10 à 13 ans de prison pour trois moines tibétains après une immolation
mercredi 31 août 2011 par Rédaction
Trois moines comparaissaient les 29 et 30 août 2011 "pour avoir été les instigateurs d’un complot et de l’immolation d’un jeune moine", le 16 mars au monastère de Kirti, dans la province du Sichuan (ancien Amdo tibétain), a indiqué le tribunal du comté de Barkam [1], selon l’agence officielle Chine nouvelle (Xinhua).
Lobsang Tsundue (Drongdru) [2], âgé de 46 ans, moine du monastère de Kirti, a été condamné le 29 août 2011 à 11 ans de réclusion criminelle, après avoir été jugé coupable d’homicide à la suite de l’immolation d’un autre moine en mars dernier, a rapporté l’agence Chine nouvelle. [3]
Drongdru a été accusé, avec deux autres moines [4] qui comparaîssaient le 30 août, d’avoir caché et privé de soins le jeune moine Phuntsok après son immolation le 16 mars au monastère de Kirti, dans la province du Sichuan.
Les deux autres moines ont été condamnés respectivement à 10 et 13 ans de prison, également pour "homicide volontaire", a rapporté l’agence
Chine nouvelle (Xinhua).
Pendant son procès, Drongdru a plaidé coupable, exprimé des regrets et indiqué qu’il ne ferait pas appel, a assuré Chine nouvelle.
La mort de Phuntsok avait déclenché des mouvements de protestation et le monastère tibétain de Kirti avait été bouclé par la police, dans un climat de très fortes tensions.
[5]
Le moine était décédé des heures après s’être immolé, à la date anniversaire du début des émeutes antichinoises de 2008 à Lhassa, avait rapporté l’association International Campaign for Tibet (ICT).
Les circonstances de ce décès ont donné lieu à deux versions opposées : selon un responsable local et la presse officielle, le moine serait mort car, après que la police l’eut transporté en urgence à un hôpital proche, il en aurait été retiré de force par ses proches puis caché dans le monastère.
Mais, selon selon ICT et des Tibétains en exil en contact avec des habitants de la région, les policiers ont dans un premier temps tenté d’éteindre les flammes puis ont ensuite porté des coups au moine. Ses amis l’auraient alors repris des mains de la police pour l’emmener eux-mêmes à l’hôpital où il est mort.
C’était la deuxième fois qu’un moine s’immolait par le feu à Kirti depuis les émeutes anti-chinoises de mars 2008 à Lhassa, la capitale du Tibet, les plus sanglantes dans la région himalayenne en plus de 20 ans. La police chinoise avait tiré début 2009 sur un moine qui venait de s’immoler par le feu, alors que la tension montait à l’approche du 50e anniversaire du départ en exil du Dalaï Lama. [6]
Un troisième moine bouddhiste est mort après s’être immolé par le feu, le 15 août dernier, dans une autre zone tibétaine de la province du Sichuan. [7] Là aussi, le monastère, dans le comté de Tawu, avait été bouclé par la police et l’armée.
Selon l’organisation Free Tibet Campaign, dont le siège est à Londres, le moine, Tsewang Norbu, a crié juste avant de s’immoler : "Nous le peuple tibétain, nous voulons la liberté", "Longue vie au Dalaï Lama", "Laissez le Dalaï Lama rentrer au Tibet".
Des associations de défense des Droits de l’Homme dénoncent cette lourde condamnation à 11 ans de prison comme "purement politique". "Condamner un moine qui semble avoir seulement tenté de protéger Phuntsok après son acte autonome revient à aggraver les souffrances des moines de Kirti", a estimé Kate Saunders, de l’association International Campaign for Tibet (ICT).
"En agissant ainsi le gouvernement chinois espère détourner l’attention des vraies raisons de l’immolation", selon elle provoquée par "l’intense répression", y compris sur le plan religieux, exercée par les autorités chinoises dans les zones tibétaines.
"Il s’agit d’un verdict manifestement injuste qui intervient au terme de poursuites purement politiques", a de son côté estimé Nicholas Bequelin, de l’organisation Human Rights Watch. Cette condamnation "s’inscrit dans le cadre de persécutions sans précédent visant le monastère de Kirti, où le gouvernement a déjà placé en détention arbitraire des dizaines de moines", a-t-il ajouté.
"Avec ces condamnations, le gouvernement envoie le message qu’il est prêt à en découdre", estime Phelim Kine, de Human Rights Watch (HRW) à Hong Kong, pour qui le gouvernement "est de plus en plus frustré du refus du monastère de Kirti de se soumettre à l’autorité" de Pékin.
Les Etats-Unis ont fait part de leur "préoccupation" le 30 août après la condamnation en Chine à 11 ans de prison de Lobsang Tsundue (Drongdru).
"Nous appelons le gouvernement chinois à assurer la transparence et à respecter les droits garantis aux citoyens chinois par la constitution et les lois ainsi que les normes internationales", a déclaré le département d’Etat dans un communiqué.
"Afin de répondre aux revendications sous-jacentes de la population tibétaine en Chine, nous appelons les dirigeants chinois à s’attaquer aux politiques qui ont créé des tensions dans les régions tibétaines et à protéger l’identité linguistique, culturelle et religieuse unique des Tibétains", a ajouté le ministère.
Source : AFP, 29 au 31 août 2011.
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[1] Barkam (Mǎ’ěrkāng, 马尔康县 en chinois), peut être localisé sur cette carte.
[2] Lobsang Tsondue est l’oncle et le professeur de Phuntsok au monastère de Kirti.
Source : International Tibet Network.
[3] Voir l’article "Un jeune moine s’immole par le feu à Ngaba" du 17/03/2011 et l’article "Immolations : récapitulatif, actions et réactions", du 30/10/2011.
[4] Les deux autres moines sont Lobsang Tenzin, de Lotatsang et Lobsang Tenzin (même nom) de Pematsang.
Source : International Tibet Network.
[5] Voir l’article "Immolations : récapitulatif, actions et réactions", du 30/10/2011 ou les articles :
"Un jeune moine s’immole par le feu à Ngaba", du 17/03/2011 ;
"De nouvelles restrictions faites aux moines de Ngaba", du 24/03/2011 ;
"La police armée chinoise boucle le monastère de Kirti à Ngaba", du 14/04/2011 ;
"Crise au monastère de Kirti : appel à l’aide de l’Administration centrale tibétaine", du 23/04/2011 ;
"Après les avoir niés plus d’un mois, la Chine reconnait qu’il y a des troubles au monastère de Kirti", du 27/04/2011 ;
"Poursuite de la répression à Ngaba", du 10/05/2011 ;
"Tension toujours très forte dans la région de Ngaba", du 27/05/2011 ;
"La répression continue pour les moines du monastère de Kirti", du 04/06/2011 ;
"Tibet Lib : intervention pour Lobsang Dhargye", du 20 juin 2011 ;
"Des centaines de moines du monastère de Kirti sont obligés de partir, expulsés ou détenus.", du 21/06/2011 ;
"Des moines du monastère de Kirti refusent de participer au rassemblement pour la prière "mise en scène" par les autorités chinoises", du 21/06/2011.
[6] Voir l’article "Tension dans l’est du Tibet où un moine s’est immolé", du 01/03/2009
[7] Voir l’article "Nouvelle immolation d’un moine au Tibet", du 15/08/2011.
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