Je ne voudrais pas que vous pensiez que c’est une obsession
lundi 28 mars 2011 par Rédaction , Jean-Paul Ribes
Je ne voudrais pas que vous pensiez que c’est une obsession, mais il est une question qui tourne en boucle dans mon esprit : s’il faut quarante huit heures à un nuage radioactif pour se déplacer d’est en ouest, combien de temps faudra-t-il au souffle de la démocratie pour accomplir le chemin en sens inverse ? En clair de Tunis à Pékin.
Le plus étonnant, c’est que la belle virevolte de Nicolas Sarkozy (j’ai retardé ce commentaire jusqu’après les cantonales pour ne pas "faire de politique politicienne") comporte encore une part de non dit - ou de non pensé - qu’il nous faut tenter de décrypter. Lorsque le président français martèle à Bruxelles le 24 mars : "dans quelque pays que ce soit, nous n’admettrons pas qu’une armée s’oppose par la violence à des citoyens qui réclament pacifiquement leur liberté" [1] , comment peut-il être court en mémoire au point d’oublier les chars de l’armée chinoise tirant sur les étudiants de la place Tienanmen ou les brigades de la police armée chinoise matraquant à mort les moines dans les rues de Lhassa ? Il faudrait donc en bonne logique, condamner de façon quasi quotidienne un pouvoir qui passe à tabac un moine qui s’immole par le feu [2] , punit de dix ans de prison un dissident qui parle de jasmin sur internet [3], envoie au peloton d’exécution quatre militants ouighours [4] et s’inquiète ouvertement du progrès de la revendication démocratique au Maghreb et au Proche-Orient. Les États-unis sont un peu plus rigoureux que nous le sommes, mais on attend encore la voix occidentale qui dira ouvertement : ce grand pays qu’est la Chine viole chaque jour les valeurs et les principes que nous défendons, parfois sous les ailes de nos avions. Certes, il arrive qu’au détour d’un débat télévisé on entende Jean-Michel Apathie, Claude Askolovitch ou Nicolas Domenach évoquer le cas de la Chine. Mais la question est vite évacuée dans le tsunami quotidien des faux pas de Claude Guéant, des sourires carnassiers de la nouvelle idole de l’extrême-droite ou, pour faire bonne mesure, des vitupérations de notre "grand ami" Mélanchon. Ce qui me donne foi et confiance en l’avenir, c’est ce chantier dans lequel, avec une détermination sans faille, s’est engagé un homme de soixante seize ans [5] pour construire une transition exemplaire, une graine de démocratie capable de servir d’exemple aux plus grands. Car c’est aussi cela que nous dit et nous répète le Dalaï Lama à travers la réforme des institutions de la diaspora tibétaine, le futur c’est maintenant, [6] et il est urgent d’appliquer très concrètement à nous-même, à notre sphère sociale propre, cette méthode qu’est la démocratie, et à en améliorer constamment les orientations (résolution pacifique des conflits, justice sociale, entre autres). Qu’ils le veuillent ou non, voilà nos amis tibétains, après tant d’épreuves dont ils sont sortis vivants, chargés d’une nouvelle tâche. Au-delà de la libération du Pays des neiges, il leur faudrait jouer les images d’Épinal, les bons élèves de la classe, les démocrates bodhisattvas ? C’est trop, trop vite, diront certains. J’en parlais l’autre jour avec Tenam. Après la destruction du Temple de Jérusalem, nous demandions-nous, combien de temps a-t-il fallu au peuple juif pour s’établir en diaspora et à quel coût ? Mais nous avons changé d’époque : tout s’accélère, le monde entend la voix du Dalaï Lama et le message du Dharma, un puissant courant mondial soutient la cause tibétaine, la revendication démocratique fleurit là où on ne l’attendait pas. Tout en maintenant au plus haut ses actions de revendication et de solidarité, le mouvement tibétain et ceux qui le soutiennent, loin de désespérer, doivent intégrer la nouvelle donne mondiale. Pour notre part, essayons de porter ces analyses auprès de ceux qui nous gouvernent. J’ai encore en mémoire l’image d’Alain Juppé assis à côté de Bernard Kouchner, de Carla Bruni-Sarkozy et de Rama Yade, au premier rang de l’assistance, face au Dalaï Lama lors de l’inauguration du temple de Lerab Ling, le 22 août 2008 [7]. Le premier est aujourd’hui aux Affaires, Quai d’Orsay. Vous voyez ce qu’il vous reste à faire. Jean-Paul Ribes |
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[1] Dans ce discours du 24 mars à 23h à Bruxelles, reproduit (entre autres) sur Dailymotion, on peut entendre à partir de la 22ème minute du discours : "Chaque dirigeant doit comprendre, et notamment les dirigeants arabes, doit comprendre que la réaction de la communauté internationale et de l’Europe sera désormais chaque fois la même. Nous serons du côté des populations qui manifestent sans violence et qui n’ont pas à être réprimées avec violence. Dans toute démocratie, il y a des manifestations, il peut y avoir des violences, malheureusement, mais dans aucune démocratie on ne peut accepter que l’armée soit engagée pour tirer à balle réelle sur des manifestants. C’est une position qui sera celle de la France et qui ne variera pas, quels que soient les pays concernés. Il n’y a aucune raison de faire une différence en la matière.".
