D’éminents moines du monastère de Drepung, sans passé politique, condamnés à des peines allant de 15 ans d’emprisonnement à la prison à vie. La répression se poursuit sur Drepung.
lundi 3 janvier 2011 par Rédaction , Monique Dorizon
Des Tibétains de Lhassa sont inquiets du sort et de la sécurité de 3 moines du monastère de Drepung détenus depuis avril 2008, ayant été condamnés à des peines allant de 15 ans à la prison à vie.
Ces lourdes peines infligées aux moines sont à replacer dans le contexte d’une répression ininterrompue sur le monastère de Drepung, après que les moines de ce monastère aient été à l’avant-garde des manifestations pacifiques à Lhassa, commencées le 10 mars 2008. [1]
Selon les organisations "International Campaign for Tibet" et "Tibetan Center for Human Rights and Democracy", Jampel Wangchuk, 55 ans, maître de discipline, a été condamné à la prison à vie et Kunchok Nyima, 43 ans, maître d’écriture, a été condamné à 20 ans de prison. Selon le Gouvernement tibétain en exil, un troisième moine, Ngawang Choenyi, âgé de 38 ans, maître d’écriture, aurait été condamné à 15 ans de prison.
Les charges exactes portées contre ces trois moines ne sont pas connues. Ces trois moines sont très respectés dans leur communauté.
Bien que les moines de Drepung aient joué un rôle majeur dans une importante manifestation, le 10 mars 2008, Jampel Wangchuk, Kunchok Nyima et Ngawang Choenyi, n’auraient pas pris part à ces mouvements de protestation.
D’après une source ayant des contacts à Lhassa "la raison réelle de leur condamnation serait que les autorités utilisent le prétexte des manifestations pour détenir des membres influents de la communauté de Drepung, sans aucun lien avec la politique. On peut se faire du souci pour le sort de ces trois moines".
La situation de deux autres moines de Drepung, arrêtés en même temps, Ngawang Sertho [2] et un cuisinier portant le surnom de "Gyakpa" ("Gros") [2] demeure inconnue.
En août 2009, selon le Tibetan Center for Human Rights and Democracy, un autre moine détenu alors, Gyalpo, est décédé en prison à la suite des tortures infligées. [3]
Le Gouvernement tibétain en exil a établi la condamnation de 42 moines de Drepung depuis mars 2008. [1]
Le même rapport déclare que Lobsang Wangchuk [2], moine de Drepung, originaire de Lhassa était presque aveugle à la suite de mauvais traitements en détention dans un lieu inconnu.
Il y a eu au Tibet un accroissement de condamnations à la prison à vie depuis la répression ayant débuté en mars 2008.
Wangdue [2], un ancien responsable d’un programme contre le Sida à Lhassa dirigé par l’Institut australien Burnet, a été condamné à la prison à vie pour "espionnage" à Lhassa en 2008. [4]
Avant 2008, l’influent professeur de religion Tenzin Delek Rinpoche [2] [5], qui supervisait un renouveau religieux parmi les communautés de sa région et avait créé des écoles, des foyers pour personnes âgées et des institutions religieuses, a été condamné à mort, condamnation commuée en prison à vie à la suite de sa détention en 2002, accusé d’avoir posé des bombes.
Le moine, Choeying Khedrub (Sey Khedrup) [2] a été condamné le 29 janvier 2001 à la prison à vie par la Cour Suprême de la Région autonome du Tibet pour "crime d’incitation à la scission" après avoir été accusé d’avoir imprimé et distribué des tracts parlant d’indépendance. [6]
Le cycle de manifestation qui a entraîné des actes de répression violente dans tout le Tibet a commencé par une marche bien ordonnée vers Lhassa menée par plusieurs centaines (250 ?) de moines de Drepung. Les moines connaissaient déjà de fortes restrictions à la suite de leur tentative de célébration de la Médaille d’or attribuée par le Congrès américain au Dalaï Lama en octobre, un an auparavant. [7]
Des dizaines de moines ont été arrêtés après s’être tenus à distance du personnel de sécurité à la suite d’un sit-in de protestation de nombreux moines, dont beaucoup pleuraient en récitant des prières de longue vie pour le Dalaï Lama. Aux autres, il a été ordonné de retourner au monastère. Celui-ci a été barricadé par les forces de sécurité à la suite de cet incident.
Les 10 et 11 avril 2008, des camions militaires ont manœuvré à proximité du monastère de Drepung et la route y menant a été de nouveau fermée. Les moines de Drepung ont été empêchés de quitter le monastère pour aller chercher de la nourriture.
