Torture : l’ONU dénonce l’opacité des autorités chinoises

lundi 10 novembre 2008 par Rédaction

Le Comité anti-torture de l’ONU [1] et les ONG de défense des Droits de l’Homme ont dénoncé le 10 novembre 2008 l’opacité des autorités chinoises, qui refusent de fournir des informations sur des cas de torture. [2]

Le représentant de Pékin auprès de l’ONU depuis 2007, l’ambassadeur Li Baodong, a assuré ne pas être en mesure de fournir les données statistiques réclamées par le Comité anti-torture (CAT) lors de la première séance des débats, le 7 novembre dernier.
"Il reste beaucoup à faire : la Chine est un pays en voie de développement, avec une population très importante et des ressources humaines et financières limitées", a plaidé le diplomate. [3]
"La Chine a besoin de temps", a-t-il ajouté, tout en faisant table rase des allégations des ONG, accusées de "propager de fausses informations pour porter tort à la Chine".

"Nous ne sommes pas rassurés par les réponses des autorités chinoises", a rétorqué Mme Nora Sveaass, Vice-Président du CAT sur la Chine, qui a notamment demandé une enquête sur les événements de Tiananmen au printemps 1989.
"Il n’est pas trop tard pour que les familles des victimes connaissent la vérité" sur la répression de ces manifestations et pour demander des réformes politiques, a-t-elle fait valoir.
Mme Felice Gaer, autre membre expert, a déploré "l’absence de définition claire" du concept de torture dans la législation chinoise. Elle a également dénoncé l’usage extensif du secret d’Etat pour refuser de dévoiler des faits de torture, "notamment lorsque ce sont des membres d’ethnies minoritaires qui en sont victimes".

"En l’absence totale d’information fiable, ce serait irresponsable de notre part d’avancer un chiffre de cas de torture en Chine", a reconnu devant la presse Mme Sharon Hom, directrice de l’organisation Human Rights in China.
"Les experts de l’ONU ont posé des questions très précises sur des cas qui leur ont été signalés par des ONG mais n’ont obtenu que les réponses de routine", a remarqué Ngawang Choephel, président de l’ONG tibétaine Tibetan UN Advocacy.

C’est la première fois depuis 2001 que le CAT examine un rapport sur la torture en Chine. Les experts du Comité ont évoqué les arrestations survenues lors des émeutes en mars 2008 dans les provinces tibétaines de la Chine, l’assignation à résidence de l’épouse et de la fille du dissident chinois emprisonné Hu Jia, qui a reçu récemment le Prix Sakharov de la liberté de penser du Parlement européen, ou les conditions générales de détention en Chine.

Source : AFP 10 novembre 2008

[1] Le Comité est un organe de dix experts siégeant à titre personnel. Il est actuellement composé des experts suivants :
- M. Essadia Belmir (Maroc),
- M. Abdoulaye Gaye (Sénégal),
- M. Luis Benigno Gallegos Chiriboga (Equateur),
- Mme Felice Gaer (Etats-Unis),
- M. Claudio Grossman (Chili),
- M. Alexander Kovalev (Fédération de Russie),
- M. Fernándo Mariño Menéndez (Espagne),
- Mme Myrna Y. Kleopas (Chypre),
- Mme Nora Sveaass (Norvège) et
- M. Xuexian Wang (Chine).
Il tient sa 41ème Session du 3 au 21 novembre 2008

[2] Les questions ont été posées à la Chine en août 2008, laissant plus de deux mois au gouvernement chinois pour préparer sa réponse. Parmi les questions posées, il fut demandé la liste de toutes les personnes arrêtées à la suite des émeutes au Tibet en mars 2008, en précisant leur lieu de détention et l’objet de leur inculpation, pourquoi ces détenus n’ont pas pu avoir accès à un médecin, ni avant ni après le procès.
Au sujet de la trentaine de personnes condamnées seulement six semaines après les événements, des précisions ont été demandées sur quelles bases ces sentences avaient été prononcées.
Il fut également demandé le détail du nombre de personnes tuées dans les émeutes, aussi bien à Lhassa que dans les provinces voisines du Gansu, Sichuan et Qinghai.
Lors des deux séances publiques, les 7 et 10 novembre 2008, en présence d’une délégation chinoise forte de 32 membres et des représentants de nombreuses organisations de défense des Droits de l’Homme, les experts ont aussi posé des questions sur le nombre de condamnés à mort, le sort des immigrants nord-coréens, les brutalités subies par des femmes enceintes pour les convaincre d’avorter, ou encore des passages à tabac d’avocats ou de plaignants par des "auxiliaires de justice" non-officiels.
Les experts du CAT ont également interrogé les représentants de Pékin sur les persécutions contre les membres du mouvement du Falun Gong - qualifié de "secte néfaste" par le représentant de Pékin - et sur l’absence totale d’information vérifiable sur le sort de Gedhun Choekyi Nyima, enlevé à l’âge de six ans après avoir été désigné comme le 11ème Panchem Lama, le deuxième plus haut dignitaire tibétain avec le Dalaï Lama.

[3] Li Baodong déclarait déjà à Genève le 5 mars 2008 : "La Chine a beaucoup œuvré dans la protection des Droits de l’Homme, mais comme la promotion et la protection des Droits de l’Homme est une tâche ardue et à long terme, de tels efforts seront poursuivis dans le futur [...] Nous sommes parfaitement conscients qu’en tant que pays en développement, la Chine a encore un long chemin à parcourir dans la promotion et protection des Droits de l’Homme".


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