Une rencontre juste et sage
vendredi 5 décembre 2008 par Jean-Paul Ribes
Aux nombreux médias qui nous demandent de commenter la rencontre du Président de la République Française avec le Dalaï Lama, nous répondons ceci : cette rencontre est normale, juste et sage.
Si elle vient un peu tardivement, elle ne fait que se conformer à un usage désormais courant. Etats-unis, Canada, Allemagne, Grande-Bretagne, Belgique, pays scandinaves, République Tchéque, Pologne, les chefs d’Etat ou de gouvernement de la majorité des grands pays démocratiques se sont déja entretenus avec le dirigeant tibétain. [1]
Les deux derniers présidents français, François Mitterand [2] et Jacques Chirac [3], même s’ils se sont entourés d’un luxe de précautions inutiles, l’ont fait également. La Chine a tort de surmédiatiser une irritation aussi déplacée qu’intolérable dans la forme. Elle aboutit à un effet inverse de celui qu’elle recherche, non seulement auprès des opinions occidentales mais des Tibétains eux-mêmes, en exil ou demeurés au pays, et sans doute de l’opinion chinoise muselée par la censure.
Certains jeunes Tibétains ont appris le mot indépendance [4] de la bouche même des commissaires politiques chargés de la "rééducation patriotique" au Tibet. Les menaces de rétorsions commerciales sont tout aussi contre-productives, même si les "milieux d’affaires" français, généralement adeptes du libéralisme économique, tentent de paniquer les citoyens et de faire pression sur l’Etat pour qu’il leur donne un appui, qu’ils ne devraient rechercher que dans la qualité de leurs produits et dans leur capacité commerciale.
A qui veut-on faire croire que la Chine achète des Airbus ou des centrales nucléaires à la France pour faire plaisir à Nicolas Sarkozy ou aux patrons d’EADS ou d’AREVA ?
Certes, les ventes françaises demeurent trop largement dépendantes des commandes d’Etat, mais finalement, si la Chine achète ces produits, c’est qu’elle en a besoin.
Et puis il faut garder les chiffres en tête : pour 9 milliards d’achats, souvent de haute technologie, la Chine vend à la France 30 milliards de produits courants, dont certains sont aujourd’hui mis en cause
[5]. Un déficit colossal et qui ne fait que croître pour notre économie.
La crise étant là, la Chine ne peut ralentir brutalement sa croissance économique sans prendre le risque de terribles conflits sociaux. Quelques points de croissance en moins et ce sont des dizaines de millions de paysans migrants renvoyés dans leurs foyers sans aucune ressource.
Il y a quelques jours, menacés par une nouvelle réglementation européenne anti-dumping sur la petite métallurgie (vis, boulons et écrous), les dirigeants chinois, avec une belle incohérence, ont multiplié les déclarations réclamant la négociation, alors même qu’il venaient de saborder la rencontre sino-européenne qui devait se tenir à Lyon.
Le monde change, parfois dans la douleur. La Chine doit changer, s’ouvrir et saisir enfin la main tendue par un Dalaï Lama en quête de solution pacifique et renforcé dans sa légitimité par l’adhésion de ses compatriotes.
Et s’il fallait une ultime justification au bien-fondé d’un soutien de la France a la volonté d’un dialogue réel et constructif encore exprimé par le Dalaï Lama devant le Parlement européen le 4 Décembre, on la trouverait à chaque article de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, qui oblige tous ses signataires, Chinois ou Français.
Elle a soixante ans le 10 décembre. Relisons-la avec attention.
Jean Paul Ribes
[1] Pour ne mentionner que quelques-unes de ces rencontres, revoir les articles :
G.W. Bush assistera à une cérémonie en l’honneur du Dalaï Lama au Congrès
Le Premier ministre canadien va rencontrer le Dalaï Lama
Le Dalaï Lama pour la première fois reçu à la chancellerie allemande
Le Dalaï Lama invité officiellement en Europe
Le Premier ministre australien rencontre le Dalaï Lama
...
[2] à titre privé en 1993
[3] avec d’autres Prix Nobel pour un déjeuner à l’Elysée, en 1998.
Source : AFP, repris sur cet article de Tibet info
[4] en tibétain : Rangzen
[5] lait, produits laitiers et soja contaminés à la mélamine, fauteuils et chaussures contenant des produits provoquant de graves réactions allergiques, ...
Le dernier rapport disponible de la Commission européenne, couvrant la période Juin à Août 2008, répertorie 92 cas d’alerte. (Page 4 de ce rapport)
Source : "Contrôle renforcé des produits dangereux"
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