Pékin inspecte les téléphones portables des moines, selon l’écrivaine Tsering Woeser

samedi 9 novembre 2013 par Rédaction , Monique Dorizon

Radio Free Asia a rapporté que Pékin avait envoyé des groupes spéciaux de techniciens spécialistes de téléphonie mobile afin d’examiner les téléphones des moines du monastère de Drepung, du temple de Jokhang, du temple de Ramoche et du monastère de Ganden [1], à partir du 8 mars 2013 [2].

Les monastères de Lhassa allaient également être concernés par cette vérification pendant quelques mois. Tous les moines ayant des messages ou des images qui "nuisent à la sécurité du pays" stockés dans leurs téléphones portables seraient confrontés à de sévères conséquences et pourraient même être arrêtés.
Cela signifie que des techniciens particuliers sont encore en train de vérifier les téléphones des moines de tous les monastères de Lhassa. Il est clair qu’il est presque impossible pour les moines d’échapper à ces méthodes d’inspection extrêmement étendues et approfondies.

Ont-ils lancé une telle campagne de grande envergure simplement pour vérifier si les moines ont stocké des messages ou des images qui "nuisent à la sécurité du pays" ? J’ai transmis ces nouvelles sur Twitter et partagé mes questions et mes doutes. En peu de temps, j’ai reçu quelques commentaires.

Un internaute écrit : "Je crains que la mission des groupes de travail inclut mais ne se limite pas à la vérification des téléphones des moines pour quelques images illégales. S’ils ne trouvent pas de contenu problématique, ils peuvent profiter de l’occasion pour installer des programmes secrets. Si c’était vraiment simplement pour des messages ou des images, leur censure de l’Internet serait déjà suffisante, il n’y aurait pas besoin de se donner tant de mal !" [3].
Un autre internaute écrit : "Ils ne contrôlent probablement pas les téléphones en présence des moines, ils sont donc susceptibles d’ajouter quelque chose aux téléphones après avoir vérifié (peut-être installent-ils certains logiciels espions), en particulier sur les téléphones Androïde. Cela est très dangereux pour ces personnes qui ne connaissent rien à la sécurité dans le domaine de la téléphonie mobile".

Bien sûr, ils ne vérifient pas les téléphones en présence des moines. Selon les témoignages, le groupe de travail chargé de l’inspection rassemble tous les téléphones d’un monastère et passe quatre ou cinq jours à les vérifier sans que les moines soient capables de voir ce qui se passe. En outre, chaque fois que les équipes d’inspection effectuent leur travail, elles sont accompagnées de la police militaire armée jusqu’aux dents. Souvent, ils fouillent une ou deux résidences des moines et les mettent sens dessus dessous. De telles situations sont en fait très fréquentes depuis mars 2008.

Sur Twitter, j’ai aussi demandé si l’inspection de la téléphonie mobile n’était pas faite pour menacer les gens.
Un internaute dit : "Outre menacer les gens, c’est probablement davantage une préparation pour la prochaine étape, qui est que, dans certains endroits, les gens ne pourront avoir de réseau avec leur téléphone mobile qu’après l’avoir officiellement fait enregistrer".

Le 15 mars 2013, un article est paru sur le site officiel d’informations "Chine Nouvelle", affirmant que "selon les chiffres d’un rapport publié par le Centre de données Internet DCCI, 66,9% des applications des Smartphones China Mobile récupèrent des informations personnelles des utilisateurs. Les enregistrements téléphoniques, les SMS et les répertoires d’adresses sont les trois éléments les plus dangereux pour des fuites de données. L’article indique également que près de 34,5% des utilisateurs de China Mobile sont touchés par « l’intrusion dans la vie privée » ; des informations sensibles et privées ont été obtenues auprès des utilisateurs de Smartphones qui sont sans rapport avec les fonctions d’une application elle-même, il s’agit notamment des enregistrements téléphoniques, des données GPS, le contenu de SMS et d’autres informations très privées.
Quand une application est installée sur un Smartphone, elle surveille la vie privée par l’enregistrement des appels téléphoniques et des SMS et en lisant les numéros de téléphone dans les carnets d’adresses. Même supprimer immédiatement les numéros de téléphone ou les messages est inefficace, comme l’article l’illustre : « La fermeture de l’application de lecture équivaut à la copie des données, ils arrêtent de lire et copient le contenu, puis attendent que le téléphone soit connecté à l’Internet, à ce moment-là, ils téléchargent les données sur un serveur ; ainsi supprimer le contenu des téléphones portables n’est pas un moyen efficace pour protéger sa vie privée
".

En bref, la raison pour laquelle l’autorité se tourne vers certains groupes de personnes, dans certains lieux, en recueillant leurs téléphones mobiles, est de les inspecter et de menacer les gens, mais ce qui est plus dangereux, c’est que peut-être, il s’agit d’installer une application sur chaque téléphone, grâce à laquelle des informations sur les utilisateurs peuvent être recueillies, amenant à ce que des informations personnelles relatives à l’utilisateur soient révélées sans qu’il en ait conscience. Jetant un si vaste coup de filet à travers une région entière équivaut à transformer le téléphone mobile que chacun porte avec soi en un policier pratiquant l’auto-surveillance.

Avant cela, dans le film de propagande réalisé par la chaîne de télévision CCTV sur les auto- immolations au Tibet, la plupart des Tibétains détenus et condamnés avaient été arrêtés par les autorités locales et sévèrement punis parce qu’ils avaient envoyé des messages au sujet d’auto-immolations via QQ ou WeChat.

QQ et WeChat, peu importe qu’ils soient utilisés sur un ordinateur ou un téléphone portable, ont longtemps été reconnus comme servant de "porte arrière" du bureau de la sécurité du pays.
Il y a plusieurs années, quelqu’un l’a décrit ainsi : "On peut sentir la peur des Tibétains avec les mains". Maintenant, le téléphone portable est devenu l’incarnation de la peur, il suffit d’utiliser une main pour appuyer sur quelques boutons et ce peut être un désastre. Il s’agit clairement d’une sorte de terrorisme national, des méthodes sont utilisées pour contrôler les Tibétains à un degré encore plus grand à l’aide d’attaques informatiques.

Source : High Peaks Pure Earth, 10 septembre 2013, traduisant un article de l’écrivaine Woeser du 16 mars 2013.

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