien international
qu’a reçu la voie qui est la nôtre et l’inquiétude que la communauté
internationale témoigne à l’avenir du Tibet.
A cet égard, l’indifférence de l’Union Européenne et de certains pays
alignés de l’Occident
concernant la résolution de la Chine, peut envoyer un message erroné au
peuple tibétain.
Si quelque situation malheureuse s’élevait au Tibet, la Chine ne pourrait
en être tenue pour
seule responsable.
Le Gouvernement tibétain en exil en appelle aux pays membres de la
Commission des droits de
l’homme afin qu’ils réexaminent sérieusement leur politique des droits de
l’homme concernant la
Chine.
L’échec à avoir adopté une résolution sur la Chine lors de cette Commission
peut être un signal
donné aux autorités chinoises que son indifférence quant à ses obligations
internationales sur les droits de l’homme est acceptable pour la communauté
internationale. "L’échec de la Commission
à adopter une résolution sur la Chine ne fait qu’encourager Pékin à
appliquer au Tibet une
politique des droits de l’homme plus répressive. Il est malheureux que les
organismes des
Nations Unies envoient un tel message à Pékin", a déclaré M. Téthong.
Sur le Tibet, la résolution exprime son inquiétude quant aux "restrictions
croissantes que
subissent les Tibétains concernant l’exercice de leurs libertés culturelles,
linguistiques,
religieuses et autres" et elle appelle le Gouvernement de la Chine "à
préserver et à protéger
l’identité distincte culturelle, ethnique, linguistique et religieuse des
Tibétains".
Note : La motion de "non-action" a été votée par : 22 voix en faveur de la
Chine, 18 contre, 12 abstentions et 1 absence.
Source : Bureau du Tibet, 20 avr 00
Tibet occupé ou Tibet colonisé
Une fois encore la Commission des Droits de l'Homme a adopté, le 18 avril, une motion de non-action ( par 22 voix contre 18 et 12 abstentions ) permettant à la Chine d'échapper à toute condamnation, fut-elle simplement morale. Au-delà du côté décevant, désagréable, irritant, mais somme toute prévisible, cherchons à tirer quelques bénéfices de ce nouvel échec.
Lorsqu'on regarde attentivement la liste des pays qui ont voté en faveur de la non-action, on prend vite conscience d'une évidence. Tous, à l'exception du cas très particulier de la Russie, sont des pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine et appartiennent à ce qui fut appelé tour à tour "Tiers Monde" , la "zone des tempêtes" ou les "pays en développement". Tous, à l'exception une fois encore de la Russie, du Népal et du Bhoutan qui partagent d'importantes frontières avec la Chine ont connu de longues périodes d'occupation coloniale, durant lesquelles ils se sont trouvés confrontés à des puissances occidentales et beaucoup n'ont retrouvé leur indépendance qu'à la suite d'une guerre de libération contre ces mêmes puissances ou d'un processus global de décolonisation dans les années 60, acquis en général avec l'appui de la Chine.
En revanche la quasi-totalité des pays qui ont, dans l'histoire, constitué des empires coloniaux au détriment des premiers se retrouvent dans les 18 votants cherchant à condamner la Chine (France, Royaume uni, Espagne, Portugal, Japon). La situation des Etats-Unis est plus complexe puisque ce pays peut se prévaloir à la fois d'avoir été colonisé et d'avoir mené des guerres "impériales". Certains - comme notre amie Eva - en ont tiré la conclusion logique qu'il fallait mieux organiser notre lobbying auprès des pays du Tiers Monde, notamment en encourageant les Tibétains à y prendre une place prépondérante.
Parfait.
Mais on ne peut se contenter ici d'une approche "technique". La véritable question qui se pose est politique. Qui d'entre nous est capable de caractériser en un seul mot, qui ait un sens explicite pour les pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine, la politique menée par la Chine au Tibet ?
Et pourtant ce mot existe : la colonisation. Et ce qui sous-tend cette colonisation porte un nom, qui transcende les systèmes économiques, cela s'appelle le colonialisme.
Ce système et son idéologie ont une histoire, des règles, des points communs (conquête militaire, pillage économique, déculturation, racisme, pour finir par la corruption et l'assimilation forcée ...).
Or nous sommes en train de débattre pour savoir si nous devions bien accoler le terme "occupé" à chaque utilisation du mot Tibet. Ce qui d'ailleurs me semble être une vision statique et erronée de la situation. L'occupation laisse en effet entendre la simple présence de troupes ou de fonctionnaires étrangers. La réalité est tout autre : Le Tibet se trouve profondément transformé, vraisemblablement avec des conséquences humaines et économiques durables, par cette occupation. Et cela ne se trouve pas décrit par l'expression " pays occupé ".
Beaucoup d'entre nous sont trop jeunes ou n'ont pas les éléments de référence pour faire la différence entre pays occupés et pays colonisés. Disons que la Tchécoslovaquie, la Pologne ou, brièvement, la France ont fait l'expérience d'occupations étrangères. En revanche le Niger, le Burundi et Madagascar savent d'expérience ce qu'est la colonisation. Or ces pays ont voté avec la Chine malgré tout ou justement parce que nous ne voulons ou ne savons nous exprimer correctement en ce qui concerne la politique de la Chine au Tibet.
Il est vrai que certains de ces pays, décolonisés, se sont trouvés en face de problèmes de souveraineté, souvent hérités de la situation coloniale (Indonésie / Timor, Soudan / Sud, Sri Lankha / Tamoul ) et que les États constitués, sous l'influence des militaires, ont souvent "chaussé les bottes de la colonisation" pour les régler. Ce n'est pas le cas de tous. Il est regrettable que des pays comme le Brésil, le Mexique, la Corée; le Sénégal ou la Tunisie aient cru devoir s'abstenir dans ce débat.
Certains ont-ils du mal à concevoir le colonialisme - qui fut une constante de la culture euro-américaine - comme un péché aussi grave que le communisme ou le fascisme ? Il n'est, je crois, de véritable critique, en politique comme ailleurs, que lorsqu'on est capable de se l'appliquer à soi-même.
Plus inquiétant sans doute est le fait que le débat ne soit pas nourri sur cette question avec nos amis Tibétains. Robbie Barnett a remarqué avec beaucoup de sagacité que le choix des Tibétains, pour différentes raisons historiques, ne s'est pas portée sur la "lutte anti-colonialiste" en ce qui les concerne, à un moment où un courant porteur existait en ce domaine. Il n'est pas trop tard pour le faire.
La condamnation morale puritaine ou l'émotion latine ne suffisent pas à mobiliser au-delà de nos pays "du Nord". Des mots et des concepts clairs me semblent nécessaires. « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Si nous voulons être compris, parlons clairement !
Jean Paul Ribes
Liste complète des votants (pour ou contre la motion de non-action)
En faveur :
Bangladesh, Bhoutan, Botswana, Burundi, Chine, Congo, Cuba, Inde, Indonésie, Madagascar, Maroc, Népal, Niger, Nigéria, Pakistan, Pérou, Qatar, Fédération de Russie, Sri Lanka, Soudan, Vénézuéla et Zambie.
Contre :
Allemagne, Canada, Colombie, Espagne, Etats-Unis, France, Guatemala, Italie, Japon, Lithuanie, Luxembourg, Norvège, Pologne, Portugal, Salvador, Swaziland, Rép. Tchèque, et Royaume-Uni.
Abstentions :
Argentine, Brésil, Chili, Equateur, Libéria, Maurice, Mexique, Philippines,
Rép. de Corée, Rwanda, Sénégal et Tunisie.
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