Trente intellectuels chinois appellent au dialogue avec le Dalaï Lama
samedi 22 mars 2008 par Jean-Paul Ribes
Un groupe d’intellectuels chinois de premier plan a appelé le 22 mars le gouvernement de Pékin à engager un dialogue direct avec le Dalaï Lama et à autoriser des enquêteurs des Nations-unies à entrer au Tibet.
Dans une lettre ouverte qui comporte douze propositions essentielles, 30 écrivains, professeurs d’université et militants des Droits de l’Homme exhortent le Parti communiste au pouvoir à changer d’attitude et à accepter des discussions directes avec le chef spirituel du bouddhisme tibétain.
"Nous pensons qu’il faut éliminer les animosités et entamer une
réconciliation nationale. Nous appelons en conséquence les dirigeants du pays à tenir un dialogue direct avec le Dalaï Lama ", indiquent les intellectuels qui déclarent " soutenir l’appel du Dalaï Lama à la paix ".
Ils mettent en doute les affirmations de la propagande gouvernementale selon laquelle il s’agirait d’une "opération organisée et orchestrée par la prétendue clique du Dalaï Lama" et estiment plutôt qu’il s’agit bien d’une "révolte populaire".
Ils demandent donc à leur gouvernement de se conformer aux règles d’une "civilisation moderne" et lancent un appel à tous les citoyens chinois en Chine et outre-mer à se montrer "calmes et tolérants et à analyser en profondeur les événements récents". "Un pays qui veut éviter l’éclatement doit commencer par éviter les divisions entre les nationalités" et en l’occurence réitèrent leur souhait d’un dialogue direct avec le Dalaï Lama.
Dans leur lettre, les intellectuels chinois demandent aussi aux autorités chinoises d’ouvrir le Tibet aux médias étrangers et à une équipe indépendante d’enquêteurs de l’ONU pour "analyser l’enchaînement des troubles" des dernières semaines et "établir un bilan des victimes".
Parmi les signataire on relève les noms d’écrivains connus comme Wang Lixiong et Liu Xiaobo mais aussi d’intellectuels membres de nationalités minoritaires d’universitaires et de journalistes exerçant dans différentes régions de Chine.
Cet appel revêt une très grande importance face à l’hystérie de la propagande gouvernementale et à l’intransigeance des autorités.
Liste des douze suggestions proposées par un groupe d’intellectuels pour gérer la question tibétaine
1- La propagande unilatérale des medias officiels chinois a pour effet d’attiser l’animosité interethnique et d’aggraver la tension. Ceci est extrêmement nuisible à long terme à la sauvegarde de l’unité nationale. Nous demandons la fin de cette propagande.
2- Nous soutenons l’appel du Dalaï Lama à la paix et espérons que le conflit ethnique puisse être résolu en accord avec les principes de bonne volonté, de paix et de non-violence. Nous condamnons tout acte de violence contre des innocents, nous pressons le gouvernement chinois de stopper la répression violente et nous appelons le peuple tibétain à ne pas mener d’actions violentes.
3- Le gouvernement chinois proclame "qu’il est absolument évident que les incidents étaient organisés, prémédités et méticuleusement orchestrés par la clique du Dalaï Lama". Nous souhaitons que ce gouvernement en apporte la preuve. Pour modifier la vision négative et l’attitude méfiante de la communauté internationale, nous suggérons aussi que le gouvernement invite la commission des Droits de l’Homme des Nations-unies à mener une investigation indépendante sur la réalité et le déroulement des incidents, le nombre de cas, etc.
4- Pour nous, le langage de la révolution culturelle utilisé par les dirigeants du parti communiste chinois dans la Région Autonome du Tibet qui traite le Dalaï Lama de "chacal en robe de moine bouddhiste", "d’esprit diabolique dans un corps d’homme", et de "coeur de brute" est contre-productif.
5- Nous remarquons que le jour même où la violence a éclaté à Lhassa (le 14 mars), les leaders de la Région Autonome du Tibet ont déclaré "qu’il y avait suffisamment d’évidences prouvant que l’incident avait été organisé, prémédité et méticuleusement orchestré par la clique du Dalaï Lama". Cela veut dire que les autorités au Tibet savaient à l’avance que l’émeute allait se produire et cependant n’ont rien fait pour prévenir l’incident, ou au moins l’empêcher de prendre de l’ampleur. S’il y a eu faute professionnelle, on doit engager une investigation sérieuse et agir en fonction de ses résultats.
