Moines et nonnes abandonnent les monastères
vendredi 3 février 2012 par Rédaction , Monique Dorizon
Selon des sources tibétaines, des moines et des nonnes ont abandonné leurs monastères dans un Comté du Tibet central, préférant partir plutôt que de se soumettre à de nouvelles réglementations chinoises "intrusives".
Cet exode lors des deux derniers mois intervient alors qu’une répression instaurée par les autorités chinoises croît à la suite des manifestations tibétaines mettant en lumière les atteintes aux droits et un nombre sans précédent d’auto-immolations [1] principalement de moines ne supportant plus les croissantes restrictions religieuses.
"Les moines et les nonnes ont déjà quitté leurs monastères dans le Comté de Driru" [2], rapporte un Tibétain vivant en Australie, parlant sous condition d’anonymat et citant des sources de la région concernée.
Il a nommé, comme étant concernés, les monastères de Driru, Pekar, Choeling, Tagmo et Drongna, et le couvent de Jana.
"Tous ceux qui n’étaient pas prêts à vivre sous les règles strictes imposées par les autorités chinoises ont choisi de partir", a-t-il dit.
Un moine tibétain du monastère de Sera en Inde a confirmé, en citant ses propres sources à Driru, et a nommé d’autres monastères dont ceux de Drubde et Rachen, qui sont aussi maintenant désertés.
"Les moines ont peur d’être contraints de revenir, parce que les responsables chinois disent qu’ils n’ont pas le droit de partir de leur propre initiative", a-t-il dit.
"Les Tibétains boycottent actuellement les célébrations du Nouvel an lunaire pour montrer leur soutien aux moines qui sont partis", dit-il.
On ne sait pas exactement si les monastères ont été officiellement fermés, ou si des moines ou des nonnes y résident encore.
"Certaines des règles imposées aux monastères tibétains par la Chine comprennent des limites au nombre de moines inscrits, et une limite d’âge de 18 ans fixée pour ceux qui souhaitent y entrer.", a déclaré une source australienne.
"D’ailleurs, les monastères doivent obtenir la permission des responsables chinois pour toutes sortes de travaux, petits ou grands".
"Les autorités chinoises ont aussi tenté de confisquer les recettes provenant des magasins des monastères et d’autres gains", a dit cette même source.
Mais parce que les monastères ont été construits avec des contributions des gens, et non avec des fonds chinois, les moines considèrent l’ordre chinois comme "une ingérence dans leur liberté religieuse", a-t-il dit.
"Ils ont mis au défi les Chinois de convertir la richesse de tous les monastères en monnaie et de la distribuer au peuple, qui est le propriétaire légitime de cette richesse".
Les Tibétains critiquant cette situation auprès des fonctionnaires chinois, se sont seulement entendus dire que "les quelques moines qui ne veulent pas vivre dans les monastères sont à l’origine du problème", a dit la source.
"Mais la population locale insiste pour que les autorités chinoises permettent aux monastères de retrouver leur statut et leur fonction normaux", a déclaré une autre source installée en exil, citant également des contacts à Biru.
"Ils se plaignent qu’ils n’ont pas la liberté de religion, et ne peuvent pas effectuer les cérémonies de prière pour les morts, si les moines ne sont pas présents".
"Les autorités avaient déjà fortement surveillé les monastères, cherchant des preuves de contacts avec l’extérieur, utilisant ceux-ci comme excuse pour intensifier leurs campagnes de « rééducation patriotique » des moines", a-t-il ajouté.
S’exprimant dans une interview, Robbie Barnett de l’Université de Columbia [3], a déclaré qu’il y avait eu une "augmentation massive" des intrusions de l’État dans les monastères de la "Région Autonome du Tibet" au cours des dernières semaines.
Selon la réglementation actuelle, tous les monastères de la région doivent maintenant afficher des photos des dirigeants chinois, Mao Zedong, Jiang Zemin, et Hu Jintao, et mettre le drapeau chinois. [4]
Dans un nouveau règlement envoyé dans la capitale régionale Lhassa, le 20 décembre, les cadres du Parti communiste chinois en poste dans les monastères doivent chacun "devenir ami" avec un moine, et conserver un dossier sur les opinions de ce moine.
"Ce genre d’incursions des autorités, soit par les forces de sécurité, soit par la contrainte sur les fonctionnaires et les « équipes de travail » auprès des moines, est parvenu à un point tel que nous verrons les moines partir loin de ces lieux", a déclaré Robbie Barnett.
Prenant également la parole lors d’une interview, Bhuchung Tsering, vice-président de "International Campaign for Tibet" (Campagne internationale pour le Tibet), basée à Washington, a dit que le bouddhisme au Tibet est confronté à "des restrictions croissantes et des menaces que nous n’avons pas vues auparavant". "Et c’est quelque chose dont les autorités chinoises devraient être conscientes".
Le bouddhisme doit être "laissé à lui-même, comme c’était le cas, sans aucune implication politique", a déclaré Bhuchung Tsering. "Sauf si les autorités chinoises le font, leur ingérence continue dans le processus religieux du peuple tibétain sera un préjudice pour l’avenir du bouddhisme tibétain".
Source : Radio Free Asia, 31 janvier 2012.
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[1] Voir l’article "Immolations : récapitulatif, actions et réactions", du 30/10/2011, réactualisé.
[2] La source mentionne le Comté de Driru, soit "bri ru rdzong" en translittération Wylie, dans la Préfecture de Nagchu, "Région Autonome du Tibet". Localiser Biru sur cette carte.
[3]
Le Dr Robbie Barnett] a écrit et publié de nombreux livres sur le Tibet moderne, incluant "Poisoned Arrow : The Secret Petition of the 10th Panchen Lama", "Leaders in Tibet : A Directory", "Cutting Off the Serpent’s Head : Tightening Control in Tibet 1994-1995", "Resistance and Reform in Tibet" (Indiana University Press, 1994), ou avec Steve Lehman et traduit en français "Les Tibétains en lutte pour leur survie" (Ed. Hoëbeke, sept. 1999).
Son dernier livre, "Lhasa : Streets with Memories" (Columbia University Press, 2006), analyse la géographie locale de la capitale du Tibet en tant que mémoire collective.
De 1987 à 1998, le Dr Barnett était le directeur du Tibet Information Network, un réseau de recherches et d’information indépendant sur le Tibet, basé à Londres. Il a également travaillé comme journaliste au South China Morning Post à Hong Kong, à la BBC, à l’Observer (Londres), The Independant (Londres) ...
Photo Columbia University
[4] Voir l’article "Les monastères contraints d’afficher des portraits de dirigeants communistes chinois", du 30/01/2012.
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