Séisme au Tibet
mardi 20 avril 2010 par Rédaction
Les faits
Le 14 avril 2010, un tremblement de terre [1] est survenu dans la région tibétaine du Kham, dont l’épicentre se situe près de la ville de Jyekundo, en chinois Jiegu, Préfecture de Yushu. [2].
- Jyekundo trois jours avant le séisme
- © tibet-defacto.com. Voir article
Une semaine après ce tremblement de terre, le bilan s’élève à plus de 2 000 morts [3], 195 disparus, plus de 12 300 blessés dont 1 134 grièvement, et près de 100 000 sans abri. Dans la ville de Jyekundo, plus de 85% des bâtiments se sont effondrés, les routes ont été coupées par des glissements de terrain et les télécommunications sont rendues difficiles.
Cette région a subi plus d’une cinquantaine de secousses d’une magnitude supérieure à 5,0 depuis 2001, et plus de 1 200 répliques sismiques ont été enregistrées en une semaine, depuis le premier choc.
La région de Jyekundo est une région de montagnes, à 4 000 m d’altitude [4], et est donc difficile d’accès. Cette "Préfecture autonome" comprend une population d’environ 280 000 personnes, composée majoritairement (97 %) de nomades tibétains qui ont pour nombre d’entre eux été sédentarisés de force ces dernières années. [5]. L’économie y reposait essentiellement sur l’agriculture et l’élevage, aujourd’hui en partie remplacés par l’industrie hydroélectrique.
- Séisme à Jyekundo
- © Yushu Earthquake Response.org
Réaction du gouvernement chinois
Après les troubles de l’été 2008, les régions tibétaines étaient considérées comme politiquement "à risque", et il a fallu près de 48 heures avant que les plus hautes autorités chinoises se préoccupent ouvertement de la situation, malgré une bonne volonté évidente de la part des secouristes. Ceux-ci ne sont arrivés sur place que 6 à 8 heures après le séisme, malgré la présence d’une base militaire à proximité, fait qui a marqué les habitants habitués à plus de promptitude de la part de l’armée dans d’autres situations.
Deux jours après ce tremblement de terre, le président Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao ont décidé de modifier leur emploi du temps pour apporter leur soutien aux victimes de la catastrophe. Wen Jiabao est arrivé le jeudi soir 15 avril à Jyekundo, et Hu Jintao a écourté son séjour en Amérique du sud pour venir sur place le 18 avril.
La Chine a déclaré la journée du 21 avril "jour de deuil national".
Organisation des secours
Les secouristes locaux, qui n’ont souvent que leurs mains pour extraire des survivants, ont été rejoints dans la journée par des équipes envoyées par les autorités centrales et les régions voisines : 5 jours plus tard, environ 700 soldats se trouvent sur place et près de 13 000 secouristes, issus de la capitale, Xining, ou de régions plus lointaines, dont très peu parlent tibétain. Cependant, les secouristes ne supportent pas tous l’altitude, et leur efficacité s’en ressent en raison du manque d’oxygène (30 à 50% de moins qu’au niveau de la mer), et plusieurs centaines ont dû repartir vers des zones moins élevées. A partir du 20 avril, le froid, la neige et le verglas viennent poser de nouveaux problèmes.
Importance de l’aide des moines.
Des moines n’ont pas attendu l’arrivée des secours d’urgence pour se mettre au travail et attaquer les gravats à mains nues à la recherche de survivants. Des monastères parfois distants de plusieurs centaines de kms ont envoyé des équipes, et une centaine de moines de Garzê ont ouvert une cantine pour nourrir la population de jour comme de nuit. 28 monastères de la région participeraient ainsi à l’aide sur place. Le monastère de Jyekundo, situé au-dessus de la ville, préparait de la nourriture et chargeait un camion de bouteilles d’eau pour être distribuées.
Le samedi 17 avril, les moines ont participé à des cérémonies de prières et à l’organisation de la crémation de près de 1 400 personnes, dans une tranchée de 150 m de long sur 100 m de large tapissée de bois, pour tenter d’éviter tout risque de propagation de maladies liées à la décomposition. Cette pratique inhabituelle dans la région a été considérée comme justifiée par l’urgence et le nombre trop important de victimes pour suivre des cérémonies traditionnelles.
Réactions internationales
Le Dalaï Lama a présenté immédiatement ses condoléances aux victimes du séisme, et a annoncé un service de prières à Dharamsala. "Nous prions pour ceux qui ont perdu la vie dans cette tragédie, pour leurs familles et pour tous ceux qui ont été affectés", a-t-il déclaré. "J’ai l’espoir que toute forme d’aide et de secours puisse leur parvenir et je vais voir comment, moi aussi, je peux contribuer à ces efforts", a-t-il ajouté.
Le Parti national démocratique du Tibet en exil, installé à Dharamsala, a affirmé qu’il détenait une copie d’une lettre d’habitants tibétains de la région sinistrée demandant que le Dalaï Lama soit autorisé à leur rendre visite après "ces terribles événements".
Le Dalaï Lama, né dans cette région, a appelé Pékin le 17 avril à le laisser visiter la province, assurant vouloir venir réconforter les victimes : "Pour répondre aux vœux de nombreuses personnes là-bas, je souhaite m’y rendre afin de leur offrir du réconfort". "En raison de la distance géographique qui nous sépare, je ne peux pas réconforter maintenant ceux qui ont été directement affectés, mais je veux qu’ils sachent que je prie pour eux", a-t-il dit [6].
