Le Dalaï Lama demande au parlement tibétain en exil d’accepter sa démission
mercredi 16 mars 2011 par Rédaction
Le parlement tibétain en exil a ouvert le 14 mars 2011 une session historique avec la lecture d’une requête officielle du Dalaï Lama [1] demandant expressément à être déchargé de ses fonctions politiques au sein du mouvement tibétain.
Dans cette lettre adressée aux parlementaires le prix Nobel de la paix âgé de 75 ans met en garde contre un report de la décision de l’assemblée concernant sa retraite politique, estimant que cela pourrait poser à l’avenir "un défi écrasant". [2]
Il estime que le mouvement tibétain est désormais suffisamment mûr pour élire directement un nouveau chef du gouvernement tibétain en exil. [3]
"Si nous devons encore rester en exil pendant plusieurs décennies, il y aura inévitablement un moment où je ne serai plus capable d’assurer la gouvernance", écrit-il dans sa lettre lue par le président du parlement.
"Il est par conséquent nécessaire d’établir un système de gouvernance tant que je suis encore en bonne santé pour que l’administration tibétaine en exil puisse être autonome plutôt qu’elle soit dépendante du Dalaï Lama", poursuit-il.
"Si nous sommes capables de mettre en place un tel système à partir de ce moment, je pourrai encore aider à résoudre des problèmes si je suis appelé à le faire", a souligné le Dalaï Lama.
"Mais si la mise en place d’un tel système est reportée et si un jour ma gouvernance n’est soudain plus possible, l’incertitude en découlant pourrait présenter un défi écrasant", a-t-il mis en garde. [4]
Lors d’un débat historique le 15 mars, environ deux tiers des parlementaires ayant pris la parole se sont prononcés contre un amendement constitutionnel permettant d’acter la retraite politique du Dalaï Lama [5].
Plusieurs membres ont suggéré un referendum destiné aux 200 000 membres de la communauté en exil, tandis que d’autres ont recommandé une voie intermédiaire où le Dalaï Lama resterait le dirigeant politique avec une assemblée assumant de plus grandes responsabilités.
Un vote sur l’amendement de la constitution devrait intervenir dans la semaine avant l’élection du nouveau Premier ministre dimanche 20 mars, qui était prévue de longue date.
L’actuel Premier ministre en exil, Samdhong Rinpoche, a toutefois déclaré le 15 mars que le Kashag "le coeur gros, n’a pas d’autre alternative que de suivre les indications de Sa Sainteté le Dalaï Lama". Il a cependant ajouté que ces décisions pourraient ne pas être acceptées par le Parlement.
Un Comité de sept membres, dirigé par le Porte-parole M. Penpa Tsering, a été constitué le 15 mars. Ce Comité a pour but d’analyser les commentaires de l’ensemble des Députés pour décider de la suite des actions.
Sources : AFP, Phayul (divers), Tibet.net, 11 au 15 mars 2011
[1] Le Dalaï Lama a annoncé dans un message diffusé le 10 mars son intention de renoncer à son rôle de chef du gouvernement tibétain en exil, essentiellement symbolique, pour laisser la place à un nouveau dirigeant "librement élu". Mais il a assuré qu’il n’abandonnait pas son rôle principal, celui de chef spirituel. Il a aussi insisté sur le fait qu’il ne se retirait pas de la vie publique et qu’il continuerait "à jouer son rôle pour la juste cause du Tibet".
Ce n’est pas la première fois que le Dalaï Lama demande à être déchargé de ses responsabilités politiques officielles et le parlement a rejeté plusieurs requêtes en ce sens dans le passé en estimant qu’il n’y avait personne ayant la même la stature que lui pour le remplacer.
Déjà en 1969, le Dalaï Lama mentionnait dans son discours du 10 mars "Quand le jour viendra pour le Tibet d’être dirigé par son propre peuple, ce sera au peuple de décider quelle forme de gouvernement il souhaite avoir. Le système de gouvernance par la lignée des Dalaï Lamas pourra être ou ne plus être en place. En particulier l’opinion des plus jeunes générations sera un facteur essentiel d’influence".
