Situation dramatique à Driru, "Région Autonome du Tibet"
lundi 25 août 2014 par Rédaction , Monique Dorizon
Un érudit bouddhiste tibétain, connu pour sa grande intelligence et ses dons de médiation, est décédé pendant sa garde à vue.
Ngawang Jampel, alias Ngawang Jamyang, 45 ans, faisait partie du groupe de trois moines du monastère de Tarmoe arrêtés le 23 novembre 2013 pendant leurs vacances à Lhassa.
Après leur arrestation, des troupes ont fait une descente en masse au monastère de Tarmoe et la police armée a entrepris des recherches musclées dans tout le monastère, y compris dans le lieu d’habitation de Ngawang Jampel, où la police a saisi deux ordinateurs portables.
Un contact a rapporté que le 17 Décembre 2013, moins d’un mois après sa détention au secret, l’érudit bouddhiste et maître Ngawang Jampel est décédé ; ensuite, la police n’a pas perdu de temps en remettant le corps à sa famille.
"Il était clair que Ngawang Jampel a été battu à mort pendant sa détention. C’était un homme sain et robuste quand il a quitté son monastère pour se rendre à Lhassa", rapporte la source locale.
Ngawang Jampel est le dernier d’une longue liste de Tibétains bien formés et instruits ciblés par les autorités chinoises. D’autres sources de Driru [1] disent que depuis 2008, les autorités chinoises ont systématiquement ciblé les Tibétains instruits, et ainsi fait taire les voix des plus éloquents, représentants des souffrances et des aspirations du peuple tibétain.
Topden, par exemple, nomade et écrivain de Driru condamné à cinq ans de prison pour avoir écrit un poème mentionnant les arrestations de Tibétains instruits : "En arrêtant tous les Tibétains instruits / la liberté de l’esprit, du corps et de la parole est refusée".
La source a déclaré que les membres de la famille ont emmené le corps de Ngawang Jampel au cimetière du ciel traditionnel du monastère de Sera à Lhassa. Des prières et d’autres rituels sont organisés à la maison du défunt dans le Comté de Driru.
La source a également dit que la police avait ordonné, sous la menace, à la famille du défunt de ne pas parler de la mort de Ngawang Jampel à d’autres personnes. "Ils (les policiers) ont dit que la famille allait connaître le même sort si les nouvelles du décès en détention sortaient du Tibet".
Le monastère de Tarmoe et les villages voisins ont ensuite été encerclés par les forces de sécurité chinoises. Le monastère a été fermé pour une durée indéfinie. Les Tibétains craignent que, après la mort de Ngawang Jampel, il sera difficile pour le monastère de Tarmoe de fonctionner aussi efficacement qu’avant. Il (Ngawang Jampel) était le plus efficace administrateur, enseignant et une personne très consciencieuse. Tarmoe ne sera jamais plus le même sans lui.
Les forces de sécurité chinoise ont également entouré les monastères de Rabten et Drong Na à Driru, et ont arrêté huit moines appartenant au monastère de Rabten, ayant précédemment étudié dans les instituts de Pelyul, Sershul et Serthar dans la province du Kham (Sichuan).
En fait, depuis le mois dernier, les autorités ont augmenté le nombre de cadres locaux (auxquels on a ordonné de travailler avec les gens), et ainsi ont fait avancer la propagande du gouvernement et la répression dans la région.
La source a déclaré que les autorités chinoises pensent que Driru souffre de l’absence de stabilité politique et que si le Comté de Driru n’est pas pacifié, cela aura des effets "négatifs" sur d’autres régions tibétaines.
En conséquence, les autorités chinoises, affirment que les Tibétains de Driru doivent être soumis, jour après jour, aux "campagnes de rééducation". À cette fin, les autorités ont organisé des réunions et donné des ordres aux moines appartenant à divers monastères de Driru pour qu’ils retournent dans leurs centres d’étude d’origine en dehors de Driru, dans des provinces comme le Qinghai et le Sichuan.
En outre, les moines, ayant étudié en Inde et dans les provinces du Qinghai ou du Sichuan, sont soumis à des séances intenses de "rééducation".
Les moines du monastère de Tarmoe ont regagné leurs foyers pour des vacances d’hiver d’un mois. Les cadres chinois ont donc interrogé les quelques membres restants du personnel du monastère, comme le gardien et les gardes pour savoir où se trouvaient les moines. Les cadres ont également émis les ordres suivants auprès des cadres monastiques :
- Rappeler les moines au monastère
- Expulser du monastère les moines qui sont âgés de moins de 17 ans
- Remettre les clés des chambres des moines
Lorsque les quelques moines restants du monastère ont refusé de remettre les clés disant qu’ils ne les possédaient pas, les forces de sécurité ont encerclé le monastère et ont fait irruption dans les chambres en brisant les verrous. Les forces de sécurité ont ensuite confisqué les ordinateurs et d’autres objets dans les chambres des moines.
Les forces de sécurité ont encerclé les villages et les familles des moines ; une partie des forces de sécurité vêtue d’uniformes sombres a fait irruption dans les maisons (maisons familiales de moines), et confisqué des objets tels que les téléphones portables, les antennes paraboliques, des petites boîtes, des photos, des vieux couteaux et d’autres articles divers.
Quand les fonctionnaires locaux ont ordonné aux cadres du monastère d’ouvrir les portes des chambres des moines, ceux-ci ont répondu en déclarant qu’ils les ouvriraient lorsque les forces de sécurité auraient libéré les moines et les Tibétains qui avaient été détenus sans raison particulière.
Au cours des trois derniers mois, quelques centaines de Tibétains de Driru ont été arrêtés et condamnés à la prison. Beaucoup d’entre eux ont disparu.
La source a déclaré que les Tibétains de Driru considèrent 2013, comme la pire année en ce qui concerne l’oppression chinoise. Cette répression chinoise intense n’a pas été vue dans la région depuis 1969, quand de nombreux Tibétains de Driru, Khyungpo Tengchen, Chagra Palbar et d’autres lieux avaient été massacrés par les troupes chinoises.
Source : TCHRD, 19 décembre 2013
Autres articles sur la situation à Driru :
"La police chinoise ouvre le feu contre des manifestants tibétains non armés à Driru", du 11/10/2013
"Résistance et heurts avec la police face à la mise en place obligatoire de drapeaux chinois sur les maisons", du 14/10/2013
"4 morts et des dizaines de blessés dans le comté de Driru, Région autonome du Tibet", du 21/10/2013
NB Publié avec beaucoup de retard. Veuillez nous en excuser, mais il nous a semblé important de conserver cette information en ligne.
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[1] Driru, འབྲི་རུ་ en tibétain, ou Biru, 比如县 en chinois, est à une centaine de kms à l’est de Nagchu (en chinois Nagqu, 那曲地区). Driru, dont le nom signifie "femelle du yack", est un district dans une région accidentée au nord de la "Région Autonome du Tibet" (4 500 m d’alt. environ), près de la rivière Salouen (Nu Jiang, 怒江, en chinois).
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