Presse invitée à Lhassa : 2ème témoignage de journaliste.
mercredi 25 juin 2008 par Monique Dorizon
C’est le dernier jour de la visite de Lhassa organisée par le gouvernement chinois. Je fais partie d’un groupe d’environ 40 journalistes étrangers invités au Tibet pour une excursion couvrant le passage de la flamme olympique. Nous sommes les premiers reporters étrangers autorisés par la Chine à Lhassa, depuis presque 3 mois.
Le monastère de Sera est le premier arrêt – un des endroits les plus importants à Lhassa pour les Tibétains mais aussi pour les forces de sécurité chinoises. Ici les moines ont joué un rôle majeur dans les manifestations anti-chinoises de mars. Certains ont été arrêtés, d’autres ont fait la grève de la faim.
Notre visite commence peu après 9h. Nous sommes conduits au monastère en convoi officiel (si important qu’il est pratiquement visible de l’espace).
Nous rencontrons un moine âgé qui nous fait visiter succinctement les principaux bâtiments du monastère. Il nous parle en tibétain – ses mots sont traduits par les interprètes officiels (voir plus loin).
550 moines environ vivent dans ce monastère. Mais au cours de notre rapide visite, nous n’en avons croisé qu’une douzaine, aucun n’avait moins de 40 ans. Ce n’est pas très surprenant. La dernière fois que la Chine a organisé une visite pour les médias étrangers d’un monastère à Lhassa, fin mars, la visite a été interrompue par un groupe de jeunes moines criant "Tibet libre".
L’autorisation nous a été donnée d’interviewer un moine âgé – Lobsang Choepel, Directeur du Comité démocratique de gestion du monastère de Sera.
Nous nous regroupons autour de lui. C’est la première opportunité de poser le type de question auquel nous pensons depuis des mois.
Un reporter demande :
- "Que pensez-vous du Dalaï Lama ?"
Le moine répond en tibétain. L’interprète officiel traduit ses mots en anglais :
- "Le Dalaï est le chef de la secte des Gelugpas et moi-même, quand j’étais jeune, j’ai aussi appris les enseignements religieux du Dalaï, mais je ne reconnais ni accepte ce qu’il dit ou ce qu’il fait".
- "Donne–t-il des leçons sur le Dalaï Lama aux moines plus jeunes ?"
Réponse (par l’interprète) :
- "Je ne présente pas le Dalaï aux étudiants".
Une petite remarque intéressante : Quand Lobsang Choepel parle en tibétain, nous entendons clairement qu’il prononce les mots "Dalaï Lama", mais l’interprète utilise le seul mot "Dalaï" un terme souvent employé par le gouvernement chinois, qui parvient aux Tibétains sur un mode péjoratif.
Nous poursuivons nos questions.
- "Qu’implique le programme de rééducation mise en place par le gouvernement chinois ?" (Depuis les manifestations en mars à Lhassa, le gouvernement dit qu’il a envoyé des groupes de travail dans les monastères pour enseigner aux moines qu’ils doivent se conformer à la loi)
La réponse (via l’interprète) :
- "Les contenus de l’éducation à la connaissance de la loi visent à aider les moines à posséder une meilleure connaissance du droit national et de la Constitution de telle sorte que, ayant ce savoir, à l’avenir, nous ne violions aucune loi".
Voilà ! Nous sommes escortés de nouveau vers nos bus. Au long de la route qui mène au monastère, nous passons devant un certain nombre de magasins et étals. Debout, en dehors des magasins se tiennent des hommes. Nous regardons avec attention et voyons que bon nombre d’entre eux ont des oreillettes et portent des talkies-walkies. Il est assez facile de penser que ce sont des fonctionnaires en civil, déployés pour s’assurer qu’il n’y aura aucune perturbation au cours de notre visite.
Après le monastère, nous sommes emmenés au Palais du Potala qui donne sur le cœur de Lhassa. Ce fut la résidence du Dalaï Lama avant son départ en exil en 1959. En trois secondes, nous posons au guide la question qui est dans toutes nos têtes – Pourrons-nous voir où vivait le Dalaï Lama ?
On nous fait entrer et montrer ses anciennes chapelles et son ancienne chambre à coucher (nous obtenons de voir la chambre extérieure – un rideau est baissé sur la pièce où l’on dit être son ancien lit).
Pendant que nous marchons dans le Palais, nous voyons deux portraits du prédécesseur immédiat du Dalaï Lama – mais aucune de l’actuel ( …)
Après cela, la visite est terminée. Nous sommes conduits à l’aéroport. Pendant que nous faisons la queue pour passer les contrôles de sécurité, nous passons à côté d’un morceau de papier collé à un pilier – ce sont des photos de deux manifestants tibétains recherchés par la police.
Le fonctionnaire chargé du contrôle de sécurité nous rappelle que les briquets sont interdits à bord. Mais, maintenant, il semble y avoir une exception. Un certain nombre de personnes attendant un vol retour sur Pékin portent de longues boites en carton – portant le logo des jeux olympiques de cet été. Chacune de ces personnes a parcouru une étape du relais olympique à Lhassa. Comme récompense, elles obtiennent l’autorisation de garder la torche avec laquelle elles ont couru (enveloppée soigneusement dans une boite en carton). Nous nous dirigeons vers l’avion, décollons, et Lhassa disparaît derrière nous.
Je me demande quand nous serons de nouveau autorisés à y retourner.
Source : James Reynolds, BBC 23 juin 2008
Ne pas rater la vidéo de ce journaliste, explicite sur les mesures de sécurité à Lhassa pendant cette visite de presse bien encadrée.
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