"Leaving Fear Behind"
lundi 11 août 2008 par Monique Dorizon
A l’hôtel Golden Silver Street de Pékin, le 6 août 2008, "Leaving Fear Behind" ("Surmonter la peur” - “Jigdrel” en tibétain), film tourné en secret au Tibet entre novembre et mars de cette année par un Tibétain amateur, a été projeté à des journalistes étrangers.
Ce film de 25 minutes, "reproduit les avis au sein du Tibet sur la domination chinoise, sur l’importance et le symbolisme des Jeux olympiques et sur le retour du Dalaï Lama".
Une équipe de réalisateurs autodidactes du Tibet oriental : Dhondup Wangchen, qui a travaillé pour ce film sous le nom de code "Jigme" (= "Sans Peur" en tibétain), paysan, et son ami moine Golog Jigme, ont réalisé plus de 35 heures d’interviews de Tibétains autour de trois thèmes : la domination chinoise au Tibet, les Jeux olympiques de Pékin et le Dalaï Lama, afin de dire au monde leur situation critique et leurs sincères griefs contre la loi chinoise.
Avec une caméra vidéo d’une valeur de 300 dollars américains, et sans réelle expérience, en moto, ils sont allés à la rencontre des Tibétains dans les endroits les plus reculés du Tibet oriental et du plateau tibétain.
Dès le début, leur objectif était de faire entendre les voix des Tibétains aux Jeux de Pékin. "Il est très difficile pour les Tibétains de se rendre à Pékin et d’y faire entendre leur voix. C’est pourquoi nous avons décidé de montrer par le biais de ce film les véritables opinions des Tibétains au coeur du Tibet" fait remarquer le réalisateur Dhondup Wangchen dans son film.
Ce sont 108 interviews qui ont été réalisées d’octobre à mars 2008, peu de temps avant la vague de manifestations du printemps.
Les producteurs du film ont proposé aux Tibétains interrogés de voiler leur visage, mais la presque totalité a refusé.
Dans le film, vingt personnes, agriculteurs, hommes d’affaires, étudiants, nomades et moines, de tous âges, s’expriment à visage découvert au prix d’un énorme risque personnel, considérant que "sinon ça ne valait pas la peine de les interviewer", si fort était leur désir de contrer la version des faits de Pékin au sujet du Tibet. Dhondup Wangchen intervient lui-même dans le film à visage découvert.
Ils parlent tous d’oppression et de discrimination, de la détérioration et de la marginalisation de la langue et de la culture tibétaines, la destruction du mode de vie des nomades tibétains à cause des politiques de sédentarisation forcée [1], le manque de liberté religieuse, la diffamation du Dalaï Lama et les promesses non tenues du gouvernement chinois d’améliorer la situation au Tibet pour les Jeux olympiques. Toutes ces interviews expriment un profond respect envers le Dalaï Lama et l’attente de son retour, voire qu’il assiste aux Jeux olympiques.
Quelques citations des personnes interviewées :
"En fait, nous nous féliciterions des Jeux mais beaucoup de choses sont déformées. La Chine a pu accueillir les Jeux à condition que la situation en Chine et au Tibet s’améliore".
"... vu de l’extérieur, l’on pourrait penser que les Tibétains sont très bien traités et qu’ils sont heureux. Mais la vérité, c’est que les Tibétains ne sont pas libres de parler de leur souffrance".
"Pour chaque Tibétain, il y a dix à quinze Chinois. Les Chinois sont partout dans ces régions tibétaines".
"Même si je devais sacrifier ma vie pour ce message pour être vu par le Dalaï Lama, je suis d’accord de le faire et je profite de l’occasion".
Leur courage à témoigner ainsi que celui de Dhondup Wangchen et de ses associés, a inspiré le titre du film : "Surmonter la peur”.
Le 10 mars 2008, les cassettes du film ont été envoyées en Suisse.
Dhondup Wangchen et Golog Jigme ont été arrêtés le 26 mars 2008.
Dhondup Wangchen (37 ans) a été vu pour la dernière fois détenu à Guangsheng Binguan à Xining (Qinghai), et Golog Jigme dans un centre de détention de la ville de Lingxia (Gansu)
Le montage du film a été réalisé par Gyaljong Tsetrin, cousin de Dhondup Wangchen, exilé du Tibet depuis 2002. "Filming for Tibet" a été fondé par ses soins afin de produire ce film.
Le film a été présenté à la presse de New Delhi le 8 août 2008 par l’association des journalistes tibétains réfugiés en Inde en présence du frère et de Lhamo Tso, 35 ans, épouse de Dhondup Wangchen. Celle-ci réfugiée à Dharamsala avec leurs quatre enfants depuis plus d’un an, a appris l’arrestation de son mari en même temps que ses activités. Elle ignorait tout de la réalisation de ce film. A la suite de la projection à la presse, elle a, dans un sanglot, réclamé la libération de son mari : "Dhondup a passé son temps à aider les autres et à servir la communauté. C’est un bon mari et un bon père pour nos 4 enfants. J’appelle le gouvernement chinois à libérer Dhondup. Je demande instamment au Comité International Olympique d’user de son influence sur la Chine pour que le pays d’accueil des Jeux olympiques respecte sa promesse de liberté d’expression pour son peuple".
Dorjee Wangchen, 31 ans, le plus jeune frère de Dhondup, prend aussi la parole :
"Ce qu’il a fait est un acte très courageux. Nous avons connu un grand dilemme car la projection de ce film peut conduire à la condamnation de mon frère et de son ami Golog Jigme à de nombreuses années derrière les barreaux chinois. Mais après avoir vu le film et la forte détermination de mon frère, la seule possibilité qui s’offrait à nous était de montrer au monde les sentiments réels des Tibétains de l’intérieur du Tibet".
Extraits du film sur Daily motion
Récit de la projection à Pékin
Photos sur aujourdhuilinde.com et Phayul
Sources : newswire.ca, www.leavingfearbehind.com et Phayul, 6 - 9 août 2008
Pour intervenir en leur faveur vous pouvez écrire aux autorités chinoises en suivant l’exemple de cette action Tibet Lib
[1] Voir également l’article de Françoise Robin "Sédentarisation et relocalisation expéditives"
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