La Chine réduit au silence Drolmakyi, chanteuse tibétaine
mardi 10 juin 2008 par Monique Dorizon
Drolmakyi, chanteuse, très connue dans la région de Dawu, Préfecture de Golog, âgée de 31 ans, est membre du Conseil gouvernemental local.
Elle a grandi en gardant les yaks dans les montagnes et n’a pas
oublié ses racines de nomade.
Dans un cabaret, elle et ses amis chantent avec nostalgie le passé
tibétain.
"Elle chante avec son cœur" dit sa mère Caito qui insiste sur le
fait que la musique de Drolmakyi n’était pas politique. "Ma fille
disait que nous devions garder la culture et la langue tibétaines.
C’est tout".
Le 30 mars, les autorités ont arrêté Drolmakyi alors qu’elle étendait
du linge sur le balcon de son appartement. Elle n’a pas pu dire au
revoir à ses trois enfants, âgés de 9 à 13 ans qui jouaient dehors.
Ils sont rentrés. Leur mère était partie.
Au moins 6 autres personnes liées à la culture tibétaines ont été
arrêtées au cours des derniers mois dans des circonstances
semblables, sans accusations particulières. Les familles et les amis
disent avoir obtenu leur libération en payant des sommes importantes
et promettant de rester tranquilles.
La ville de Dawu (en chinois : Maqèn sur Google Maps ou sur maps.live.com), n’a connu aucune des manifestations qui se sont multipliées dans les régions tibétaines depuis la mi mars. Ces
personnes arrêtées n’ont pas été directement impliquées dans les
manifestations.
La Préfecture de Golog est une enclave de 120 000 Tibétains et moins de 10 000 Chinois dans la Province chinoise de Qinghai. Cet endroit retiré, situé à au moins 12 heures de la plus proche gare par une route partiellement non pavée, connaît une influence chinoise minimum.
Jusqu’en mars, les Tibétains de Golog jouissaient d’une liberté
relative. Derrière la caisse de la plupart des restaurants était
accroché le portrait du Dalaï Lama, dont l’image est interdite dans
beaucoup d’autres régions. Les boutiques proposaient ouvertement des
posters et des médaillons portant la photo du Dalaï Lama et même des
copies de ses discours.
La musique tibétaine traditionnelle connaissait une renaissance,
particulièrement un style nouveau qui fut initié en Amdo dans les
années 80, appelé "dunglen". Les chansons sont lentes, tristes,
hypnotiques et parlent invariablement d’amour perdu ou de tragédie.
L’exil du Dalaï Lama et la perte de l’identité tibétaine sous la loi
communiste chinoise étaient des sujets parfaits pour ce style de
musique.
"De plus en plus, au cours des dernières années, les gens chantaient
le Dalaï Lama. Je pense que c’était parce que les Tibétains ne sont
tout simplement pas heureux avec les Chinois" dit un vendeur de
vidéo et CD dans un stand sur le marché principal de Dawu.
Selon Donzhub, jeune homme jouant occasionnellement dans le cabaret de Drolmakyi, endroit aux boutons de lotus et autres symboles
bouddhistes colorés peints sur les murs : "Nous avions l’habitude
de chanter sur des sujets dont nous ne pouvons pas parler".
Drolmakyi était impatiente d’apporter un peu de culture dans une
ville où la vie nocturne était absente. Elle utilisait aussi cet
endroit comme lieu d’apprentissage pour les femmes tibétaines
illettrées, leur apprenant à chanter afin qu’elles acquièrent leur
indépendance financière.
Drolmakyi, séparée de son mari, vivait dans les montagnes jusqu’à ces
cinq dernières années. Elle avait acheté un appartement pour sa mère
et ses enfants de telle sorte que les enfants puissent aller à
l’école. Elle-même n’a que très peu d’éducation et a appris à lire et
écrire par elle-même.
Ce qui a amené à l’arrestation de Drolmakyi demeure inconnu car la
famille n’a jamais été informée d’accusation quelconque.
"Rien, rien, rien. Ils ne nous ont rien dit" dit sa mère dans une
interview donnée dans le salon familial dominé par une grande photo
de Lhassa. "C’est comme si elle avait disparu".
La mère dit qu’elle avait entendu que Drolmakyi avait fait une
esquisse du drapeau tibétain lors de l’une de ses interventions au
cabaret. D’après l’article 105 du Code criminel chinois, on peut être
condamné pour "incitation à la subversion du pouvoir d’Etat" pour
avoir critiqué la loi chinoise.
Selon sa famille et ses amis, fin mai, Drolmakyi a été autorisée à
rentrer chez elle après presque deux mois de détention. Une de ses
amies croit qu’une des conditions de la libération était que
Drolmakyi n’apparaisse plus en public ou ne parle pas de son
arrestation.
Les fonctionnaires de la sécurité publique ne répondent pas aux
demandes d’explication réitérées par fax ou par téléphone.
Parmi ceux qui ont été arrêtés à peu près en même temps que Drolmakyi figurent Jamyangkyi, une chanteuse très connue, Dabe un comédien célèbre pour sa barbe et ses long cheveux descendant jusqu’aux épaules, a été détenu pendant presque un mois avant d’être libéré fin avril, la tête rasée. Palchenkyab, à la tête d’un projet littéraire pour les nomades et un professeur de l’une de ses écoles ont été arrêtés. Lhundrup, musicien ayant enregistré une vidéo de musique populaire qui faisait référence indirectement à la fuite du Dalaï Lama en Inde, a lui aussi été arrêté.
Les seules nouvelles des arrestations à sortir de Chine se trouvaient
sur le blog de Woeser, poète tibétaine, assignée à résidence pendant une semaine en mars et dont le blog a été régulièrement attaqué par des hackers.
A Dawu, il est aisé de voir des exemples de changements de
comportement survenus après les arrestations. Les boutiques de
musiques alignées le long du marché principal ne proposent plus les
CD et vidéos des chanteurs arrêtés. On ne propose plus à la vente de
photos du Dalaï Lama. Même dans les maisons, on a caché ces photos.
Des gens ont peur de parler aux premiers journalistes étrangers venus
depuis le début des troubles en mars.
"Vous ne savez jamais quand la police va venir" dit Cebu, berger
tibétain de 50 ans.
Source : Phayul, citant le Los Angeles Times 9 juin 2008
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