Déclaration du Kashag pour le 52ème anniversaire de la journée nationale du soulèvement tibétain
mardi 15 mars 2011 par Rédaction , Bureau du Tibet, Paris
Déclaration du Kashag [1] pour le 52ème Anniversaire de la journée nationale du soulèvement tibétain
Dharamsala, le 10 mars 2011
C’est aujourd’hui le 52ème anniversaire du soulèvement populaire tibétain de 1959 contre les autorités chinoises ainsi que le 3ème anniversaire des manifestations pacifiques qui ont eu lieu à travers tout le Tibet en 2008.
En cette occasion particulière, le Kashag souhaite rendre hommage à tous les martyrs qui ont donné leur vie pour la cause tibétaine et à ceux qui continuent de souffrir. Nous souhaitons leur exprimer notre solidarité et notamment aux intellectuels, écrivains, poètes, musiciens et écologistes tibétains arrêtés et incarcérés ces dernières années. Nous saluons leur courage et leur détermination.
Ces neuf dernières années, de 2002 à 2010, les douzième et treizième Kashag se sont mis à considérer l’anniversaire du 10 mars comme l’occasion la plus importante d’informer les Tibétains du Tibet et ceux en exil des problèmes liés aux politiques tibétaines et à l’administration [2]. En toute transparence, le Kashag a informé les Tibétains des développements, des politiques, des actions, des principes et des plans à venir relatifs au problème tibétain et à ses origines, des forces et des faiblesses, des opportunités, des risques, des réalisations et des échecs du peuple tibétain. Il a expliqué le statut des pourparlers sino-tibétains [3] ainsi que la situation internationale. En 2009 notamment, 50ème anniversaire de notre exil, le Kashag a commémoré et remercié Sa Sainteté le Dalaï Lama qui parcoure le globe, pour ses extraordinaires réussites et tous les Tibétains pour leurs grandes réalisations.
Ceci étant la dernière déclaration du Kashag actuel, nous souhaitons en profiter pour exprimer notre gratitude à l’opinion publique et pour réitérer certains points. Comme nous l’avions dit dans notre déclaration du 10 mars 2009, le Tibet est soumis à une série de campagnes de répression prenant divers noms et formes visant à l’élimination du peuple tibétain et de sa culture depuis plus d’un demi-siècle. Cela a mené le Tibet au bord de l’extinction. Cependant, la force de l’unité et de la solidarité du peuple tibétain demeure intacte, ce qui nous a permis de soutenir la lutte d’une génération à l’autre.
De plus, grâce aux réussites exceptionnelles de Sa Sainteté le Dalaï Lama à travers le monde, le bouddhisme, la culture, les traditions et les valeurs tibétaines jouissent désormais d’une reconnaissance et d’un intérêt renouvelés. Par conséquent, le nombre de sympathisants de notre cause et de disciples du bouddhisme et de la culture tibétaine, en Occident et en Orient, n’a cessé de se multiplier et de varier. Récemment, les efforts pour traduire le Kangyur et le Tangyur [4] dans diverses langues européennes ont été entrepris et la vitesse à laquelle les contacts et les débats entre le bouddhisme tibétain et la science se déroulent aujourd’hui nous remplissent de joie et constituent des changements positifs. Indépendamment de l’absence de changements concrets de la situation politique, le fait que la religion, la culture et les traditions tibétaines fleurissent, ouvre la voie à de grandes perspectives pour l’avenir. Lorsque les générations futures se pencheront sur notre époque, elles considéreront la période actuelle comme une ère d’expansion et de diffusion de la culture tibétaine.
Par ailleurs, la lutte non violente du peuple tibétain et la transformation de la nature de la politique tibétaine en un système démocratique constituent deux raisons de fierté et de force pour les Tibétains. En conséquence, le problème tibétain a pu être soutenu à travers le monde et c’est la raison pour laquelle la République Populaire de Chine ne peut plus ignorer la question tibétaine.
Les profonds accomplissements de Sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama ont permis aux Tibétains en exil de miraculeuses réalisations, aussi tenons-nous à lui exprimer notre infinie gratitude.
Depuis l’occupation du Tibet par la RPC, les Tibétains ne connaissent plus le moindre moment de paix ou de joie. De plus, des politiques sont entrées en vigueur visant à anéantir non seulement la religion, la culture et les ressources naturelles tibétaines, mais également toute trace de l’identité tibétaine. Depuis que la répression s’est intensifiée à travers le Tibet en 2008, les Tibétains dépérissent dans un environnement de peur et de suspicion constantes. La récente campagne visant les intellectuels, les universitaires, les artistes et les écologistes tibétains s’est soldée par des emprisonnements arbitraires, fondés sur des accusations fallacieuses. Ceci valide encore davantage l’existence de l’objectif défini d’effacer l’identité et l’héritage tibétains. Puisque la langue tibétaine est le socle de la culture et de l’identité tibétaines, la récente décision d’interdire le tibétain comme vecteur principal de l’enseignement scolaire [5] constitue un aspect stratégique dans l’intention d’annihiler notre identité. Dans de telles conditions, les Tibétains luttent pour la préservation et la promotion de leur langue et de leur culture en ignorant cette décision, même au risque d’y laisser leur vie. Ils méritent pour cela notre admiration et notre gratitude.
Tibétains et Chinois sont voisins et partagent d’étroits liens sociaux, économiques et commerciaux. Néanmoins, si l’inimitié croît entre les deux peuples et si la relation en pâtit du fait des manipulations exercées par les dirigeants communistes, cela devient forcément néfaste. Les Tibétains en exil s’efforcent de créer de bonnes relations avec les Chinois. De même, le Kashag souhaite demander aux Tibétains du Tibet d’entretenir des liens amicaux avec les Chinois et les autres nationalités. Et nous appelons tout particulièrement les Tibétains à ne pas se livrer à des actes de violences envers les autres nationalités.
