Discours de SS le Dalaï Lama lors de la remise de la Médaille d’Or du Congrès américain, 17 oct. 2007
jeudi 25 octobre 2007 par Rédaction
Discours de Sa Sainteté le Dalai Lama lors de la remise de la Médaille d’Or du Congrès américain du 17 octobre 2007 à Washington par le Président des Etats-Unis d’Amérique, Monsieur George W. Bush.
C’est un grand honneur pour moi de recevoir la Médaille d’Or du Congrès. Cette reconnaissance apportera une joie et un encouragement immenses au peuple tibétain, envers lequel j’ai une responsabilité particulière. Leur bien-être est ma constante motivation et je me considère moi-même toujours comme leur libre porte-parole. Je crois que cette distinction envoie aussi un message puissant aux nombreuses personnes qui sont vouées à promouvoir la paix, la compréhension et l’harmonie.
Sur le plan personnel, je suis profondément touché que ce grand honneur me soit attribué, à moi, un moine bouddhiste, né dans une famille ordinaire de l’Amdo, une région reculée du Tibet.
Enfant, j’ai grandi sous l’attention bienveillante de ma mère, une femme de qui émanait une véritable compassion. Après mon arrivée à Lhassa à l’âge de quatre ans, toutes les personnes autour de moi, mes professeurs et même les domestiques m’ont appris ce que signifie être gentil, honnête et attentionné. C’est dans un tel environnement que j’ai grandi.
Plus tard, mon éducation formelle, dans la pensée bouddhiste, m’exposait aux concepts tels que l’interdépendance et le potentiel humain pour une compassion infinie. C’est cela qui me donna une profonde reconnaissance de l’importance de la responsabilité universelle, de la non-violence et de la compréhension entre les religieux. Aujourd’hui, c’est une conviction en ces valeurs qui me donne une puissante motivation pour promouvoir les valeurs humaines fondamentales. Même dans ma propre lutte pour les droits et une plus grande liberté du peuple tibétain, ces valeurs continent à guider mon engagement dans la poursuite d’une voie non-violente.
J’ai eu l’honneur d’être reçu dans cette coupole du Congrès une première fois lorsque je suis venu visiter votre pays en 1991. De nombreux visages qui m’avaient accueillis à cette époque là et que je peux revoir aujourd’hui, me donnent une grande joie. Certains ont pris leur retraite et tristement, quelques-uns ne sont plus parmi nous. Cependant, j’aimerais saisir cette occasion pour reconnaître leur bonté et leur contribution. Nos amis américains se sont tenus à nos côtés dans la période la plus critique et sous la pression la plus intense.
Monsieur le Président, je vous remercie pour votre ferme soutien et pour la chaleureuse amitié que Madame Laura Bush et vous même m’avez manifestée personnellement. Je vous suis profondément reconnaissant de votre sympathie et de votre soutien pour le Tibet, ainsi que de votre position ferme sur la liberté religieuse et sur la cause de la démocratie. Madame la Présidente de la Chambre des représentants, non seulement, vous m’avez manifesté un soutien inébranlable et à la juste cause du peuple tibétain, mais vous avez également travaillé durement à promouvoir la cause de la démocratie, de la liberté et du respect pour les droits humains dans d’autres parties du monde. Pour cela, je voudrais vous présenter particulièrement mes remerciements.
La consistance du soutien américain pour le Tibet n’est pas passée inaperçue en Chine où cela a provoqué quelques tensions dans les relations sino-américaines, ce que je regrette. Aujourd’hui, je souhaite partager avec vous tout mon espoir sincère que l’avenir du Tibet et celui de la Chine passera au-delà de la méfiance, vers une relation fondée sur le respect mutuel, la confiance et la reconnaissance des intérêts communs.
