Nous n’agissons pas par haine de la Chine, nous ne sommes pas des sécessionnistes tibétains ni des agitateurs professionnels
jeudi 10 avril 2008 par Jean-Paul Ribes
Dans son incapacité structurelle à dire la vérité à son propre peuple, le gouvernement chinois tente de discréditer ceux qui, en occident ou ailleurs, critiquent sa politique au Tibet et plus généralement son approche des Droits de l’Homme ; au risque de provoquer un mouvement de frustration et de colère, comme on en a vu s’exprimer lors d’images de radios trottoirs tournés à Pékin.
Ainsi, à en croire les responsables chinois, ceux qui étaient dans la rue sur le passage de la flamme olympique le 7 avril ne pouvaient être mus que par la "haine de la Chine". Premier mensonge grave et délibéré.
Depuis plus de vingt ans que je fréquente le XIV° Dalaï Lama et que je m’efforce, à sa demande d’informer les Français sur la situation au Tibet, je n’ai jamais - jamais - entendu dans sa bouche une seule parole agressive ou désobligeante à l’encontre de ses "frères et soeurs" chinois. C’est précisément ce qui fait sa force. Aussi, nous en inspirant, nous nous sommes interdits toute parole qui pourrait incriminer le peuple chinois, que nous ne voulons pas tenir pour responsable des fautes graves de ses dirigeants.
Au contraire, nous avons accueilli fraternellement Wei Jingshen, Hu Jia, ou Wang Lixiong, nous réjouissant de pouvoir entretenir un dialogue vivant avec ceux qui représentent la conscience de la Chine.
Certes, il n’est pas facile pour une femme tibétaine qui a vu son père humilié puis exécuté par des soldats chinois de s’abstraire du sentiment de haine que cela peut inspirer en elle. Parlez à des rescapés des camps de la mort de la réconciliation franco-allemande, ils vous diront les difficultés du chemin. Mais nous, Français et amis du Tibet, quelle que soit notre empathie avec les souffrances de ce peuple, nous avons su éviter le piège des réactions émotionnelles et c’est une caractéristique de notre mouvement qu’il ne soit jamais porteur d’aversion ni de haine.
Lorsque le Dalaï Lama, en 1988, a fait connaître, dans l’optique de sa "voie médiane" qu’il ne revendiquait pas l’indépendance de son pays mais une autonomie véritable, beaucoup de Tibétains se sont posé des questions. Mais finalement la majorité d’entre eux lui ont fait confiance. Nous en avons fait de même, et cela pour deux raisons. D’abord parce qu’il serait absurde et inconséquent de prétendre soutenir un peuple et ne pas entendre ce que dit celui au nom duquel aujourd’hui (et depuis 50 ans), on résiste et parfois on meurt. Ensuite parce que cette politique de modération et de réalisme avait de quoi nous convaincre. Pas tous. Et le débat fraternel avec certains partisans de la revendication d’indépendance enrichit là aussi notre mouvement. Il est vrai que notre meilleure connaissance, au cours de ces vingt ans, de l’histoire du Tibet et des relations sino-tibétaines, infiniment complexes, nous évite certains schémas et nous persuadent encore un peu plus qu’une solution conforme à l’histoire de ces deux peuples est possible, pourvu qu’on en ait la volonté. Or c’est précisément elle qui fait défaut aux dirigeants de Pékin, enfermés dans leur rigidité idéologique et dans leur crainte d’une sanction populaire que la croissance économique, fut-elle à deux chiffres, ne pourrait leur épargner.
Leur manque de courage politique, doublé d’une absence chronique d’imagination, les conduit à s’enfermer dans la violence, la calomnie et l’insulte. Il y a là un réel danger, que Mao Zedong percevait, en l’attribuant aux "réactionnaires" lorsqu’il cite le proverbe "certains sots soulèvent des pierres pour se les laisser tomber sur les pieds".
Pour en revenir à la flamme et à son passage chaotique dans les rues de Paris, on a bien vu que la nervosité et l’autoritarisme des dirigeants chinois du Bocog (comité d’organisation), décidant unilatéralement d’éteindre la flamme au nez d’un David Douillet fort mécontent, ou de passer purement et simplement l’étape de l’Hôtel de Ville, était en grande partie responsable du fiasco de ce défilé.
Quant aux agitateurs professionnels, qu’ils s’appellent Jane Birkin ou Irène Frain, on connaît leur dangerosité et la formation qu’ils (ou elles) ont reçu dans les camps de l’Himalaya. A moins qu’il ne faille incriminer la cinquantaine de députés qui criaient "liberté pour le Tibet" depuis la terrasse de l’Assemblée nationale. Comme le disait l’ambassadeur de Chine au sénateur Louis de Broissia qui évoquait, il y a quelques mois, les manifestants favorables aux Tibétains : "nous les connaissons, nous savons qui les paie". Ce genre d’argument fait long feu, comme cette triste flamme que les Parisiens n’auront pas vue. Il est urgent d’en rallumer une autre, celle du dialogue, de la liberté et de la réconciliation.
par Jean Paul Ribes,
Président du Comité de Soutien au Peuple Tibétain.
Ce commentaire fait suite aux accusations proférées par un haut responsable du Comité international olympique (CIO) qui a condamné le 8 avril à Pékin les manifestants qui ont perturbé le passage de la flamme à Londres et Paris, estimant qu’ils agissaient par haine de la Chine.
"Nous sommes extrêmement désespérés", a déclaré Kevan Gosper, vice-président de la commission de coordination des Jeux au CIO, soulignant que la flamme était prise à partie par ceux qui cherchent à exprimer leur opposition à la Chine.
"Ils expriment juste leur haine quel que soit le sujet à l’ordre du jour, et la haine contre le pays hôte retombe sur notre torche", a-t-il dit.
Gosper a également qualifié les manifestants de "perturbateurs professionnels". "Et ces perturbateurs, ces perturbateurs professionnels, ne font pas attention à ça. Ils sont juste animés par la haine et le ressentiment"
Source : AFP 8 avril 2008
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