Question d’actualité de M. Thierry Repentin au Ministre des Affaires étrangères, 27 mars
mardi 1er avril 2008 par Rédaction
Question d’actualité de M. Thierry Repentin au Ministre des Affaires étrangères et européennes, le 27 mars
"Ma question s’adresse à Monsieur le Ministre des Affaires étrangères et européennes.
Comme d’autres, avant moi, je voudrais évoquer la situation d’un peuple loin de tout et riche de peu, si ce n’est de ce qui lui reste de sa culture, un peuple qui vit actuellement dans un Etat et sous un gouvernement qu’il n’a pas choisi, d’un peuple qui souffre plus vivement depuis plusieurs semaines parce qu’il a osé relever la tête et lutter contre l’oppression coloniale qu’il subit depuis maintenant plus de soixante ans, plus précisément depuis 1951, quand les troupes chinoises ont envahi Lhassa, capitale de son pays. Ce peuple, Monsieur le Ministre, vous l’aurez compris, c’est le peuple tibétain.
Nous sommes nombreux, sur tous les bancs de cet hémicycle, à être extrêmement préoccupés par la dégradation de la situation au Tibet.
Les rares informations qui filtrent à travers des frontières brutalement refermées témoignent que la répression en train de s’abattre sur les manifestants tibétains est terrible, hors de proportion avec les revendications de liberté, voire les violences que certains d’entre eux ont pu commettre. La France va-t-elle assister, impuissante, à l’engrenage de la violence au Tibet en se contentant de regrets ou d’appel à de la retenue ? Ou s’exprimera-t-elle par une condamnation sans appel à l’image de plusieurs gouvernements européens qui font preuve de lucidité et de courage sur ce dossier ?
Contrairement aux allégations des dirigeants de Pékin, il ne s’agit pas d’une question de politique intérieure qui ne concernerait que la Chine. D’abord, parce que plus de 130 000 réfugiés tibétains vivent en dehors de leur pays et que, tous les jours, il en arrive de nouveaux qui traversent l’Himalaya au péril de leur vie.
Ensuite, parce ce que la communauté internationale a reconnu la stature de leur chef spirituel et leader politique, en attribuant en 1989 le Prix Nobel de la Paix au14ème Dalaï Lama. Aujourd’hui, celui-ci est reçu avec les égards qui lui sont dus dans toutes les capitales du monde libre par des chefs d’Etat ou de gouvernement.
A l’appui de ma question, je voudrais faire une citation : "Des cris étouffés s’élèvent de ces montagnes et de ces hauts plateaux. Une population hurle silencieusement vers nous : les Tibétains. Un homme nous tend la main : le Dalaï Lama". Cette citation, Monsieur le Ministre, elle est de vous, extraite d’une préface que vous avez écrite en 1993.
Aujourd’hui, je vous le demande.
Sera-t-il reçu à l’Elysée par le Président de la République en août prochain comme il devrait l’être d’ailleurs également par le Président du Sénat ?
Je voudrais savoir ce que, selon vous, la France, pays symbole des Droits de l’Homme, peut faire en faveur du Tibet ?
Pour amener le gouvernement chinois à une attitude plus conforme à ce qu’on attend d’une grande nation qui se veut démocratique, de quels moyens disposons-nous, avec la perspective des Jeux Olympiques de Pékin d’ores et déjà entachés, mais aussi avec celle de l’exposition universelle de Shangaï en 2010 ?
Quelles actions concrètes allez-vous engager au niveau de l’Union Européenne sous la présidence française et, sans attendre, au niveau des Nations-unies, qui par trois fois [1] ont condamné l’attitude de la Chine au Tibet ?
Une réponse ambiguë serait complice et il y a des silences qui tuent."
Réponse de Mme Rama Yade, secrétaire d’État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l’Homme.
"Nous n’avons pas attendu les émeutes de Lhassa pour nous préoccuper du Tibet ! La France a réagi avec fermeté. Elle a condamné la répression, elle a appelé à l’arrêt des violences, à la libération des manifestants pacifiques, à la reprise du dialogue avec le Dalaï Lama.
Aucun pays ne souhaite un boycott des Jeux olympiques. Pour la cérémonie d’ouverture, en revanche, le Président de la République a estimé que toutes les options sont ouvertes. Je suis prête à recevoir le Dalaï Lama.
Le Président de la République fera son choix le moment venu. Il en a appelé au sens des responsabilités de la Chine pour qu’elle soit à la hauteur de son rang.
Nous ne remettons pas en cause l’appartenance du Tibet à la Chine ; c’est pourquoi il appartient à celle-ci de veiller à la situation qui prévaut à l’autonomie culturelle pour que les Tibétains jouissent de leurs droits à la liberté de religion et de conscience.
Nous avons mobilisé nos partenaires européens et, à notre demande, la question du Tibet sera à l’ordre du jour de la réunion des ministres des affaires étrangères qui aura lieu demain [2]. La France souhaite que soit adoptée une réponse uniforme : nous plaidons pour une solution pacifique et attendons de Pékin un progrès dans le respect des Droits de l’Homme".
[1] Résolutions de l’ONU n° 1353, de 1959, n° 1723 de 1961 et n° 2079 de 1965
[2] 28 mars en Slovénie, lors de la réunion des 27 Ministres des Affaires étrangères
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