Les attaques contre les médias violent les engagements olympiques
mardi 21 août 2007 par Monique Dorizon
– A un an de l’ouverture des Jeux Olympiques de 2008 à Pékin, le gouvernement chinois continue de violer les engagements qu’il a pris vis-à-vis du Comité International Olympique sur la liberté de la presse, en continuant à harceler, intimider et arrêter des journalistes étrangers et leurs collègues chinois, selon un nouveau rapport de Human Rights Watch publié le 7 août 2007.
Le rapport de 40 pages ("Vous serez harcelés et détenus : infractions à la liberté de la presse en Chine à un an des Jeux Olympiques de 2008 de Pékin" (publié en anglais sous le titre : "You Will Be Harassed and Detained : Media Freedoms Under Assault in China Ahead of the 2008 Beijing Olympic Games"), documente la façon dont les autorités chinoises ont à maintes reprises fait obstruction au travail de journalistes étrangers cette année, bien que la Chine ait adopté le 1er janvier des réglementations temporaires pour respecter les promesses faites au Comité International Olympique (CIO) de garantir la liberté des journalistes. Le rapport s’appuie sur des entretiens et des informations fournies par 36 journalistes chinois et étrangers en juin 2007.
"Les tentatives du gouvernement chinois d’intimider et de détenir des journalistes étrangers simplement parce qu’ils font leur travail traduisent un mépris des valeurs humanistes de l’olympisme", a déclaré Brad Adams, directeur Asie à Human Rights Watch. "Le harcèlement et les détentions de journalistes donnent a penser que la promesse olympique de Pékin de respecter la liberté des médias était davantage une manœuvre de relations publiques qu’une initiative politique sincère".
En 2001, dans le cadre de sa candidature pour les Jeux Olympiques de 2008, Pékin a assuré le CIO que le gouvernement assouplirait sa mainmise traditionnelle sur les journalistes locaux et étrangers pendant les Jeux Olympiques. Cet engagement à élargir la liberté des médias correspond à l’obligation des villes qui accueillent les Jeux Olympiques de respecter l’Article 51 de la Charte olympique du CIO, qui stipule que le CIO devrait prendre "toutes les mesures nécessaires afin d’assurer aux Jeux Olympiques la couverture la plus complète par les différents moyens de communication et d’information ainsi que l’audience la plus large possible dans le monde".
Parmi les autorités chinoises qui ont réitéré l’engagement du gouvernement de respecter la liberté des médias pendant la période olympique se trouve le Premier Ministre Wen Jiabao. En avril, Wen a déclaré à l’agence de presse chinoise officielle Xinhua que "la liberté des journalistes étrangers dans la couverture des informations sera également assurée".
Dans le cadre de ses engagements auprès du CIO, le gouvernement chinois a annoncé en mai 2007 de nouvelles libertés pour les journalistes étrangers accrédités en Chine dans le "Guide des services pour les médias étrangers" publié sur le site Internet du Comité d’organisation des Jeux Olympiques de Pékin. Le guide déclare que "les règlements sur les Activités des journalistes étrangers qui rapportent des informations s’appliqueront à la couverture des Jeux Olympiques de Pékin et à la période préparatoire, ainsi qu’aux questions politiques, économiques, sociales et culturelles de la Chine, par des journalistes étrangers, en conformité avec les lois et réglementations chinoises". Les règlements temporaires, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 jusqu’au 17 octobre 2008, autorisent les journalistes étrangers à conduire librement des entretiens avec tout citoyen ou toute organisation chinoise qui y consent. Les règlements n’étendent pas ces mêmes libertés aux journalistes chinois. (Pour consulter la réponse de Human Rights Watch au "Guide des services pour les médias étrangers", cliquez ici.
Certains journalistes étrangers interrogés par Human Rights Watch ont affirmé que depuis le 1er janvier, les nouveaux règlements avaient de fait élargi leur accès à certains fonctionnaires dissidents et normalement méfiants vis-à-vis des médias. Mais d’autres ont témoigné que leurs efforts de couverture demeurent régulièrement entravés par des fonctionnaires, des officiers de police et des voyous en civil qui prétendent ne pas connaître les nouveaux règlements ou les ignorent délibérément.