Les récentes manifestations pacifiques et populaires revendiquant davantage de liberté et de démocratie au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, sont pour nous une source d’inspiration. Nous offrons notre solidarité à tous ceux qui participent à ces manifestations et leur apportons notre soutien et notre appui unitaire, tant que ces manifestations restent non violentes. Ces événements prouvent que les privations perpétrées par les régimes autoritaires ne peuvent durer indéfiniment.
Actuellement, le fait que Sa Sainteté le Dalaï Lama va céder sa fonction de dirigeant politique des Tibétains et confier ses responsabilités politiques et administratives à des dirigeants élus inquiète très vivement tous les Tibétains [6]. Par conséquent, beaucoup de Tibétains en exil, dans les diverses implantations, organisations, institutions monastiques, et d’autres, notamment des Tibétains du Tibet, ont ardemment enjoint, individuellement et collectivement, Sa Sainteté le Dalaï Lama de ne pas franchir ce pas. Nous, le Kashag, souhaitons transmettre le même message en des termes encore plus affirmés. Parce que l’institution Dalaï Lama, en tant qu’émanation d’Avalokitesvara [7], et les habitants de la contrée des neiges, domaine spirituel d’Avalokitesvara, sont intimement liés d’un point de vue karmique, le peuple tibétain doit redoubler d’efforts pour préserver ce lien entre les Dalaï Lamas successifs et le Tibet. Pour ce faire, nous demandons aux Tibétains de faire encore plus d’efforts pour accroître leurs mérites collectifs.
Pour remplir le désir de Sa Sainteté le Dalaï Lama de céder ses responsabilités temporelles, Sa Sainteté va délivrer un message lors de la prochaine session du Parlement tibétain en exil. Toutes les actions futures vont dépendre de la manière dont les membres du corps législatif vont savamment formuler la législation sur ce point précis. Le Kashag appelle les membres du Parlement en exil à considérer cette question comme étant de la plus haute importance et à bien réfléchir à la voie qu’ils emprunteront en conséquence.
Bien qu’il n’y ait pas eu d’accomplissement majeur lors des douzième et treizième Kashag ces dix dernières années, nous avons pu terminer notre mandat sans échec ni polémique majeurs. Cela a pu être le cas grâce à la bienveillante direction de Sa Sainteté le Dalaï Lama et au dur et sincère labeur des responsables de l’Administration Centrale Tibétaine, la coopération et le soutien de l’opinion publique. Mes pairs du Kashag et moi-même adressons nos profonds remerciements et toute notre gratitude à Sa Sainteté le Dalaï Lama.
Parallèlement, nous regrettons notre incapacité à travailler selon votre vision durant notre mandat et vous présentons nos sincères excuses. Nous implorons Sa Sainteté le Dalaï Lama de continuer à nous diriger jusqu’à atteindre notre libération. De même, nous remercions du fond du cœur les Tibétains du Tibet et du dehors pour leur coopération et leur soutien continuels. Par ailleurs, nous remercions infiniment tous les responsables de l’Administration Centrale Tibétaine qui ont œuvré en toute sincérité et en toute dévotion pour l’Administration Tibétaine en exil, uniquement du fait de leur engagement dans la cause et malgré des salaires insuffisants et de mauvaises conditions.
Enfin, en cette occasion, nous remercions et étendons notre gratitude à tous les groupes de soutien au Tibet, aux chefs de gouvernement et aux parlementaires du monde entier, qui soutiennent la juste lutte du peuple tibétain, et particulièrement à l’opinion publique. De même, nous sommes extrêmement reconnaissants aux dirigeants du gouvernement central indien et de ses états fédérés pour leur soutien infaillible au bien-être des Tibétains, à la préservation et à la promotion de l’héritage spirituel et culturel tibétains et à la réalisation des aspirations des Tibétains.
Pour finir, Le Kashag prie pour la longévité de Sa Sainteté le Dalaï Lama et pour la réalisation spontanée de tous ces vœux. Puisse la vérité sur la question tibétaine éclater bientôt !
Le Kashag
Traduction française revue et corrigée : Bureau du Tibet, Paris, 15 mars 2011
NB Les notes de bas de page et les liens, internes ou externes, ont été ajoutés par Tibet-info à des fins d’explication, d’illustration ou de compléments d’information et ne font pas partie du document officiel.
[1] Le Kashag est le Cabinet de l’administration tibétaine en exil
[2] Voir par exemple la déclaration publiée le 10 mars 2010.
[3] Voir la chronologie des contacts sino-tibétains depuis 1979.
[4] Kangyur ou Kanjur : recueil des paroles du Bouddha Siddharta Gautama regroupant les 108 volumes des Sūtras et des Tantras.
Tangyur ou Tanjur : recueil des commentaires sur les paroles du Bouddha Siddharta Gautama, regroupant 240 volumes d’érudits permettant d’expliquer ou clarifier le Kangyur.
NB le nombre de volumes peut varier selon les traditions et/ou traductions et est donné à titre indicatif.
[5] Voir les articles :
"La langue tibétaine est en danger de disparition au Tibet"
"Manifestation de 6 000 collégiens tibétains à Rebkong"
"Poursuite des manifestations d’étudiants au Tibet"
"Répression sur des écoles tibétaines".
[6] Voir l’article "Quelques leçons à tirer du message du Dalaï Lama".
[7] Avalokitesvara, ou Chenrézig en tibétain, est (pour simplifier) le Bouddha de la compassion, dont le Dalaï Lama est une émanation.
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