Lobsang Gyatso
vendredi 10 mars 2000 par Webmestre
Lobsang Gyatso, connu sous le nom de Gyatso, est né en 1976 dans le village de Dongkhar Chang près de Shigatsé dans une famille de fermiers comprenant les parents, 3 filles et lui-même. Il a été scolarisé pendant deux ans à l’école de son village, puis en 1987 est devenu moine au monastère de Tashilumpo. Il a assisté directement aux immenses efforts déployés par ses supérieurs pour trouver la réincarnation du jeune Panchen Lama et ensuite aux oppositions des autorités chinoises quant au choix de l’enfant. L’attitude dictatoriale du gouvernement communiste chinois lui fut insupportable... Fin mai 1995, les lamas de Tashilumpo lancèrent un appel aux autorités chinoises pour faire reconnaître malgré tout "leur" Panchen Lama (Gendhun Choekyi Nyima) et leur requête fut froidement et irrévocablement rejetée. Lobsang Gyatso avait alors 19 ans.
Avec 9 de ses compagnons de monastère, il fonda le 11 juillet 1995 un "groupe" pour défendre Gendun Choekyi Nyima et ensemble ils commencèrent de suite leur action. Ils rédigèrent rapidement des prospectus en faveur du jeune Panchen Lama et en faveur aussi de l’indépendance du Tibet, rajoutant qu’ils feront leur possible pour stopper les activités de Tashilumpo tant que le Panchen Lama et Chadrel Rimpoché ne seraient pas libérés. Le lendemain 12 juillet était un jour de festivités religieuses auxquelles environ 6 000 spectateurs et de nombreux médias avaient l’habitude d’assister. Gyatso et ses 9 compères firent en sorte que ces festivités ne puissent se produire.
Pour ce faire, ils informèrent tous les moines et les dirigeants de leur intention en leur expliquant leur motivation... tous les suivirent. A cette époque-là, les autorités chinoises avaient déjà arrêté Chadrel Rimpoché pour avoir défié leur choix du Panchen Lama et les moines seniors qui l’avaient assisté avaient été remplacés à la tête du Tashilumpo par des plus jeunes. Non contents d’empêcher le festival de prières, 200 moines menés par Gyatso et ses 9 amis, se mirent à manifester bruyamment revendiquant la présence de "leur" Panchen Lama. Des policiers surgirent et une violente bagarre à mains nues s’en suivit. Survint alors un très vieux lama de 76 ans, Ngachen Lobsang Choedrak Rimpoché, qui avait eu une vision "terrible"... Il s’adressa aux moines et au public présent, les adjurant de stopper immédiatement leur "manifestation" sans quoi, un grand malheur arriverait. Les moines se dispersèrent et tout de suite après 5 camions remplis de militaires armés jusqu’aux dents surgirent dans l’enceinte du monastère.
Ngachen Lobsang Rimpoché les avait sauvés d’un massacre... Le vieux moine était le vice-président du comité qui avait présidé au choix de Gendun Choekyi Nyima comme incarnation du Panchen Lama ; craignant pour sa sécurité, les moines de Tashilumpo veillaient sur lui continuellement.
Dans la nuit du 12 au 13 juillet 1995, les policiers chinois arrêtèrent 26 moines, dont 3 étaient très âgés (l’un d’eux était l’intendant personnel de Chadrel Rimpoché) et Tashilumpo fut mis sous haute surveillance.
Ce qui advint de ces 23 moines après leur arrestation au monastère et comment ils furent traités à leur arrivée à la prison de Shigatsé a été longuement relaté au CSPT en 1997. Les religieux furent sauvagement et inhumainement malmenés.
Les moines non-arrêtés furent mis en rééducation stricte et en même temps apparurent sur tous les murs des bâtiments de Tashilumpo des quantités d’affiches revendiquant la liberté du pays, du Panchen Lama et des moines arrêtés. Gyatso était l’initiateur de ces affiches.
Le 1er octobre 1995, les policiers chinois firent appeler Gyatso l’accusant de semer le trouble au monastère avec des activités politiques et le sommèrent de donner les noms de ses acolytes. Il nia les accusations et ne dénonça personne. Le 6 octobre il fut finalement arrêté durant une séance de rééducation réunissant tous les moines de Tashilumpo, car il refusait de renier le Dalaï Lama, entre autre. Deux autres moines furent arrêtés en même temps que lui. Ils furent publiquement menottés et jetés dans un camion dans lequel les policiers les battirent sauvagement. Il fut enfermé à la prison de Nyari (Shigatsé). Son jugement eut lieu en décembre 1995. Il fut accusé de troubler l’ordre public et écopa pour ce d’un an de prison ferme. Durant son emprisonnement à Nyari, il fut l’objet de nombreuses séances de torture et d’humiliation. Sa mère apprenant ses conditions de réclusion en mourut...
