Pourquoi la Chine a besoin du Dalaï Lama
mercredi 25 juin 2008 par Rédaction
- Pourquoi à quelques semaines des Jeux olympiques, les autorités chinoises ne peuvent plus ignorer le Dalaï Lama ?
- Quel rôle la France a-t-elle à jouer auprès de la Chine, à l’heure de la Présidence de l’Union européenne ?
Louis de Broissia propose des éclaircissements sur ces questions dans un article du Journal du Parlement.
La France, qui s’est toujours montrée déterminée dans son soutien au Dalaï Lama, possède à l’évidence une carte d’importance à jouer, avec la Présidence de l’Union européenne au moment des Jeux olympiques, tandis que la Chine, qui suit ce dossier explosif avec la plus grande vigilance, a encore la possibilité de reprendre la main si elle enclenche de réelles négociations.
Pour le Journal du Parlement, le sénateur Louis de Broissia nous montre pourquoi la Chine a besoin du Dalaï Lama.
Deux enseignements peuvent être tirés des événements récents à Lhassa et dans les autres villes tibétaines. D’une part, en dépit des accomplissements économiques du régime, les Tibétains - et notamment la jeune génération - n’acceptent toujours pas la domination de type colonial que la Chine exerce sur eux depuis bientôt soixante ans.
D’autre part, en dépit de son exil prolongé et des campagnes "d’éducation patriotique", l’immense majorité des Tibétains considère toujours le Dalaï Lama comme son chef spirituel et politique légitime, ainsi que leur "identité respectée et reconnue parmi les nations".
Les masques sont tombés. Les autorités chinoises ne peuvent plus s’abriter derrière le discours glorifiant la liberté politique et le bien-être économique des Tibétains, qu’elles m’avaient tenu au mois d’août 2006, lorsque j’avais conduit à Pékin et Lhassa une délégation de sénateurs français [1]. Aujourd’hui, il est patent que le pouvoir au Tibet repose uniquement sur la force et sur la peur.
Les dirigeants de Pékin se retrouvent ainsi dans une situation extrêmement inconfortable devant l’opinion publique mondiale, à trois mois seulement de l’ouverture des Jeux olympiques. Pour en sortir, une seule voie s’ouvre à eux : celle de la négociation avec le Dalaï Lama. Les négociations sino-tibétaines, dont les débuts remontent à la fin des années 1970 [2], mais qui ont connu des éclipses, ont été relancées depuis 2002. C’est ainsi que six "rounds" de négociation se sont succédés, jusqu’au mois de juillet 2007, sans toutefois enregistrer beaucoup de progrès. Une nouvelle rencontre a eu lieu le 4 mai dernier, c’est-à-dire après les événements récents au Tibet. Il est encore trop tôt pour savoir si cette reprise du dialogue débouchera sur quelque chose de tangible ou s’il s’agit d’une simple concession de façade. La difficulté est que les autorités chinoises, tout en acceptant officiellement de discuter avec les envoyés du Dalaï Lama, persistent à diaboliser celui-ci. Le chef spirituel et politique des Tibétains, avec le réalisme qui le caractérise, ne revendique plus depuis longtemps l’indépendance. Il souhaite seulement que son peuple bénéficie d’une vraie autonomie, qui lui permettrait de préserver la spécificité de sa culture au sein de l’ensemble chinois. Mais les dirigeants de Pékin affectent de ne pas croire à la sincérité, pour mieux le dénoncer comme un "séparatiste" adepte du double langage. Il devient urgent pour eux d’abandonner cette rhétorique stérile, et de prendre conscience de la chance qu’ils ont d’avoir pour interlocuteur un homme de paix et de dialogue comme Tenzin Gyatso, le 14ème Dalaï Lama.
En effet, les événements récents le démontrent, toute une fraction du peuple tibétain n’accepte ni la renonciation du Dalaï Lama à l’indépendance, ni la voie de la non-violence qu’il a choisie et défend avec constance. Ceux qui, au sein du régime communiste chinois, spéculent sur la disparition inéluctable du Dalaï Lama, âgé de 72 ans [2], en espérant que la question du Tibet sera alors définitivement classée, se trompent lourdement. Ce sont les dirigeants chinois partisans d’un accord du vivant du Dalaï Lama - ils existent, même si on ne les entend guère à l’heure présente - qui font un pari raisonnable.
La main tendue par le Dalaï Lama aux Chinois est toujours ouverte. Et nous l’avons vu jeter tout le poids de son autorité dans la balance, pour faire cesser les violences de la part des insurgés au Tibet. Car il savait que le retour au calme était la condition préalable à toute reprise des négociations sino-tibétaines. Je suis convaincu que le Dalaï Lama aura la force d’entraînement suffisante pour faire accepter par son peuple une solution de compromis, conforme à la "Voie médiane" [3]" qu’il prône depuis des années. Les autorités chinoises doivent se convaincre que la conclusion d’un accord politique, qui permettrait le retour des exilés au Tibet et du Dalaï Lama à Lhassa, loin d’être un désaveu de la présence chinoise sur le haut plateau, serait un message de confiance et de paix qu’elles adresseraient au reste du monde.
Alors la République populaire de Chine pourrait-elle tendre aux exilés tibétains la main du retour : alors le Tibet ne resterait plus une question internationale mais redeviendrait ce "patrimoine mondial de l’humanité", orgueil d’une Chine, puissance mondiale.
Le Journal du Parlement
Nouvelle série, n° 42 - Juin 2008
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[1] Voyage durant lequel les sénateurs formaient le vœu que les discussions engagées entre le Dalaï Lama et le gouvernement chinois puissent déboucher sur un accord avant les Jeux olympiques de Pékin en 2008.
[2] Le XIVème Dalaï Lama, Tenzin Gyatso, est né le 6 juillet 1935 à Taktser, dans l’Amdo, sous le nom de Lhamo Thondup. Voir une courte biographie du Dalaï Lama.
[3] La Voie Médiane fut la base de réflexion annoncée par le Dalaï Lama en 1974 pour trouver une solution à la question tibétaine, en prônant une recherche de compromis avec le gouvernement chinois. Lorsque des contacts directs avec le gouvernement de Pékin furent établis en 1979, Deng Xiaoping déclara "qu’à l’exception de l’indépendance, tous les problèmes pourraient trouver une solution par la négociation". Cette Voie Médiane est rappelée par le Dalaï Lama dans ses discours prononcés le 10 mars de chaque année
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