Le changement climatique menace les plantes alpines rares du Tibet
lundi 19 octobre 2015 par Monique Dorizon , Rédaction
Chaque printemps, survient une explosion de couleurs dans le Daxue Shan, chaîne de montagnes du plateau tibétain oriental. Plus le terrain monte vers les sommets enneigés, plus les arbustes font place à des prairies alpines emplies de petites fleurs jaunes et violettes.
Depuis l’époque coloniale, des botanistes occidentaux ont voyagé dans les régions montagneuses de la Chine, de l’Inde et de la Birmanie à la recherche de plantes et de fleurs rares. Certains de leurs spécimens transhimalayens sont maintenant entreposés dans des organismes botaniques à travers l’Europe et les États-Unis.
Pourtant, aujourd’hui, une poignée de scientifiques qui se rendent dans les régions montagneuses de l’Asie ont un nouvel objectif : sonder les effets du changement climatique mais aussi d’autres facteurs sur les écosystèmes des alpages. Leur recherche émergente suggère que des arbustes alpins colonisent les prairies, et que les plantes alpines progressent vers le haut des montagnes à la recherche de températures plus fraîches et de nouveaux habitats.
"Comme ces prairies disparaissent, des espèces disparaissent", a déclaré Jodi Brandt, professeure à l’Université de Dartmouth aux États-Unis qui étudie les dynamiques écologiques alpines dans le sud-ouest de la Chine.
Jodi Brandt et d’autres scientifiques ont rapporté l’année dernière qu’au moins 39 % des prairies alpines étudiées étaient passées de prés à arbustes dans un lieu d’étude au nord-ouest de la province du Yunnan entre 1990 et 2009.
Leur étude, dans la revue "Conservation de la Biodiversité" affirme que cela semble correspondre à une transformation plus générale des espaces d’herbacées en écosystèmes "d’arbustes dominants" se produisant dans la région. Une part de l’explication viendrait de la diminution de la couverture de neige qui donne souvent aux arbustes un avantage concurrentiel sur les plantes herbacées.
Et dans un document de février 2014 de la revue Human Ecology, Jodi Brandt et d’autres scientifiques annoncent un recul de près de 70 % de la superficie en prairie entre 1974 et 2004 dans le parc national Jiuzhaigou dans la province du Sichuan. Jodi Brandt dit que dans ses lieux d’étude, le changement climatique semble être l’une des nombreuses causes de la diminution de la prairie, avec le surpâturage des yaks.
Les causes présumées sont tellement imbriquées qu’il est difficile de savoir laquelle a l’impact le plus important. Cependant, "si les arbustes prenaient le relais partout, les Tibétains devraient abandonner leur pratique de l’élevage. Et l’élevage de yaks pour les Tibétains est un élément culturel très fort", constate Jodi Brandt. Les plantes arbustives sont généralement considérées comme moins nutritives que les plantes de prairie alpine, et les yaks qui y paissent produisent généralement du lait de qualité inférieure.
Les alpages, qui se trouvent au-dessus du niveau des arbres, mais en dessous de la neige, fonctionnent comme des "éponges" absorbant la fonte des neiges et agissent comme des châteaux d’eau naturels. Généralement, ils renferment une grande richesse d’espèces et sont emplis de plantes bien adaptées à des climats rudes (…)
Sur certaines montagnes, les prairies alpines fournissent les feuilles, les tubercules et les rhizomes pour les médicaments traditionnels (…). Mais, bien que les plantes alpines soient bien adaptées aux climats froids, les scientifiques disent qu’elles ont aussi tendance à être très sensibles aux changements climatiques (...)
De nouvelles recherches en Asie semblent appuyer l’hypothèse émergente que le changement climatique est un facteur clé de l’embroussaillement des prairies alpines, et que le réchauffement pourrait menacer la survie des plantes alpines rares (…)
Généralement, dans l’Himalaya, les scientifiques préfèrent se concentrer sur les rivières et les menaces écologiques potentielles posées par les barrages hydroélectriques. Relativement peu d’attention est portée à la dynamique des communautés végétales, en partie parce que mener des recherches dans les chaînes himalayennes reculées nécessite un trekking dans un terrain escarpé et jusqu’à 5 000 mètres.
La perte de davantage de plantes alpines serait une grande perte pour le monde entier parce que ces espèces n’ont pas été scientifiquement étudiées en détail.
En Chine, le gouvernement a donné plus de 1 milliard de yuans (140 millions d’euros environ) par an depuis 2000 pour des projets d’adaptation au changement climatique, selon Xu Jianchu, coordinateur régional pour l’Est et l’Asie centrale au Centre mondial d’agroforesterie.
Il ajoute que le gouvernement canadien avait également engagé près de 1,5 million de dollars (1 million d’euros environ) entre 2012 et 2015 pour un projet visant à améliorer la gouvernance de l’eau à travers les hauts plateaux d’Asie en réponse au changement climatique.
Xu avertit que le changement climatique est uniquement l’un des nombreux facteurs complexes qui influencent le changement de l’écosystème alpin, et que l’approfondissement des connaissances et des réponses à l’évolution des conditions locales devrait être une priorité politique essentielle. Mais il dit aussi qu’il y a souvent en Chine un décalage entre la recherche développée sur les régions alpines et les politiques menées au niveau du village pour les gens qui y vivent.
"Nous manquons de messagers qui porteraient notre message aux communautés locales", a déclaré Xu.
Sources : Tibet Nature Environmental Conservation Network, Earth journalism Network, 13 juin 2014.
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