Aujourd’hui, nous observons la Chine qui progresse rapidement de l’avant. La libéralisation économique a conduit vers la richesse, la modernisation, et elle est ainsi devenue une grande puissance. Je crois que le succès économique actuel de l’Inde et de la Chine, les deux nations les plus peuplées et ayant une longue histoire culturellement riche, est méritoire. Avec leur statut nouvellement établi, l’ensemble de ces deux pays est tenu de jouer un rôle important de premier plan sur la scène internationale. Afin de remplir ce rôle, je crois qu’il est vital pour la Chine d’apporter la transparence dans un Etat de droit et de liberté d’information. Nombreux dans le monde, sont ceux qui attendent de voir comment les concepts de la Chine dits "d’une société harmonieuse et d’un développement pacifique" vont se déployer. La Chine d’aujourd’hui étant un Etat comportant de nombreuses nationalités, le facteur clé ici sera de savoir comment elle assure "l’harmonie et l’unité" de cette variété de peuples. Pour cela, l’égalité et les droits de ces nationalités à maintenir leurs identités distinctes sont cruciaux.
Quant à ma propre patrie, le Tibet, aujourd’hui beaucoup de gens, à la fois de l’intérieur et de l’extérieur, se sentent profondément préoccupés par les conséquences dues aux changements accélérés. Chaque année, la population chinoise à l’intérieur du Tibet augmente de façon alarmante. Si nous prenons à titre d’exemple la population de Lhassa, il y a un réel danger que les Tibétains soient réduits à une minorité insignifiante dans leur propre pays. Cette augmentation accélérée de la population pose aussi une menace sérieuse sur l’environnement fragile du Tibet. Etant la source de nombreux grands fleuves d’Asie, une quelconque dégradation substantielle de l’écosystème au Tibet aura un impact sur les vies de centaines de millions d’êtres. En outre, étant situé entre l’Inde et la Chine, le règlement pacifique du problème du Tibet aura des conséquences importantes sur une paix durable et une relation amicale entre ces deux grands voisins.
Sur l’avenir du Tibet, permettez-moi de profiter de cette opportunité pour répéter catégoriquement que je ne cherche pas l’indépendance. Je demande une autonomie réelle pour le peuple tibétain dans le cadre de la République Populaire de la Chine. Si la réelle préoccupation des dirigeants chinois est l’unité et la stabilité de la R.P.C., j’ai abordé entièrement leurs préoccupations. J’ai choisi d’adopter cette position parce que je crois, compte tenu des bénéfices évidents, particulièrement économiques, que ce serait dans l’intérêt même du peuple tibétain. En outre, je n’ai pas l’intention d’utiliser un quelconque accord sur l’autonomie comme un pas vers l’indépendance du Tibet.
J’ai transmis ces pensées aux dirigeants chinois successifs. Suite au rétablissement des contacts directs avec le gouvernement chinois en 2002, j’ai notamment expliqué ceci en détail par le biais de mes émissaires. Malgré cela, Pékin continue d’alléguer que j’aurais "un projet caché" qui serait la séparation et la restauration du vieux système politique et social du Tibet. De tels propos sont infondés et ne sont pas vrais.
Même dans ma jeunesse, lorsque j’ai été obligé de prendre la responsabilité entière de gouverner, j’avais commencé à initier des changements fondamentaux au Tibet. Malheureusement, cela a été interrompu à cause des bouleversements qui ont eu lieu. Néanmoins, suite à notre arrivée en Inde en tant que réfugiés, nous avons démocratisé notre système politique et avons adopté une charte démocratique qui pose les directives pour notre Administration en exil.
De même, nos dirigeants politiques sont désormais élus directement par le peuple pour un mandat de cinq ans. De plus, nous avons pu préserver et pratiquer les aspects les plus importants de notre culture et de notre spiritualité en exil. Cela est dû largement à la bienveillance de l’Inde et de son peuple.
Une autre préoccupation majeure du gouvernement chinois est son manque de légitimité au Tibet. Bien que je ne puisse pas réécrire le passé, une solution mutuellement acceptable pourra amener la légitimité, et je suis certes préparé à utiliser ma position et mon influence au sein du peuple tibétain pour l’amener vers un consensus sur cette question. Ainsi, je voudrais répéter ici que je n’ai pas de "projet caché". Ma décision de ne pas accepter un quelconque poste politique dans un Tibet futur est définitive.
