Un mois d’assignation à résidence et interdiction de recevoir un Prix honorifique pour la blogueuse Woeser

Tsering Woeser, écrivaine tibétaine et blogueuse [1], s’est vue interdire de recevoir un prix de l’Ambassade des Pays-Bas à Pékin et doit subir un mois d’assignation à résidence.
Ecrivant sur son réseau social, Woeser dit qu’elle a été invitée à recevoir le "Grand Prix Prince Claus 2011" lors d’un dîner-réception à l’ambassade des Pays-Bas, mais à la veille de la cérémonie privée, les fonctionnaires du Bureau de la Sécurité publique de Pékin sont venus chez elle et lui ont fait part de l’interdiction qui lui était faite de se rendre à l’ambassade.
"Ils (la police de la Sécurité d’Etat) ont dit que je ne pouvais pas aller à l’ambassade des Pays-Bas le lendemain. Ils ont également dit que je ne pourrais pas sortir pendant tout le mois de mars. Si je voulais sortir, il faudrait qu’ils me suivent", écrit Woeser.

Woeser est lauréate du Prix Prince Claus 2011, décerné chaque année par la Fondation Prince Claus basée aux Pays-Bas à des individus, groupes et organisations pour leurs réalisations exceptionnelles dans le domaine de la culture et du développement.

Qualifiant Tsering Woeser "d’écrivain courageux du Tibet", la Fondation Prince Claus tout en annonçant la nomination en septembre dernier a remarqué les "points de vue uniques" offerts par Woeser "sur les complexités du Tibet d’aujourd’hui".

Selon Woeser, le Président de la Fondation devait remettre personnellement le Prix, mais il s’est vu refuser un visa pour venir en Chine. Par ailleurs, l’Ambassade des Pays-Bas a également été mise en garde par les fonctionnaires de Pékin contre les honneurs qui seraient rendus à Woeser.
"Cependant, l’ambassade des Pays Bas a déclaré qu’elle maintenait l’attribution du Prix, mais lors d’une cérémonie assez privée dans la résidence de l’ambassade", écrit Woeser.

L’écrivaine tibétaine estime que les ordres d’assignation à résidence pour le mois de mars pourraient également être liés aux prochaines sessions du Parlement chinois et à l’anniversaire du soulèvement national tibétain, le 10 mars, et au 16 mars, jour anniversaire de l’immolation du moine Phuntsok ayant déclenché la vague actuelle d’immolations au Tibet [2].
"En fait, deux semaines plus tôt, ils s’étaient déjà postés et étaient assis en bas, dans un local d’expédition", a noté Woeser. "Mais maintenant, ils ont une voiture garée en bas (et il y a des gens dans la voiture)".

Woeser a raconté que son mari, Wang Lixiong, voulant la consoler, lui a dit que manquer un dîner de félicitations et un mois de détention à domicile "n’étaient pas si importants" à un moment où des Tibétains se sont auto-immolés, ont été arrêtés, et ont disparu.
"Votre peuple souffre ; vous ne devriez pas participer à un dîner", lui a dit Wang Lixiong.

Les précédents bénéficiaires du Prix Prince Claus, en provenance de Chine, n’ont jamais été empêchés de recevoir le Prix.
"Pourquoi fais-je exception ? Serait-ce parce que je suis Tibétaine ? Un écrivain dissident ?" questionne Woeser.

Actuellement vivant à Pékin, Woeser a subi le harcèlement et la détention à domicile à plusieurs reprises. Son blog, très connu, a régulièrement été attaqué et ses déplacements limités et surveillés en permanence.

Woeser, en de précédentes occasions, s’est vue interdire de quitter la Chine pour recevoir le Prix 2007 de l’Union des Auteurs norvégiens pour la Liberté d’Expression à Oslo mais aussi le Prix "Courage en journalisme" 2010 décerné par la Fondation "International Women Media" à New York.

Source : Phayul, 1er mars 2012.