On ne boycotte pas Gandhi
samedi 9 août 2008 par Jean-Paul Ribes
Justifiant son bref déplacement à Pékin, accompagné de Jean-Pierre Raffarin dans le rôle du nouveau gourou en matière de politique chinoise, Nicolas Sarkozy a eu cette formule aussi approximative (dans les chiffres) que lapidaire : "on ne boycotte pas un quart de l’humanité".
Qui a jamais parlé de cela ?
Etait-ce une pique à l’égard d’Angela Merkel ou de Gordon Brown ?
Pour nous, membres de la "clique" du Dalaï Lama et fiers de l’être, nous n’avons jamais réclamé un quelconque boycott, sinon celui de la violence répressive et de l’arbitraire.
Que les dirigeants français rencontrent le plus souvent possible les dirigeants chinois, nous n’avons rien à y redire. Mais pour quoi faire ?
Les couvrir de phrases flatteuses, se confondre en excuses (comme l’a fait récemment Jean-Pierre Raffarin), bref s’y livrer à une version modernisée du "kotow", cet acte d’allégeance à l’empereur ?
Certainement pas.
Mais évoquer nommément le cas de Hu Jia, dont la jeune et vaillante épouse a disparu, parler de la situation au Tibet et évoquer la position sage et raisonnable du Dalaï Lama, oui. Or il ne l’a pas fait, n’exprimant même pas son inquiétude, comme vient de le faire publiquement et à Pékin le président américain.
Résultats : néant. Aucune libération en vue, un dialogue de dupes avec les envoyés du guide tibétain, une répression sans précédent depuis vingt ans sur le terrain. Comment s’étonner de ces échecs répétés puisque les problèmes ne sont même pas posés, les objectifs fixés.
La diplomatie française, qui fût grande en son temps, n’est semble-t-il plus capable de grand’ chose, sinon de s’enorgueillir de victoires ambiguës et limitées, tout juste médiatiques. Même si l’on ressent beaucoup de joie à la liberté retrouvée des infirmières bulgares ou d’Ingrid Betancourt, le palmarès est un peu court et très partagé.
Pour en revenir à la Chine, il est étrange que même les cercles les plus proches de l’Elysée doivent admettre qu’ils n’ont jamais rien obtenu, et que la colère surjouée de quelques nervis pékinois a suffi à ramener les prétentions verbales du président français à un niveau inaudible.
La spirale de la défaite et du renoncement, entamée certes bien avant l’arrivée aux affaires de Nicolas Sarkozy, ne peut-elle donc être interrompue ?
A entendre le candidat Sarkozy, on y croyait ; on en doute sérieusement aujourd’hui à suivre les atermoiements du Président.
Qu’il ne rencontre pas le Dalaï Lama dès son retour, cela fait partie du jeu. De toute façon qu’aurait-il eu de bon à lui annoncer ? Le maître tibétain, dans sa sagesse, ne cherche jamais à embarrasser les dirigeants du pays dont il est l’hôte. Il n’aurait en aucun cas la grossièreté de s’inviter à une table où il n’est pas convié. A Berlin comme à Londres ou à Washington, il répond à des demandes qui lui sont adressées, en toute liberté. Avec autant de maladresse que d’inélégance, l’Elysée renvoie la charge d’une non-rencontre sur le maître tibétain.
Certes, de son côté, la conscience de l’état d’otage dans lequel se trouve son peuple, le désir de ne compromettre en rien d’hypothétiques rencontres avec les dirigeants chinois ont pu jouer pour qu’il n’insiste pas. Nous eussions dû le faire à sa place. Nous, qui servons la cause du Tibet libre depuis tant d’années, nous connaissons la discrétion de nos partenaires. Mais nous connaissons aussi toute la détresse accumulée de ce peuple et nous ne cessons de répéter combien celle-ci est potentiellement génératrice de violence.
Monsieur le Président, vous nous avez promis d’inviter le Dalaï Lama pour une rencontre avant la fin de l’année. Ne vous dérobez pas à nouveau, le temps presse.
Et pour répondre à votre formule, seriez-vous fier d’avoir boycotté Gandhi ?
Jean Paul Ribes
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