Témoignage d’un ancien détenu de la prison de Deyang, Sichuan
vendredi 28 novembre 2014 par Rédaction , Monique Dorizon
Des détenus tibétains d’une prison tristement célèbre de la province du Sichuan se voient régulièrement refuser les visites de leur famille apportant de la nourriture et des vêtements. Ils souffrent des températures hivernales et des coups donnés par les gardes, selon un ancien prisonnier emprisonné pendant cinq ans pour avoir protesté contre la domination chinoise.
Sorti en 2013 en mauvaise santé de la prison de Deyang [1] au Sichuan, l’ancien prisonnier vit maintenant sous surveillance policière à son domicile du Comté de Kardzé [2], rapporte-t-il au service tibétain de Radio Free Asia sous condition d’anonymat.
"On me jeta dans une prison chinoise pour cinq ans pour avoir participé en 2008 à des manifestations pacifiques contre la politique de la Chine dans les régions tibétaines", dit l’homme, ajoutant qu’il a été brièvement détenu dans un centre de détention à Kardzé, puis dans une prison du Comté de Dartsédo [3], au Sichuan.
"Beaucoup d’autres Tibétains ont été détenus là où je suis allé. J’ai vu de nombreuses nonnes et prisonnières tibétaines dans ces lieux, aussi", ajoute-t-il.
Environ 18 nonnes arrêtées lors de manifestations religieuses dans la région étaient détenues à Dartsédo pendant qu’il y était, ajoutant qu’il pouvait encore maintenant citer la quasi-totalité de leurs noms, plus de six ans après.
"Elles ont ensuite été transférées vers une prison pour femmes dans le Sichuan", a-t-il dit.
À Deyang même, situé à environ deux heures de route de Chengdu, capitale provinciale du Sichuan, le travail quotidien des prisonniers commençait à 6h30 ; les détenus, pour la plupart des moines, exécutaient des travaux de soudure et de confection de vêtements. Bien que les prisonniers soient nourris trois fois par jour, la qualité de la nourriture était mauvaise, avec des repas composés essentiellement de légumes nature et de riz.
"Pendant l’hiver, nous avons souffert du froid, et les membres des familles des prisonniers tibétains qui venaient à la prison, apportant vêtements et nourriture, ne pouvaient pas rendre visite aux prisonniers ou transmettre ces choses".
Une fois, un groupe de six gardes l’a attaqué et battu, blessant une de ses mains et un pied.
"A cause de ce passage à tabac, mes mouvements sont maintenant réduits, et mon état de santé général a été si affecté par mon passage en prison que je ne peux même pas me débarrasser d’un simple rhume", dit-il.
Un autre ancien prisonnier de Deyang a confirmé ce récit des conditions de vie dans cette prison.
"Il vient de la même prison que celle où je purgeais ma propre peine, et tout ce qu’il dit est vrai", dit l’homme, parlant également sous couvert d’anonymat.
"Je voudrais le rencontrer, mais pour l’instant nous ne sommes en relation que via les réseaux sociaux". "Il est toujours surveillé par des agents de sécurité".
Source : Radio Free Asia, 14 novembre 2014.
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[1] Prison de Deyang (德阳) (Sichuan)
Cette prison comporte 2700 prisonniers environ.
A cause de contrôles stricts, il est presque impossible pour les détenus tibétains de se voir et d’échanger des informations. Dans cette prison, les prisonniers tibétains subissent une surveillance accrue de la part des autorités et chaque prisonnier est constamment suivi et surveillé par 4 prisonniers chinois.
Dans la prison de Deyang, les prisonniers fabriquent des chaussures en toile. Le travail est organisé comme une ligne d’assemblage, chaque personne faisant une petite partie de chaque chaussure. Si à la fin de la journée, l’équipe de travail n’a pas atteint ses objectifs, tous doivent rester debout pendant 2 heures.
Chaque jour, il est donné aux prisonniers tibétains, une heure "d’éducation politique" qui consiste à regarder les chaînes d’informations de la télévision gouvernementale. Ensuite, il faut écouter une intervention faite par un fonctionnaire de la prison sur les problèmes posés par quelques unes de ces informations. (août 2014)
[2] Kardzé (དཀར་མཛེས་ en tibétain, Ganzi ou 甘孜 en chinois), parfois écrit Garzé, est situé dans la région tibétaine du Kham, actuelle province chinoise du Sichuan. Localiser Kardzé (Garzé) sur cette carte.
[3] Dartsedo (དར་རྩེ་་མདོ་, Dhartsedo ou Dardo en tibétain, Kangding, 康定县 en chinois), autrefois appelé en français Tatsienlou, est le chef-lieu de la "Préfecture Autonome Tibétaine" de Kardzé.
Google Maps nomme de façon trompeuse Kangding "Garze" en raison de son rôle de Préfecture.
Localiser Dartsédo (Garze) sur cette carte.
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