Huit moines tibétains condamnés à la prison pour un attentat

Huit moines tibétains du monastère de Thangkya (Ch. : Tongxia) arrêtés en avril 2008, [Noms des personnes arrêtées] ont été condamnés à des peines de prison, dont deux à perpétuité [1], pour un attentat au Tibet durant les émeutes du mois de mars, a-t-on appris le 15 octobre de source judiciaire.
"Ils ont été reconnus coupables d’être à l’origine d’une explosion dans un édifice du gouvernement du district de Gyanbe [2] (ch. Xiangpi)", a déclaré à l’AFP Zhang Weilai, juge au tribunal de Chamdo.
M. Zhang a précisé que l’un des moines avait été condamné à la prison à vie, mais a refusé d’en dire plus, indiquant simplement que les moines n’avaient pas fait appel.
Selon Free Tibet Campaign, citant une source anonyme fiable de la région, deux moines ont été condamnés à la prison à vie et les autres ont écopé de peines allant de 5 à 15 ans de prison.
Le groupe a affirmé que les moines, âgés de 19 à 31 ans, n’ont pas pu être assistés d’avocats ni voir leurs familles.
Les médias officiels chinois avaient informé précédemment que les moines, provenant du monastère de Thangkya, ou Tongxia en chinois, avaient reconnu avoir utilisé des bombes artisanales pour commettre un attentat contre un édifice public le 23 mars, mais la version apportée par le témoin local diffère largement.

De fait, avant le début des événements de mars 2008, le monastère de Thangkya était déjà une source de soucis pour les autorités chinoises. Les moines de ce monastère étaient considérés comme trop proches du Dalaï Lama et avaient décidé en 2007 de ne plus manger de viande. [Explication]
Alarmés par un tel soutien au Dalaï Lama, les autorités ont envoyé une équipe de rééducation au monastère en novembre 2007, demandant aux moines de dénoncer le Dalaï Lama.
Les moines ayant refusé de signer les papiers (de dénonciation), l’équipe de rééducation est revenue trois semaines plus tard. Craignant de devoir dénoncer de nouveau leur maître religieux, les moines refusèrent de coopérer et réagirent en collant des affiches demandant la liberté au Tibet.
Début mars 2008, une équipe beaucoup plus importante de "rééducation patriotique", épaulée de policiers et d’officiels de la ville et du Comté, est venue au monastère. Toute personne (moine ou laïc) souhaitant traverser le pont entre le monastère et la ville était arrêtée et fouillée.
Selon la dépêche de l’agence Xinhua (Chine Nouvelle), la bombe aurait explosé le 23 mars à 3h50 du matin, mais l’annonce n’en a été faite que le 14 avril 2008.
Il se trouve que le bâtiment visé était connu pour être vide et non utilisé, et se trouvait proche du monastère. Ceci est un fait parfaitement connu des moines, et l’accusation portée par la justice d’avoir visé des officiels chinois, ne tient donc pas.
Le contact local indique également que les 5 moines arrêtés aussitôt l’explosion (les autres ayant été arrêtés ultérieurement) étaient déjà visés par les autorités chinoises pour avoir résisté fortement aux campagnes de rééducation patriotique bien avant l’explosion, et que la bombe placée dans ce bâtiment aurait été un prétexte des autorités pour justifier l’arrestation de ces "réfractaires à la campagne de rééducation patriotique".
Le procès des 8 moines a été tenu dans le plus grand secret, au mépris des règles de justice. Habituellement, la famille d’un accusé doit être informée de la nature des charges retenues contre lui, et connait la sentence appliquée. Il est également tout à fait inhabituel qu’un jugement pour pose de bombe ne soit pas jugé par une Cour de droit public. Or, les accusés n’ont eu accès ni à leurs familles ni à aucun conseiller juridique ou avocat, et la sentence n’a jamais été communiquée au public, mais n’a été connue et transmise à l’extérieur du Tibet que par ce contact local.

Les circonstances entourant l’explosion et le jugement qui a suivi ne sont pas sans rappeler de façon troublante le cas similaire de Tenzin Delek Rinpoche et Lobsang Dhondup, condamnés à mort en 2002. (La sentence de Tenzin Delek Rinpoche a été commuée en prison à vie après une intense campagne internationale de soutien en sa faveur).

Free Tibet Campaign rappelle que ce cas, comme beaucoup d’autres au Tibet, démontre le besoin urgent pour que des médias ou des organismes indépendants puissent avoir accès à toutes les régions du Tibet afin d’étudier les cas d’arrestation arbitraires qui continuent de faire surface. Les dirigeants du monde entier doivent faire plus pour amener la Chine à ouvrir le Tibet à un examen indépendant.

Source : AFP et Free Tibet Campaign 15 octobre 2008