Le texte de cette conférence de presse est également disponible sur le site de l’Elysée dont nous tirons cet extrait.
[2] Voir l’article "Un jeune moine s’immole par le feu à Ngaba", du 17/03/2011,
[3] Le dissident chinois Liu Xianbin a été condamné le 25 mars à dix ans de prison pour "subversion" après avoir publié sur internet des articles favorables à l’avènement de la démocratie en Chine, a déclaré à l’AFP sa femme, Chen Mingxian.
Cette peine s’inscrit dans le cadre d’un renforcement de la répression contre les opposants au régime communiste, depuis une série d’appels à des "rassemblements du jasmin" inspirés des soulèvements au Proche-Orient.
"Selon les autorités judiciaires, ces articles calomnient et salissent le Parti communiste chinois et incitent le peuple à renverser ses dirigeants", a expliqué Mme Chen.
La Haut commissaire de l’ONU aux Droits de l’Homme, Navi Pillay a aussitôt condamné cette décision "extrêmement sévère", selon elle, et qui "confirme les limites graves imposées à la liberté d’expression en Chine".
Elle constitue un "nouvel exemple d’une répression grandissante des activités des défenseurs des Droits de l’Homme" dans le pays, a ajouté Mme Pillay dans un communiqué publié à Genève, estimant que le jugement allait contre les récentes déclarations de Pékin sur la nécessité de faire des réformes.
"La dissidence n’est pas un crime", a-t-elle insisté, exhortant les autorités chinoises à "relâcher toutes les personnes détenues pour avoir exercé pacifiquement leur droit d’expression".
[4] Voir l’article "Chine/Ouïghours : exécutions imminentes" sur le site de l’association des Ouighours de France, où est mentionné l’exécution imminente de 4 Ouighours, alors que deux autres condamnés attendent le même sort. En tout plus de 25 personnes ont été exécutées ou condamnées à mort depuis les troubles au Turkestan oriental (Xinjiang) de 2009.
[5] Le Dalaï Lama fêtera selon notre calendrier ses 76 ans le 6 juillet 2011, mais pour les Tibétains, l’âge se compte à partir de la conception, donc 9 mois plus tôt. Il a donc déjà 76 ans !
[6] "le futur c’est maintenant" est le titre d’un livre de Sa Sainteté le XVIIème Karmapa, Editions Claire-Lumière, mars 2010.
256 pages, broché, 24 €
ISBN : 2905998946
[7] Voir l’article "Résumé de la visite de SS le Dalaï Lama, des JO, et des manifestations", du 8/09/2008
Forum
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Je ne voudrais pas que vous pensiez que c’est une obsession28 mars 2011, par Rédaction
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Rédaction Tibet-info.-
Je ne voudrais pas que vous pensiez que c’est une obsession29 mars 2011, par marin claudy
merci à Jean Paul Ribes pour la force de son message
il est vrai que pour le Tibet, tout semble en apparence terminé sinon figé mais nous voulons croire que sa sainteté le DalaÎ Lama a porté comme nul autre, à ce qu’il m’en souvienne, son peuple dans son chemin de douleurs et d’espérance
je ne me souviens pas qu’un chef d’état ait tant fait et fait toujours afin que les siens demeurent dans notre mémoire ainsi que dans nos coeurs
puisse que ce qu’il a su construire matérièlement, spirituèlement et moralement demeurer un exemple pour nos démocratiesune lumière a sue briller, ne l’oublions pas
merci
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