D’énormes et coûteuses troupes pour le "maintien de la stabilité" au Tibet
mardi 6 août 2013 par Rédaction , Monique Dorizon
En 2012, lors du "Congrès du peuple" qui s’est réuni à Pékin, le journal "Southern Weekend" a interviewé le Président du Congrès populaire de la "Région Autonome du Tibet" (RAT), Jampa Phuntsok, et son ancien président, Padma Choling.
Interrogés sur la relation existant entre les groupes de travail au niveau des villages et la préservation de la stabilité, Jampa Phuntsok a déclaré : "En 2012, les administrations villageoises, au nombre de plus de 5 000, ont toutes mis en place des groupes de travail dans leurs villages (...), les fonctionnaires en charge seront changés une fois par an, dans un délai de trois ans, l’ensemble de la région aura plus de 20 000 cadres en poste dans les villages". "Bien sûr", a-t-il également ajouté, "ce n’est pas seulement pour la préservation de la stabilité, c’est davantage pour aider ces régions à développer leur économie".
Dire que : "Ce n’est pas seulement pour préserver la stabilité" est un mensonge. L’article du journal d’octobre 2012 disait : "Tous les groupes de travail stationnés à tous les niveaux de l’administration de la RAT doivent faire de la préservation de la stabilité leur tâche la plus importante", et pour y parvenir ils ont établi divers mécanismes de stabilité, tels que "les mécanismes de communication, mécanismes de sécurité et les mécanismes de médiation pour un comté, canton, village, groupe et au niveau familial ; les villages se transformant en forts avec des gens installés en tant que sentinelles, le système peut être protégé et maintenu".
Concrètement, depuis octobre 2010, toutes les administrations villageoises sont surveillées par 5 453 groupes de travail constitués de personnes provenant de toutes sortes d’unités de travail. En outre, des groupes de travail ont été installés dans les 1 700 monastères de la "Région Autonome du Tibet". Rien que dans la préfecture de Nagchu, comté de Nyainrong [1], zone de pâturages d’environ 30 000 habitants, 86 groupes de travail de villages, 6 groupes de travail dans les monastères et 10 groupes de travail s’occupant des Comtés ont été établis. En décembre de l’année dernière (2012), alors que le deuxième groupe de travail dans les villages hissait le drapeau rouge et jouait du tambour sur la place du Palais du Potala, des responsables tibétains et chinois du Parti ont publié des instructions les concernant pour leur rappeler la poursuite de leur travail de préservation de la stabilité.
Afin de comprendre la "préservation de la stabilité" effectuée par les groupes de travail de villages, il est nécessaire de citer les chiffres délivrés par les autorités locales.
Par exemple, les groupes de travail stationnés dans la préfecture de Lhokha [2], RAT, "ont organisé 3 866 réunions de critique de la « clique du Dalaï Lama », employé 1 856 conseillers de soutien, et tenu 1 886 discussions approfondies dans les monastères avec les moines et les nonnes" ; de même, ils ont créé "1 080 groupes de protection des villages, mis en œuvre 3 346 projets pour la préservation de la stabilité, et tissé un réseau de contrôle strict".
Le groupe de travail de village implanté dans la préfecture de Kham [3], RAT, a "organisé 7 107 réunions de critique de la « clique du Dalaï Lama » (...), 8 369 réunions avec des conseillers importants, eu 5 608 discussions approfondies avec les nonnes et les moines, pénétrant 3 234 entités religieuses, réalisé 10 971 projets aidant les villageois à améliorer des domaines clés et contrôlant le personnel, résolu 1 279 cas de personnes déposant des pétitions aux autorités supérieures et 1 321 autres incidents avec des gens". Ces chiffres extrêmement élevés sont clairement effrayants.
Outre les différentes unités de travail envoyant des personnes dans des groupes de travail des villages ou dans des groupes de travail des monastères dans les "six zones et une ville" [4], les gardes frontières du Bureau de la sécurité publique, les forces armées du Tibet, la police tibétaine, les pompiers et d’autres unités militaires tibétaines ont également été envoyés dans des groupes de travail stationnés dans les villages et les monastères ; tous devraient joindre leurs forces pour travailler à l’objectif commun consistant à préserver la stabilité.
