L’Europe et "l’empire de la poudre aux yeux" *
mardi 29 avril 2008 par Jean-Paul Ribes
Le cynisme du gouvernement chinois est décidément sans limite. Alors que depuis de longues années, le Dalaï Lama multiplie les gestes d’apaisement, le voici sommé de "saisir l’occasion" de dialoguer [1] avec un pouvoir qui l’insulte et le calomnie tous les jours. Etrange manière de nouer la conversation.
S’il était un tant soit peu logique, le pouvoir chinois qui, avec cette habituelle inversion des mots qui le caractérise, exige du Dalaï Lama qu’il "fasse cesser les violences" au Tibet lui en donnerait sans tarder les moyens : interventions sur les médias publics, envoi d’une mission au Tibet, rencontre au plus haut niveau.
Cynisme encore que cette fin de non-recevoir à la protestation du gouvernement de Corée du Sud à la suite du comportement de voyous de quelques centaines d’étudiants chinois lors du passage de la flamme olympique à Séoul, attaquant violemment ceux qui étaient venus dire leur désaccord avec la politique de Pékin [2]. A Paris, la Chine s’indigne ; à Séoul, elle provoque.
La pommade lénifiante du Docteur Raffarin, [3] à base de compromission et de laisser-faire semble, dans de telles conditions, non seulement inutile mais dangereuse. L’absence de dignité d’un ancien premier ministre de la France est particulièrement choquante lorsqu’on sait qu’il n’ignore rien de la violence de la police armée chinoise au Tibet, des injustices quotidiennes contre les paysans et les ouvriers en Chine.
Une parole de vérité, sans haine ni arrogance, mais sans servilité non plus, voila ce que nous continuons à réclamer du futur président de l’Union européenne, Nicolas Sarkozy, qui pourra trouver inspiration et appui, entre autres, dans l’attitude digne de la chancelière allemande Angela Merkel. Tranquillement et sans bruit, elle a annoncé qu’elle était disposée à s’entretenir à nouveau avec le Dalaï Lama, comme va le faire dans quelques jours le Premier ministre britannique Gordon Brown.
Vous avez dit Europe ? C’est le moment de témoigner de son existence !
Jean Paul Ribes
* "L’Empire de la poudre aux yeux" [4] est le titre d’un excellent livre, paru en 2002, de Jean Leclerc du Sablon, journaliste, ancien correspondant en Chine.
Flammarion, 2002. Broché, 420 pages.
ISBN : 978-2080682284
Source des Notes de bas de page 1 à 3 : AFP 29 avril 2008
[1] La Chine a appelé le 29 avril le Dalaï Lama à saisir l’opportunité du dialogue qu’elle lui a offert et à prendre des mesures pour mettre fin aux violences avant les Jeux olympiques.
"Nous espérons que le Dalaï Lama puisse chérir cette opportunité,
reconnaisse les faits et change sa position en prenant des mesures concrètes pour mettre fin aux actes de violence et tentatives de saboter les Jeux olympiques", a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Jiang Yu.
[2] Près du parc olympique, lors du passage de la flamme à Séoul, des manifestants pro-chinois ont jeté des bouteilles d’eau, des morceaux de bois, des pierres et autres canettes de boisson sur des opposants aux JO.
Face aux protestations diplomatiques de la Corée du Sud, Pékin a défendu le 29 avril l’attitude des étudiants chinois pour défendre la flamme olympique lors de son passage en Corée du Sud après que le Premier ministre sud-coréen eut dénoncé des violences ayant heurté la "fierté nationale".
"Des étudiants chinois ont défendu la dignité de la torche olympique. Je pense que c’est naturel", a déclaré à la presse la porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères Jiang Yu.
"Peut-être y a-t-il eu quelques actions radicales", a-t-elle ajouté.
"Nous condamnons les manifestations violentes. En ce qui concerne les étudiants et les expatriés chinois, ils ont eu seulement des frictions avec ceux qui avaient perturbé et saboté le relais de la torche là-bas. C’est totalement différent", a poursuivi Mme Jiang.
[3] Lors de sa rencontre avec Jean-Pierre Raffarin, Wen Jiabao s’est félicité des récents propos de l’ancien premier ministre français en faveur des JO.
"Vous soutenez l’organisation par la Chine des Jeux olympiques, vous vous opposez à lier la politique et les JO, exprimant par là l’amitié à l’égard du peuple chinois", lui a-t-il notamment dit.
"Si Nicolas Sarkozy ne venait pas (à la cérémonie d’ouverture des Jeux), cela serait interprété (par la Chine) comme un changement de ligne historique", a commenté M. Raffarin devant la presse.
[4] "L’Empire de la poudre aux yeux : Carnets de Chine 1970-2001"
En sa qualité de correspondant de l’AFP en Chine, l’auteur a été le témoin privilégié de l’évolution de la Chine entre 1970 et 2000, de la fin du règne de Mao Zedong à l’économie de marché.
Avec verve et humour, ce qui n’exclut pas le sérieux de l’analyse, l’auteur nous donne à voir ce qu’il peut observer, qu’il s’agisse du peuple, qu’il côtoie d’assez loin puisque les Chinois ne sont pas autorisés à parler aux étrangers, ou de la gérontocratie qui préside aux destinées de ce gigantesque pays.
L’arrivée en Chine de Jean Leclerc du Sablon coïncide pratiquement avec la volonté d’ouverture de ce pays vers le monde occidental.
Soudain, le 26 décembre 1970, jour anniversaire de la naissance de Mao, alors que les slogans criés dans la rue se résument à : "A bas l’impérialisme yankee", à la une du Quotidien du peuple apparaît ce titre incroyable : "Le président Mao a reçu un ami américain !"
On retrouve dans cet ouvrage le même amour de la Chine qui sous-tendait les livres de Lucien Bodard, et cette ironie un peu décalée qui permet d’aborder les sujets les plus graves avec légèreté.
<:accueil_site:>
| <:info_contact:>
| <:plan_site:>
| [(|?{'',' '})
| <:icone_statistiques_visites:>
<:site_realise_avec_spip:> 2.1.13 + AHUNTSIC