Un nouveau système de sécurité mis en place dans la "Région Autonome du Tibet"
dimanche 24 mars 2013 par Rédaction , Monique Dorizon
Une proposition de Pékin visant à développer un nouveau système de surveillance et de sécurité au Tibet augmente de manière significative le suivi particulier des ex-prisonniers et exilés rapatriés et soulève des tensions dans une région déjà en proie au ressentiment envers la domination chinoise.
Le 7 février 2013, le rapport de travail annuel de la "Région Autonome du Tibet" décrit le nouveau système, connu sous le nom "d’encadrement en réseau", pour la première fois mis en place en 2007 à Pékin, conçu comme un "réseau" d’éléments de récupération d’informations de base de la communauté, mentionné comme améliorant l’accès du public aux services de base.
La mise en place de ce système a été annoncée en janvier 2012 par le Président d’alors, Hu Jintao. Il avait été décrit comme un "coup de filet pour maintenir la stabilité".
L’organisation Human Rights Watch, basée à New York, a déclaré que le système faisait partie d’un effort visant à développer encore davantage une pratique de longue date de l’exécution des politiques de sécurité plus restrictives au Tibet que dans la plupart du reste de la Chine.
L’extension du "système de réseau" signifie que la surveillance est maintenant une part envahissante de la vie dans la région, a indiqué Human Rights Watch.
Ce système "d’encadrement en réseau" est issu du "maintien de la stabilité sociale", une campagne à l’échelle de toute la Chine, visant à éviter les manifestations et les troubles. C’est un des éléments de l’objectif du Parti communiste de mener une "gestion sociale" en même temps qu’un "maintien de la stabilité", généralement présenté comme un moyen de procurer de "meilleurs services" aux habitants.
Cette décision intervient dans le cadre de défis croissants à relever par le gouvernement chinois dans les régions tibétaines, dont 109 auto-immolations faites à ce jour par des Tibétains appelant à la liberté pour le Tibet et le retour du chef spirituel, le Dalaï Lama [1].
Ce système, introduit au Tibet en 2012 se concentre en particulier sur les "groupes spéciaux" de la région, les anciens prisonniers et ceux qui sont revenus de la communauté en exil en Inde, entre autres, a indiqué Human Rights Watch.
Human Rights Watch cite un avertissement public exposé à Lhassa en juillet 2012 sous la forme de "maintien de stabilité" demandant une surveillance spéciale de "groupes cruciaux". Ceci inclut les anciens prisonniers, les nonnes et moines qui n’habitent pas dans un monastère ou un couvent, les anciens moines et nonnes renvoyés de leurs institutions religieuses, les Tibétains revenant le l’exil en Inde, et les personnes impliquées dans de précédentes manifestations.
Lors d’une déclaration le 17 février 2013, soulignant officiellement le véritable but du système, Yu Zhengsheng, membre du Comité permanent du Bureau politique du Parti communiste chinois, en charge de la politique envers les nationalités, a annoncé sa mise en place dans la "Région Autonome du Tibet", et décrit le programme comme une structure de "filets dans le ciel et de pièges sur le terrain", rapporte Human Rights Watch.
Un universitaire chinois affirme que ce système a été conçu pour s’assurer que "l’information sur les gens est activement réunie, les évènements, et des éléments pour construire une base de données sur les composantes et évènements urbains … avec lesquels les services et les unités de travail peuvent efficacement mettre à jour des problèmes de manière opportune".
Le système devrait majoritairement fonctionner grâce à des civils, plus qu’avec des fonctionnaires gouvernementaux, avec, habituellement, un membre du Parti communiste dans chaque bureau s’occupant des opérations de surveillance et de contrôle.