6- Si finalement il ne peut être prouvé que l’émeute avait été organisée, préméditée et méticuleusement orchestrée , mais qu’elle était au contraire "une révolte populaire" provoquée par des évènements, alors les autorités devraient poursuivre ceux qui sont responsables d’avoir encouragé la révolte populaire et fabriqué des informations fausses pour tromper le Gouvernement Central et le peuple ; ces autorités devraient réfléchir sincèrement à la leçon à tirer de cet événement de façon à éviter de répéter la même chose dans le futur.
7- Nous recommandons vivement que les autorités ne soumettent pas tous les Tibétains à une investigation politique ou à la vengeance.. Les procès de ceux qui ont été arrêtés doivent suivre la procédure judiciaire qui implique qu’ils soient publics, justes et transparents de façon à satisfaire toutes les parties.
8- Nous exhortons le gouvernement chinois à autoriser les medias nationaux et internationaux à aller dans les différentes régions tibétaines pour réaliser des interviews indépendantes et des reportages. Nous pensons que l’actuel blocus des nouvelles n’aura aucun crédit auprès du peuple chinois ou de la communauté internationale, et qu’il est nuisible à la crédibilité du gouvernement chinois. Si le gouvernement comprend la véritable situation, il n’a pas à craindre les défis. C’est en adoptant une attitude ouverte que notre gouvernement pourra regagner la confiance de la communauté internationale.
9- Nous appelons les Chinois, dans le pays et à l’étranger, à rester calmes et tolérants, et à réfléchir profondément à ce qui est en train de se passer. Une attitude nationaliste et agressive ne fera qu’encourager l’antipathie de la communauté internationale et nuira à l’image de la Chine dans le monde.
10- Les troubles des années ’80 au Tibet étaient limités à Lhassa, Tandis que cette fois-ci, ils se sont étendus à de nombreuses régions du Tibet. Cette détérioration montre que de sérieuses erreurs ont été commises en ce qui concerne le travail sur le Tibet. Les organes de gouvernement concernés doivent y réfléchir avec toute la conscience requise, analyser leurs erreurs et changer fondamentalement leurs politiques nationales qui ont échoué.
11- Pour éviter que de tels incidents ne se répètent dans le futur, le gouvernement doit respecter les libertés de religion et d’expression qui font partie intégrante de la Constitution chinoise et permettre ainsi au peuple tibétain d’exprimer pleinement ses griefs et ses espoirs, et aux citoyens de toutes nationalités de critiquer librement et de faire des suggestions à propos de la politique de la nationalité menée par le gouvernement.
12- Nous tenons à éliminer toute animosité et à conduire à une réconciliation nationale, et non pas à continuer à aggraver les divisions entre nationalités. Un pays qui souhaite éviter la partition de son territoire doit avant tout éviter les divisions entre nationalités. C’est pourquoi nous appelons les leaders de notre pays à engager un dialogue direct avec le Dalaï Lama. Nous espérons que les Chinois et les Tibétains pourront faire disparaître les malentendus entre eux, qu’ils développeront des actions communes et parviendront à l’unité. Les organes de gouvernement, autant que les organisations populaires et les personnalités religieuses devraient faire de grands efforts dans cette direction.
Signataires :
Wang Lixiong (Beijing, Writer)
Liu Xiaobo (Beijing, Freelance Writer)
Zhang Zuhua (Beijing, scholar of constitutionalism)
Sha Yexin (Shanghai, writer, Chinese Muslim)
Yu Haocheng (Beijing, jurist)
Ding Zilin (Beijing, professor)
Jiang Peikun (Beijing, professor)
Yu Jie (Beijing, writer)
Sun Wenguang (Shangdong, professor)
Ran Yunfei (Sichuan, editor, Tujia nationality)
Pu Zhiqiang (Beijing, lawyer)
Teng Biao (Beijing, lawyer and scholar)
Liao Yiwu (Sichuan, writer)
Wang Qisheng (Beijing, scholar)
Zhang Xianling (Beijing, engineer)
Xu Jue (Beijing, research fellow)
Li Jun (Gansu, photographer)
Gao Yu (Beijing, journalist)
Wang Debang (Beijing, freelance witer)
Zhao Dagong (Shenzhen, freelance writer)
Jiang Danwen (Shanghai, writer)
Liu Yi (Gansu, painter)
Xu Hui (Beijing, writer)
Wang Tiancheng (Beijing, scholar)
Wen kejian (Hangzhou, freelance)
Li Hai (Beijing, freelance writer)
Tian Yongde (Inner Mongolia, folk human rights activists)
Zan Aizong (Hangzhou, journalist)
Liu Yiming (Hubei, freelance writer)
Source : AFP 22 mars 2008
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