En plus de convoquer des réunions pour critiquer, tenir des discussions avec des moines et des nonnes, une tâche plus importante a été d’introduire les soi-disant "Dossiers de Sentiment populaire" ; chaque ménage, chaque personne, chaque monastère, chaque moine a été enregistré dans ces fichiers, réalisation de ce que les autorités locales avaient appelé les "Trois ’sans’ ", à savoir l’établissement d’un Tibet "sans angles morts, sans fissures, sans espaces vides".
En d’autres termes, il est possible de s’appuyer sur le système du pays pour surveiller chaque village et chaque monastère dans l’ensemble du Tibet.
Le coût d’une telle préservation pénétrante et persistante de la stabilité est impossible à estimer. Entre autres, tous les personnels travaillant dans les groupes de travail stationnés dans les villages ou dans les monastères reçoivent non seulement un salaire, la protection sociale et des aides financières, mais ils reçoivent aussi des récompenses et des subventions de leurs unités de travail.
Afin de faire en sorte que ces personnes puissent réellement supporter de rester dans des endroits éloignés et désolés, ils ne leur donnent pas seulement d’énormes quantités d’argent, on leur promet aussi une promotion pour plus tard, à tel point que certains Tibétains disent en blaguant "qu’après avoir été en poste dans un village pendant un an, on peut s’offrir une maison et une voiture", le maintien de la stabilité est juste un slogan pour être posté dans un village, la vraie raison, c’est l’argent. "Même si, pour ces personnels, les règles viennent d’en haut et les contre-mesures d’en bas, après l’introduction des « Dossiers de Sentiment populaire », la lecture des fichiers et des journaux est le seul travail qui les occupe, le reste du temps ils ont à surmonter leur ennui d’une manière ou d’une autre".
Pour les habitants, les nonnes et les moines des villages, cependant, la présence de ces personnes représente une perturbation profonde et traumatisante.
Celui qui, en 2011, a introduit ces régimes de préservation de la stabilité était Chen Quanguo, ancien Gouverneur de la province du Hebei, transféré pour devenir Secrétaire du Parti de la "Région Autonome du Tibet" [5], il avait été responsable de la mise en œuvre d’un mouvement visant à "envoyer des fonctionnaires à la campagne", 15 000 personnes, le but était aussi et surtout la préservation de la stabilité.
L’homme des médias, Beifeng, (célèbre blogueur de Canton passé à Hong-Kong pour éviter le harcèlement policier. [6]), a déclaré sur Twitter : "L’envoi de fonctionnaires dans les villages est la manifestation des politiques de préservation de la stabilité, cela montre aussi que la domination et la transformation sont entrées dans la phase finale de la compétition pour les ressources. Si ces mesures de maintien de la stabilité politique deviennent un peu plus extrêmes, tout ce qui restera sera le contrôle militaire ..."
Sources : Article de Woeser du 12 mars 2013, traduit en anglais par High Peaks Pure Earth le 19 juillet 2013.
Original : écrit le 12 mars 2013 et publié le 6 avril 2013.
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[1] Nyainrong (སྙན་རོང་ en tibétain, Nièróng ou 聂荣 en chinois) est un Comté de la Préfecture de Nagchu, au nord de la "Région Autonome du Tibet".
Localiser Nayinrong sur cette carte.
[2] La Préfecture de Lhokha (ou Lhoka, སྣེ་གདོང་en tibétain, Shannan Diqu ou 乃东 en chinois) est une préfecture dont le chef lieu est Tsétang (ou Nédong, རྩེ་ཐང་ en tibétain), au sud-est de Lhassa.
Localiser la préfecture de Lhokha et son chef-lieu Tsédang (Shannan) sur cette carte .
[3] L’auteur indique sans doute la Préfecture de Chamdo, ancien chef-lieu de la région tibétaine du Kham, Kham n’étant pas une préfecture dans l’administration actuelle. La préfecture de Chamdo est la plus à l’est de la "Région Autonome du Tibet"
[4] Les "six zones et une ville" sont la préfecture de Lhokha, la préfecture de Shigatsé, la préfecture de Nyingtri, la préfecture de Chamdo, la préfecture de Nagchu, la préfecture de Ngari et la municipalité de Lhassa
[5] Voir l’article "La Chine remplace le Secrétaire du Parti pour la "Région autonome du Tibet"", du 29/08/2011.
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