"Tout le monde voudrait que le Dalaï Lama vienne ici. Il devrait venir", dit à l’AFP Dorje, un homme de 52 ans, qui fait ses prières dans un temple.
Des condoléances sont parvenues du monde entier, mais toujours adressées au gouvernement chinois, jamais au représentant spirituel des Tibétains :
- N. Sarkozy, qui sera en Chine du 28 au 30 avril, a adressé ses "plus sincères condoléances" au président chinois Hu Jintao.
- le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon "présente ses condoléances au gouvernement et au peuple chinois" et offre l’aide des Nations-unies.
- Hillary Clinton a offert les condoléances et l’aide des Etats-Unis : "Nos pensées et nos prières vont vers les blessés, les déplacés, et la population de la Chine dans son ensemble en cette journée difficile. Les Etats-Unis se tiennent prêts à aider". Robert Gibbs, le porte-parole de la Maison Blanche, a rejoint Mme Clinton en présentant ses condoléances.
- Le pape Benoît XVI a appelé à la "solidarité de tous".
Appel en faveur des victimes.
Le Bureau du Tibet, la Communauté tibétaine en France, ainsi que de nombreuses organisations non gouvernementales et associations ont fait appel à la générosité du public afin d’envoyer des fonds pour aider les rescapés. Parmi les associations susceptibles d’intervenir directement, citons par ordre alphabétique :
Le Bureau du Tibet, 84 Bd A. Pinard, 75014 Paris (indiquer avec votre chèque le but de votre don. Ex. "Tremblement de terre au Tibet".
La Communauté tibétaine de France
Rokpa France. Dons avec mention "victimes de Yushu" à Rokpa France, 11 Rue des Boulangers, 75005 Paris.
et les associations basées à l’étranger :
Machik
Tibet Foundation
Tibet Relief Fund
Tibetan Village Project. (Note : il est possible de donner à cet organisme via le site Causes, en anglais).
Yushu Earthquake Response
Cette liste n’est bien sûr pas exhaustive...
Sources : AFP et diverses autres, du 14 au 23 avril 2010
[1] Le tremblement de terre a été mesuré d’une force de 6.9 selon l’Institut de géophysique américain (USGS), et de 7,1 selon les autorités sismiques chinoises.
[2] Jiegu (结古镇 ), ou Gyêgu, est le nom donné par la Chine à la ville tibétaine de Jyekundo, parfois écrit Kyekundo, qui peut être localisée sur cette carte, dans le nord de l’ancienne province tibétaine du Kham.
Les médias parlent régulièrement de Yushu, qui est le nom d’un "xian" (district) qui fait partie de la "Préfecture autonome tibétaine de Yushu", aujourd’hui située dans la province chinoise du Qinghai. Ce tremblement de terre a donc bien eu lieu au Tibet historique, et non évasivement "en Chine" ou "au Qinghai", comme repris par de nombreux médias
[3] Le 23 avril 2010, le bilan officiel est de 2 187 morts, 80 disparus
[4] La ville de Jyekundo est à 3700 m, mais certains pics avoisinants approchent les 5 000 m.
Voir sur Google Earth en entrant les coordonnées 33.00977 N 97.01752 E (emplacement du monastère de Dondrubling, à Jyekundo)
[5] Robbie Barnett, Directeur du programme d’études du Tibet moderne à l’Université de Columbia à New York, répondait au journal Le Monde (18/04/10) : "Depuis 2006, la Chine a forcé des dizaines de milliers de nomades tibétains à abandonner leurs troupeaux et leurs tentes - où ils auraient vécu en toute sécurité - mais aussi leur culture, car ils ont dû emménager dans des maisons de brique et de béton en périphérie des villes, en particulier à Jiegu (Jyekundo), généralement sans perspective certaine de revenu en dehors de quelques indemnités de compensation. Cette politique, pour laquelle il semble y avoir eu peu ou pas de consultation publique, a été très controversée même parmi certains chercheurs chinois et semble d’autant plus regrettable aujourd’hui."
Voir les articles :
Sédentarisation et relocalisation expéditives, de F. Robin, du 20/06/2008
Construction de maisons pour 500 000 bergers tibétains, du 13/10/2008
En 2008, la Chine a déplacé 300 000 fermiers et bergers Tibétains, du 31/12/2008
Halte à la sédentarisation forcée des nomades tibétains !, du 29/11/2009
[6] Pour Pékin, le Dalai Lama est aussi un chef politique, et sa venue sur le plateau du Qinghai serait une reconnaissance implicite de son autorité politique, et pas seulement spirituelle, sur tous les Tibétains. La Chine a refusé le 20 avril de commenter cette demande du Dalaï Lama, ce qui ressemble fort à un refus. Interrogée à deux reprises au cours d’un point de presse régulier, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Mme Jiang Yu, a esquivé, se contentant de donner des précisions sur les opérations de secours.
<:accueil_site:>
| <:info_contact:>
| <:plan_site:>
| [(|?{'',' '})
| <:icone_statistiques_visites:>
<:site_realise_avec_spip:> 2.1.13 + AHUNTSIC