Avec ce nouveau système, dans les villes, chaque "voisinage" ou "communauté" est divisé en au moins 3 "unités du réseau". Au moins 8 unités pilotes ont été mises en place à Lhassa en avril 2012. En septembre 2012, on a déclaré qu’elles avaient "obtenu des résultats notables". Donc, le 9 octobre, le Secrétaire régional du parti a déclaré que puisque "ce qui a été pratiqué à Lhassa a parfaitement prouvé l’efficacité de la mise en place d’un système de réseau pour renforcer et changer la gestion sociale", le système devait être généralisé dans les "villes, les régions rurales et les temples" de la "Région Autonome du Tibet".
"Les autorités chinoises doivent démanteler le système de « réseau » à la Orwell, imposé alors que le gouvernement continue à ne pas répondre aux doléances populaires", a déclaré Sophie Richardson, directrice pour la Chine de Human Rights Watch.
"Son but semble être la surveillance et le contrôle, et il empiète sur les droits des Tibétains à la liberté d’expression, de croyance et d’association", poursuit Sophie Richardson.
Les patrouilles civiles des "brassards rouges" liées aux bureaux du réseau ont entre-temps effectué des recherches intrusives dans des maisons tibétaines pour y trouver des photos du Dalaï Lama ou autre matériau politiquement incriminant, a indiqué Human Rights Watch.
Les bureaux du "réseau" sont très fortement liés aux patrouilles de "brassards rouges" qui comprennent des membres locaux du Parti communiste. Cependant, alors qu’en Chine, de telles patrouilles s’occupent du trafic et des rues à bas niveau lors des périodes de plus forte tension, en "Région Autonome du Tibet", depuis mai 2012, elles sont impliquées dans beaucoup plus d’actions intrusives, dont les fouilles dans les maisons à la recherche d’objets en relation avec le Dalaï Lama ou d’autres éléments révélant une opinion dissidente.
"La surveillance est actuellement un élément essentiel de la vie dans la région", ajoute Human Rights Watch.
En septembre 2012, à Lhassa, une Tibétaine de 65 ans, a été brièvement détenue après avoir discuté avec les membres de la patrouille ayant tenté de pénétrer de force dans le sanctuaire de la maison familiale.
"Son fils, Lobsang Dorje, 26 ans, propriétaire d’un magasin de vente de téléphones mobiles et autres appareils électroniques, a été arrêté, roué de coups, a payé une amende, et a dû signer des aveux après avoir protesté contre la détention de sa mère", rapporte Human Rights Watch.
Plus de 600 postes de police de rue équipés d’ordinateurs et de technologie vidéo ont également été mis en place dans les villes à travers le Tibet pour surveiller les gens de passage, dit Human Rights Watch, ajoutant que ces vérifications sont effectuées au "cas par cas" par des officiers qui doivent être en service toute la journée [2].
En plus du système de "réseau", d’autres limitations ont été mises en place dans la région. Human Rights Watch dit avoir reçu de nombreux témoignages de première main de Tibétains subissant des fouilles et devant passer à travers des rayons X avant d’entrer dans des zones considérées comme "critiques" à Lhassa.
En 2012, à Lhassa, les autorités tibétaines ont mis en œuvre un "Commandement du maintien de la stabilité sociale en « Région Autonome du Tibet »" et des "Groupes de travail pour le maintien de la stabilité" à tous les niveaux de l’administration, responsables du contrôle sur les communications téléphoniques et sur Internet.
Depuis 2008, des unités de paramilitaires armés ainsi que la police sont constamment stationnés à chaque coin de rue du quartier tibétain de Lhassa.
Cependant, une telle surveillance, à la fois par la police et par le "réseau", n’est pas susceptible de rendre le Tibet plus sûr, commente Sophie Richardson.
"Mais la surveillance accrue va certainement augmenter la pression dans une région déjà très tendue, alors même que le peuple tibétain est toujours dans l’attente d’une attention de la part de la Chine envers les violations graves de leurs droits".
Sources : Radio Free Asia, 21 mars 2013, Phayul, 23 mars 2013, Tibetan Review, 23 mars 2013.
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[1] Voir l’article et la carte récapitulative des immolations.
[2] Voir l’article "Lhassa ressemble à une vaste prison", du 02/09/2012
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