Obstruction officielle à l’encontre de journalistes étrangers
Les journalistes étrangers ont été le plus souvent harcelés, détenus et intimidés pour avoir enquêté sur des histoires jugées sensibles par le gouvernement chinois, comme par exemple la situation des dissidents politiques, le Tibet, l’épidémie de SIDA ou sur des problèmes de "stabilité sociale" en particulier tout ce qui touche à des manifestations ou des émeutes contre les autorités locales.
Mais les agents du gouvernement ne limitent pas leur obstruction des efforts de comptes-rendus légaux de la part de journalistes étrangers à des sujets jugés "sensibles" par le gouvernement chinois. Dans un cas, un journaliste étranger réalisant un reportage d’entreprise préalablement approuvé sur une usine d’Etat s’est trouvé confronté à un responsable local du Parti communiste chinois, qui a soutenu que l’existence même de l’usine constituait un "secret d’Etat" et qui a harcelé le reporter tout au long de sa visite. Au cours d’un autre incident, une photographe étrangère et son collègue ont été suivis et intimidés pendant une journée entière par un groupe d’individus en civil, alors qu’ils réalisaient un reportage sur un tueur en série condamné et mort depuis longtemps.
Dans deux autres incidents au début de cette année, des individus en civil (soupçonnés par les journalistes d’être des policiers en civil) ont violemment poussé, bousculé et tenté d’arrêter deux journalistes en plein centre de Pékin et sous les yeux de membres de la sécurité d’Etat en uniforme qui sont restés impassibles. L’agression a eu lieu alors que les journalistes tentaient de couvrir les tentatives de porteurs de pétitions venus de la campagne demander réparation auprès du gouvernement, pour des problèmes relatifs à des confiscations illégales de terres et à la corruption de fonctionnaires.
De façon alarmante, certains correspondants ont dit à Human Rights Watch que le ministre chinois des Affaires étrangères s’était lui-même livré à des actes d’intimidation pour décourager des reportages indésirables. Dans un cas, le ministère des Affaires étrangères a fait activement pression sur une agence de presse étrangère basée à Pékin pour saborder la couverture d’un sujet "sensible" par un de ses bureaux en dehors de la Chine, et a exercé des représailles en refusant un visa de travail quand l’agence de presse a refusé de s’exécuter.
Human Rights Watch a déclaré que ces violations des règlements temporaires, ainsi que d’autres qui se produisent actuellement, soulèvent des questions préoccupantes sur la liberté et la sécurité des plusieurs milliers de journalistes qui sont attendus en Chine pour couvrir les Jeux Olympiques.
"Le gouvernement chinois a encore un an pour redresser cet état de fait et démontrer qu’il ne s’agissait pas de promesses creuses", a declaré Adams. "La communauté internationale toute entière attend que Pékin honore les promesses faites au Comité International Olympique".
Discrimination contre des journalistes chinois
Le rapport documente également la surveillance et les pressions de plus en plus étroites auxquelles sont en butte les Chinois qui sont assistants, chercheurs, traducteurs ou sources de journalistes étrangers dans la période préparatoire aux Jeux Olympiques de 2008 à Pékin. Il détaille la façon dont le gouvernement chinois garde la mainmise sur les activités des journalistes chinois, qui sont exclus intentionnellement des nouveaux règlements temporaires, et censure strictement les diffusions d’informations locales afin qu’elles respectent les objectifs de propagande officielle.
"Il est hypocrite de la part du gouvernement de refuser aux journalistes chinois les libertés même limitées dont bénéficient leurs collègues étrangers", a déclaré Adams. "Le refus de Pékin de garantir des libertés équivalentes aux journalistes chinois non seulement viole la liberté d’expression, mais constitue également une forme de discrimination à l’encontre de ses propres citoyens, en particulier du fait que la constitution chinoise elle-même garantit la liberté de la presse".
Source : Human Rights Watch
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