Les autorités chinoises affirment que je véhicule mon hostilité envers la Chine et que je cherche activement à affaiblir le bien-être de celle-ci. C’est complètement faux. J’ai toujours encouragé les dirigeants du monde à s’engager avec la Chine, j’ai soutenu l’adhésion chinoise à l’O.M.C. ainsi que l’attribution des Jeux Olympiques à Pékin. J’ai choisi de faire ainsi avec l’espoir que la Chine sera plus ouverte, tolérante, tel un pays responsable.
Un obstacle majeur dans le dialogue en cours a été les perspectives contradictoires sur la récente situation à l’intérieur du Tibet. Ainsi, afin d’avoir une compréhension concordante de la situation réelle, mes émissaires dans leur sixième rencontre avec leurs homologues chinois ont suggéré qu’une opportunité soit donnée d’envoyer un groupe d’étude pour observer la réalité actuelle sur le terrain, dans l’esprit de "rechercher la vérité à partir des faits". Cela pourrait aider les deux parties à avancer au-delà des affirmations de l’autre.
L’heure a sonné pour notre dialogue avec les dirigeants chinois de progresser vers la mise en œuvre d’une autonomie réelle pour le Tibet, comme elle est garantie dans la Constitution chinoise et détaillée par le Conseil d’Etat chinois dans son livret blanc sur "l’Autonomie Ethnique Régionale du Tibet". Permettez-moi une fois encore de profiter de cette occasion pour lancer un appel aux dirigeants chinois afin qu’ils reconnaissent les problèmes graves au Tibet, les véritables griefs et les ressentiments profonds du peuple tibétain à l’intérieur du Tibet, et aient le courage et la sagesse d’aborder ces problèmes de manière réelle dans un esprit de réconciliation. A vous, mes amis américains, je vous exhorte à faire tous les efforts pour explorer les façons permettant de convaincre les dirigeants chinois de ma sincérité et d’aider à faire avancer notre processus de dialogue.
Depuis que vous avez reconnu mes efforts pour promouvoir la paix, la compréhension et la non-violence, je voudrais partager respectueusement quelques pensées à ce sujet. Je crois que c’est le moment précis où les Etats-Unis doivent augmenter leur soutien aux efforts qui aident à amener une plus grande paix, compréhension et l’harmonie entre les peuples et les cultures. En tant que champion de la démocratie et de la liberté, vous devez continuer d’assurer le succès de ces efforts visant à la sauvegarde des droits humains fondamentaux dans le monde. Un autre terrain où nous avons besoin du leadership des Etats-Unis est l’environnement. Comme nous le savons tous, aujourd’hui le réchauffement de notre planète est irréversible. Et de nombreux scientifiques nous disent que notre propre action a une grande part de responsabilité. Ainsi chacun d’entre nous doit, de quelque manière, utiliser ses talents et ses ressources pour faire une différence afin que nous transmettions à nos générations futures une planète qui soit au moins en sécurité pour vivre.
De nombreux problèmes du monde prennent leurs racines dans l’inégalité et l’injustice, que ce soit économique, politique, ou sociale. Finalement, c’est une question de bien être de nous tous. Que ce soit la souffrance de la pauvreté dans une partie du monde, ou que ce soit le déni de la liberté et des droits humains fondamentaux dans une autre, nous ne devrions jamais percevoir ces événements dans un isolement complet. Finalement, leurs répercussions seront ressenties partout. J’aimerais vous demander de prendre un rôle de leadership dans une action internationale effective en abordant ces problèmes, y compris l’immense déséquilibre économique. Je crois que le temps est venu d’aborder toutes ces questions globales avec la perspective de l’unicité de l’humanité et à partir d’une compréhension profonde de la nature profondément interconnectée de notre monde d’aujourd’hui.
En conclusion, au nom du peuple tibétain, de six millions de personnes, je souhaite saisir cette opportunité pour reconnaître du fin fond de mon cœur le soutien qui nous a été apporté par le peuple américain et son gouvernement. La poursuite de votre soutien est vitale. Je vous remercie une fois encore pour le grand honneur que vous m’avez attribué aujourd’hui. Merci beaucoup.
Source : International Campaign for Tibet.
Traduction : Thupten Gyatso, Communauté tibétaine en France, et Tibet Info.
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