De la même façon, en 1988, il ajoutait "Comme je l’ai dit de nombreuses fois, même la poursuite de l’institution du Dalaï Lama doit être décidée par le peuple. Depuis les années ’80, j’ai répété à maintes reprises au Kashag, à l’ATPD (Assemblée des Députés du Peuple Tibétain), et au public que les tibétains doivent prendre leur pleine responsabilité dans l’administration et le bien-être du peuple, comme si le Dalaï Lama n’était plus présent".
Voir le texte en anglais de cette lettre du Dalaï Lama dans laquelle il fait un rappel de l’histoire du Tibet des origines jusqu’aux décisions prises pour une démocratisation du Tibet en exil, avec la création en 1960 (soit quelques mois après l’exil) d’une Commission des Députés du Peuple Tibétain, qui a préparé une Constitution pour préparer l’avenir du Tibet, présentée en 1963.
En 1990, une Charte des Tibétains en exil a été promulguée, et cette Charte a été officiellement adoptée par la 11ème Assemblée des députés du peuple tibétain en 1991.
En 2001, les Tibétains en exil ont élu pour la première fois le Kalon Tripa, équivalent du Premier Ministre. A partir de ce moment là, le Dalaï Lama a annoncé qu’il "se mettait en demi retraite", n’assumant plus les décisions au jour le jour, mais seulement pour des points ponctuels importants.
[2] Dans cette lettre, le Dalaï Lama indique :
"Maintenant, une décision sur ce sujet important ne devrait plus être repoussée. Tous les amendements nécessaires à la Charte et aux autres règlements devraient être faits pendant cette session, de façon à ce que je sois complètement relevé de mon autorité formelle"
[3] Trois candidats à la tête du gouvernement en exil sont en lice :
M. Lobsang Sangay, un universitaire actuellement à l’Ecole de droit de Harvard,
M. Tenzin Tethong, ancien représentant du Dalaï Lama à New York et Washington, et
M. Tashi Wangdi, qui a occupé plusieurs portefeuilles du gouvernement en exil au fil des ans, et plus récemment le poste de représentant pour la France, le Benelux et la péninsule ibérique jusqu’à début 2011.
Lors d’un débat organisé le 13 mars par Radio Free Asia, basée aux Etats-Unis, les trois candidats ont cependant émis des réserves sur le remplacement politique du Dalaï Lama et l’ont appelé à reconsidérer sa décision.
[4] Dans sa lettre du 11 mars 2011, le Dalaï Lama mentionnait :
"Bien que l’’article 31 de la Charte des Tibétains en exil prévoie un conseil de régence, cela a été formulé seulement comme une mesure temporaire basée sur les anciennes traditions. Elle ne prévoit pas de disposition pour instituer un système de direction politique sans le Dalaï Lama. Par conséquent, des amendements à la Charte à cette occasion doivent se conformer au cadre d’un système démocratique dans lequel la direction politique doit être élue par le peuple pour un mandat limité.".
(Traduction non officielle)
[5] L’Assemblée tibétaine en exil compte jusqu’en 2011 46 membres :
- 10 membres pour chacune des trois régions d’origine du Tibet (U-Tsang, Amdo, Kham), soit 30 Députés
- 10 membres représentent les 4 écoles traditionnelles du bouddhisme et la religion Bön. (2 membres pour chaque groupe)
- 2 membres sont élus pour représenter les Tibétains en Europe
- 1 membre est élu pour représenter les Tibétains en Amérique.
- (de 1 à) 3 personnes sont désignées par le Dalaï Lama pour représenter les secteurs des arts, de la science, de la littérature et des services pour la communauté.
A partir de la XVème législature, prenant effet en sept. 2011, il y a 42 députés répartis en :
- 28 pour les 3 provinces du Tibet
- 8 pour les 4 écoles bouddhistes
- 2 pour la religion Bön
- 2 pour l’Amérique nord.
- 2 pour l’Europe
Le Parlement est élu pour une période de cinq ans et siège en principe 2 fois par an (tous les 6 mois), bien que des sessions extraordinaires puissent être convoquées. En-dehors de ces sessions, il subsiste néanmoins un Comité permanent de 12 membres (2 pour chaque province, 1 pour chaque école et 1 nommé par le Dalaï Lama)
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