Jampel Wangchuk, Kunchok Nyima et Ngawang Choenyi ont été arrêtés le 11 avril et aujourd’hui encore, leur lieu de détention n’est pas connu.
Jampel Wangchuk [2] (nom civil : Tsepel) a été condamné à la prison à vie. Il est originaire de Tsotoe dans le Comté de Phenpo Lhundrup (ch : Linzhou) Région autonome du Tibet (TAR)
Kunchok Nyima [2] est originaire de Ngaba (ch : Aba) au Sichuan, région tibétaine du Kham. On avait cru qu’il avait été renvoyé dans sa région d’origine comme d’autres moines de Lhassa originaires d’autres régions que la Région autonome du Tibet, mais il n’est jamais arrivé.
Ngawang Choenyi [2] (nom civil : Kalden) est originaire du quartier de Shasuzur [8] à Lhassa.
En avril 2008, des centaines de membres de la police armée (PAP) ont effectué des descentes dans les 3 principaux monastères, Sera, Drepung et Ganden, déjà encerclés et sous haute surveillance à la suite du début des manifestations de mars. Les descentes se passaient aux premières heures du jour, et selon plusieurs témoignages, plusieurs centaines de moines ont été emmenés. Selon un témoignage, c’est plus de 600 moines qui ont été emmenés du monastère de Drepung à l’aube du 25 avril 2008, certains avec des cagoules noires sur la tête.
Beaucoup d’entre eux ont été emmenés à Golmud au Qinghai par le train et détenus dans une prison militaire. Plus tard, les autorités ont affirmé "qu’ils étaient partis étudier".
La poétesse tibétaine Woeser s’est exprimée au sujet d’une chanson écrite par un moine de Drepung, alors en détention à Golmud. Elle était basée sur une chanson populaire de l’Amdo, Tibet oriental.
Cette chanson fut apprise par de nombreux moines détenus, et comportait ces paroles : [9]
Les trois places de Sera, Drepung et Ganden
Sont touchées par l’haleine d’un serpent venimeux A cause de cette mer de circonstance adverse On n’a plus le droit d’étudier assidument les textes écrits |
Depuis que les moines de Drepung sont descendus dans la rue, le 10 mars 2008, le Gouvernement chinois a mis en place une vaste dissimulation de la torture, des disparitions et des assassinats qui ont eu lieu au Tibet, ainsi qu’une offensive de propagande virulente contre le Dalaï Lama. Faisant partie de cette offensive, des fonctionnaires ont intensifié la mise en place de campagnes de rééducation patriotique afin "d’offrir aux moines une éducation légale car les activités religieuses doivent être aussi considérées dans le cadre de la loi". [10]
"L’éducation patriotique" est menée dans les monastères et couvents tibétains afin de renforcer le contrôle du Parti sur la religion et de saper l’influence du Dalaï Lama dans la société et les institutions religieuses, exigeant des moines et des nonnes de signer des déclarations publiques reniant le Dalaï Lama.
Source : International Campaign for Tibet , 21 décembre 2010
[1] Voir l’article du CTA (Gouvernement central tibétain) : “China Reinforces Patriotic Education at Drepung Monastery : Report ” du 14 janvier 2009.
[2] Ce prisonnier peut être personnellement parrainé par l’intermédiaire de l’action Tibet Post.
[3] Voir l’article du TCHRD : “Heavy sentences for Drepung monks” du 7 oct. 2010.
[4] Voir les articles
"Poursuite des arrestations et des condamnations de Tibétains", du 30 déc. 2008 ;
le cas de Wangdue traité sur l’article Tibet Lib de mars 2009 ou sur le blog de Tibet Lib ;
le rapport (en anglais) d’I.C.T. “NGOG worker sentenced to life imprisonment : harsh sentences signal harder line on blocking news from Tibet”, du 22 déc. 2008.
[5] Le cas de Tenzin Delek Rinpoché avait été soulevé lors de la campagne "Chine - JO 2008" dans l’article "Cas n° 4 - Tenzin Delek Rinpoche (30 nov ’07)"
[6] Voir le blog de Tibet Lib.
[7] Voir les articles
"Discours de SS le Dalaï Lama lors de la remise de la Médaille d’Or du Congrès américain, 17 oct. 2007", du 25 oct. 2007
le rapport d’I.C.T. “New images confirm security build-up at Drepung on day Dalai Lama awarded the Congressional Gold Medal”
[8] Nom du quartier non vérifié et non identifié
[9] Voir le rapport d’ICT “A Great Mountain Burned by Fire : China’s Crackdown in Tibet” du 1er mars 2009.
[10] Voir la dépêche de Reuters "China scholars vow patriotism drive for Tibet" du 26 mars 2008.
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