"Pour un Tibet autonome", par Axel Poniatowski

Président de la Commission des affaires étrangères à l’Assemblée nationale.

lundi 31 mars 2008 par Rédaction

La communauté internationale ne peut accepter, sans réagir, la négation de l’identité tibétaine.

Si la situation au Tibet suscite aujourd’hui une émotion considérable dans le monde, c’est que l’ancienneté et la spécificité de sa civilisation ne font aucun doute et justifient que toutes les mesures soient prises pour sa préservation. Le fait que cette vaste région fasse ou non partie intégrante de la Chine du point de vue politique n’est pas une question essentielle, dans la mesure où l’absence d’indépendance d’un peuple ne signifie pas la négation de son identité : ce qui est vrai dans un grand nombre d’Etats, en Europe comme dans le monde, l’a aussi été dans le cas tibétain, comme l’histoire en atteste.

L’influence chinoise au Tibet est l’objet de controverses, mais il est certain qu’elle n’a pas été unilatérale. En effet, la protection militaire que la Chine accordait au Tibet était une forme de contrepartie à l’influence spirituelle que les religieux tibétains exerçaient sur les dynasties régnant en Chine. L’intensité des liens entre les deux royaumes a varié selon les périodes, certains souverains chinois considérant le Tibet comme faisant partie de leur empire, d’autre comme un pays extérieur à celui-ci.

Au lendemain de la proclamation de la République populaire de Chine, l’armée populaire entre au Tibet sans rencontrer beaucoup de résistance militaire. En 1959, la très violente répression des autorités chinoises contre la révolte des Tibétains commencée trois ans plus tôt entraîne la fuite du Dalaï Lama, chef spirituel des bouddhistes tibétains et chef de l’état, et d’environ 100 000 Tibétains. A l’époque, le répression menée par Pékin fait également plusieurs dizaines de milliers de victimes. La Chine qui présente cette révolte comme le fait de l’ancienne classe privilégiée, lance alors une série de réformes sociales et économiques.

Le Tibet connaît une certaine modernisation, permise notamment par son désenclavement, mais qui profite peu à la population tibétaine et s’accompagne de l’arrivée de nombreux migrants chinois. Dans le même temps, la place de la culture tibétaine régresse : dans la "Région autonome", l’enseignement à partir du collège ne se fait pas en tibétain, langue qui n’est pas utilisée dans l’administration ; certes des monastères fonctionnent, mais les libertés religieuses ne sont pas respectées, les fonctionnaires n’ayant pas le droit d’exercer leur religion, par exemple.

Les Tibétains deviennent ainsi, progressivement, une minorité d’un point de vue aussi bien politique, culturel que démographique, dans leur propre pays, et leurs revendications en faveur du respect de leurs spécificités culturelles sont réprimées : il en a été ainsi entre 1986 et 1989, cette période de troubles s’achevant par la proclamation de la loi martiale en mars 1989 ; il en est de même aujourd’hui.

Si la société tibétaine du milieu du XXème siècle n’était pas idéale, tant elle était encore strictement hiérarchisée, force est de constater que près de soixante années de domination chinoise ne l’ont nullement libérée. Trois Résolutions de l’Assemblée générale des Nations-unies, votées entre 1959 et 1965, ont vainement appelé à l’autodétermination des Tibétains. Aujourd’hui, depuis son exil indien , le Dalaï Lama demande seulement que la Chine accorde une réelle autonomie au Tibétains, dans le cadre d’une région dont les frontières seraient élargies au Tibet historique.

J’estime que cette revendication modérée est légitime : les Tibétains ont droit à une véritable autonomie culturelle, morale et politique ; elle devrait s’exercer dans le cadre d’institutions régionales dotées de réels pouvoirs et dans l’esprit de "l’appel de Strasbourg", plan de paix proposé par le Dalaï Lama en juin 1988 devant le Parlement européen et alors rejeté par la Chine.

Si l’on peut comprendre que cette dernière refuse de se séparer d’une zone qui pourrait représenter jusqu’au quart de sa superficie, dont la position géographique est stratégique et où les richesses minières et en eau abondent, la communauté internationale ne peut accepter ni la violence des moyens qu’elle utilise pour réprimer des manifestations pacifiques, ni son absence de respect pour les spécificités plus que millénaires du peuple tibétain. La Chine doit reconnaître le Dalaï Lama comme le représentant du peuple tibétain et accepter le dialogue avec lui pour parvenir à élaborer un statut d’autonomie réelle qui soit acceptable pour les deux parties.

L’organisation des Jeux olympiques par la Chine constitue une chance d’y parvenir dans la mesure où elle donne à la communauté internationale un moyen de pression sur la République populaire. Si, pas plus que le Dalaï Lama, je ne préconise le boycottage d’une manifestation sportive universelle dont la Chine n’est que le dépositaire provisoire, j’ai récemment appelé notre pays à limiter au strict minimum sa présence aux cérémonies d’ouverture et de clôture des Jeux : aucune autorité française ne devrait y assister, les athlètes pourraient se contenter d’y envoyer un porte-drapeau et les cérémonies ne devraient pas être retransmises à la télévision.

Le plus efficace serait que les Etats membres de l’Union européenne s’entendent sur une démarche commune. Je suis sûr que la Chine serait sensible à de telles actions symboliques, car elle est plus soucieuse que jamais de l’image qu ‘elle va donner à l’occasion des Jeux olympiques.

Et il est dans l’intérêt bien compris de la République populaire d’accorder au Tibet l’autonomie que les Tibétains demandent. Arriver à un compromis serait la preuve de son ouverture au dialogue et un témoignage de la prise en compte des Droits de l’Homme ; cela lui permettrait aussi de clore un dossier qui ternit son image depuis plus d’un demi-siècle et qui menace à chaque instant de s’envenimer encore davantage. Alors qu’une sécession du Tibet porterait en germe la désagrégation de l’empire multiethnique chinois, lui donner une large autonomie serait le plus sûr moyen d’assurer la pérennité de celui-ci.


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