En janvier 1996 alors qu’il faisait très froid, il fut surpris à réciter une prière de paix composée par le Dalaï Lama. Pour le punir de ce forfait, les gardes de la prison l’obligèrent à se tenir debout tout nu dans la nuit glaciale pendant 5 heures. A chaque fois qu’il tombait, car ses jambes gelées se dérobaient sous lui, les gardes le battaient sauvagement à coup de crosses de fusils. Une autre fois, il dut se tenir une journée entière tout nu sous le soleil brûlant sans bouger. Entre les diverses séances de torture et d’humiliation, le jeune homme devait vider à la main les latrines de la prison et en apporter le contenu dans les champs environnants. A Nyari, il occupait la cellule contiguë à celle de Ngawang Choephel [1] et eut maintes occasions de parler au fameux détenu politique tibétain qui à cette époque ne savait pas encore qu’il serait condamné à 18 ans de prison.
Gyatso fut libéré le 6 octobre 1996 et ne put rejoindre son monastère. Pour survivre, il récitait des prières et des rituels pour des croyants bouddhistes qui lui remettaient en échange de quoi manger. Durant la nuit, il s’abritait au nouveau palais du Panchen Lama dans la chambre d’un ami compatissant. Les Chinois eurent vent de son "adresse" et l’en chassèrent. Une famille pieuse lui donna alors asile à Shigatsé. Les autorités chinoises tentèrent de le stopper dans ses activités religieuses chez les particuliers, mais il continua, non seulement pour survivre, mais également pour manifester ainsi ouvertement sa ferveur religieuse et patriotique et son obstination à résister à l’envahisseur communiste. Il reprit aussi ses activités politiques. Il se procura des documents et toutes sortes de matériel d’information provenant de Dharamsala et les distribua amplement autour de lui à des particuliers mais aussi à des groupes oeuvrant pour la libération du Tibet.
Le 4 février 1997, lors du festival des drapeaux de prière où il se rendit habillé en laïc, il se fit arrêter à nouveau par la police qui le retint pendant 10 jours puis le conduisirent à son village natal en lui interdisant de venir à Shigatsé. Gyatso n’obéit point et retourna à Shigatsé de suite... Le 9 mars, il fut à nouveau arrêté et retenu 12 jours, mais les policiers n’ayant aucune preuve valable contre lui, le relâchèrent.
Fin juin 1999, le faux Panchen Lama (Gyaltsen Norbu, celui choisit par les autorités chinoises) fit un bref séjour à Tashilumpo. Quatre jours avant son arrivée à Shigatsé, les policiers arrêtèrent Gyatso sous prétexte qu’il portait une robe de moine et qu’il avait des activités religieuses. Ils l’emmenèrent au poste de police où ils lui arrachèrent brutalement son habit religieux et lui enfilèrent de force un pantalon et une vieille veste, lui rappelant que l’accès de Shigatsé lui était interdit...
"J’aurais pu survivre en allant de famille en famille dans mon village pour réciter des prières, mais j’aurais dû renoncer à lutter pour la liberté de mon pays, de mon lama et de mon peuple... Je ne pus me faire à l’idée de devoir abandonner mon action et je décidais alors de fuir en exil pour y continuer mon oeuvre..." rapporte Lobsang Gyatso.
Le jeune homme quitta Shigatsé le 30 octobre 1999 et arriva à Dharamsala via le Népal le 28 novembre 1999. Il se présenta au bureau CSPT/CAPT quelques jours plus tard pour témoigner. Il souhaite suivre des études à l’école de Sera ou au Bouddhist Dialectics (hautes études en philosophie, histoire et grammaires tibétaines), mais pour le moment (mars 2000) il n’a pas encore obtenu son admission dans l’une ou l’autre de ces institutions. Au Bouddhist Dialectics ou à Sera, Lobsang Gyatso recevra éducation, gîte, couvert et soins médicaux, mais il n’aura pas de quoi répondre à ses autres besoins de base (ex : dentifrice, fruits, papier à lettre, etc.). C’est la raison pour laquelle la CAPT de Dharamsala s’est proposée de le soutenir financièrement durant sa période de scolarité, mais également parce qu’un fervent militant pour la liberté du Tibet tel que Lobsang Gyatso mérite notre attention et notre compassion.
Dharamsala, mars 2000
[1] Le musicologue tibétain Ngawang Choephel, qui avait été arrêté en sept. 95 à Shigatsé alors qu’il réalisait une étude sur les danses et chants traditionnels tibétains au Tibet même, a été condamné le 26 déc. 96 à 18 ans de prison pour espionnage au profit du Dalaï Lama et des Etats-Unis.
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