Vers une reconnaissance du Gouvernement tibétain en exil ?

Entretien avec Thomas Mann, juillet 2005

dimanche 10 juillet 2005 par Rédaction

(Thomas Mann est député européen allemand et président de l’intergroupe Tibet au Parlement européen)

Q : La résolution du 6 juillet 2000 prévoyait de demander aux Etats membres de reconnaître le gouvernement tibétain en exil en l’absence d’un accord négocié entre les autorités chinoises et tibétaines dans un délai de trois ans. Quelles étaient votre réflexion et votre stratégie ?

T.M : Par cette résolution, la stratégie du Parlement européen, en tant que "voix des Droits de l’Homme au sein de l’UE", est de faire pression sur la Commission, le Conseil et les Etats membres, afin de faire de la reconnaissance du gouvernement tibétain en exil une demande centrale dans le cadre du dialogue permanent entre l’UE et la Chine.

Q : Ne pensez-vous pas que le principe de cette demande de reconnaissance était contradictoire avec la ligne officielle du gouvernement tibétain en exil ?

T.M : La reconnaissance du gouvernement tibétain en exil serait un signe de soutien important en faveur de la politique pacifique du Dalaï Lama. Par conséquent, je ne vois pas de contradiction avec la ligne officielle.

Q : Toutefois, une telle reconnaissance ne pourrait-elle pas être une opportunité pour le gouvernement tibétain de redéfinir sa stratégie et de clarifier ses positions ?

T.M : Le gouvernement tibétain en exil a toujours été un important soutien et défenseur de la politique pacifique du Dalaï Lama, laquelle se maintient avec clarté, fermeté et fiabilité. En tant qu’acteur reconnu sur la scène internationale, le gouvernement serait ainsi capable de faire connaître plus efficacement ces idéaux en matière de politique étrangère.

Q : Au regard des conditions et des objectifs formulés, pourquoi cette résolution n’a-t-elle pas été appliquée ?

T.M : La résolution se base sur une large majorité au Parlement européen. Nous avons constamment accentué la pression sur la Commission, le Conseil et les Etats membres. Cela s’est traduit par l’invitation de la Chine de discuter avec les Tibétains. La probabilité d’un renouvellement de la résolution du Parlement européen est toutefois élevée. L’objectif véritable est de convaincre les nouveaux membres du Parlement - un tiers de l’assemblée plénière - ainsi que la nouvelle Commission, de la pertinence de reconnaître le gouvernement tibétain en exil.

Q : Les visites des émissaires du Dalaï Lama en Chine ont été qualifiées de "signes positifs" manifestés par Pékin vers des "négociations substantielles". Ces visites n’ont pourtant donné lieu à aucun résultat, si ce n’est le constat de divergences de vue sur des questions de fond. En cautionnant vous aussi ces "signes positifs", ne contribuez-vous pas à une stratégie de communication chinoise qui irait à l’encontre des intérêts tibétains ?

T.M : Chacune des visites a été un signe important, mais rien de plus qu’une première étape qui doit être suivie par une autre. Le PE a incité la Commission à œuvrer dans le sens de négociations plus substantielles. Le PE et les autres sympathisants du Tibet accentueront leurs protestations si les mises en scène de "relations publiques" continuent. Ces mises en scène doivent être démasquées ! Ainsi, un progrès significatif est aussi dans l’intérêt du gouvernement chinois.


Propos recueillis par Mathieu Vernerey, magazine Diplomatie n° 15, juillet-août 2005, avec son aimable autorisation.


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