Hommage à Thupten Ngodup
vendredi 1er mai 1998 par Rédaction
Thubten Ngodup s’est immolé par le feu
27 avril 1998
Alors que près de 400 policiers indiens évacuaient le 27 avril 1998 vers 6h locales les trois derniers grévistes de la faim qui en étaient à leur 48ème jour de jeûne, Thubten Ngodup, un Tibétain de 50 ans s’est immolé par le feu au cri de "Vive le Dalaï Lama, vive le Tibet".
Transporté dans un hôpital de New Delhi, M. Thubten Ngodup est considéré par les médecins comme dans un état désespéré.
28 avril 1998 - Le Dalaï Lama visite Thupten Ngodup
Selon les médecins de l’hopital, les chances de survie de M. Thupten Ngodup sont infimes. Celui-ci est toujours dans un état désespéré.
Le Dalaï Lama, qui s’est rendu à son chevet le 28 avril, a déclaré :
"Aujourd’hui, il est clair qu’un sentiment de frustration et de désespoir est en train de se répandre parmi de nombreux Tibétains, ainsi qu’en témoignent cette grève de la faim... et le tragique incident d’hier. Bien que je ne sois pas en accord avec la méthode choisie par eux, j’admire la force de la motivation et la détermination de ces Tibétains. Ils étaient prêts à mourir non pour des objectifs égoïstes, mais au nom des droits des six millions de Tibétains et pour la survie de leur culture. J’en appelle à la communauté internationale afin qu’elle intensifie de façon conséquente son soutien à la cause du Tibet. J’en appelle aux gouvernements et comités internationaux afin qu’ils renouvellent leurs efforts pour résoudre le problème du Tibet de façon pacifique".
(NdR Depuis toujours, le Dalaï Lama essaie de persuader les Tibétains de ne pas utiliser la violence).
Le Dalaï Lama a également visité les 6 autres grévistes de la faim hospitalisés de force le week-end précédent.
29 avril 1998 Thubten Ngodup est mort de ses blessures.
Le suicide de Thupten Ngodub pourrait donner l’avantage dans la lutte antichinoise au Congrès de la jeunesse tibétaine (TYC) qui s’oppose à la stratégie de non violence du Dalaï Lama.
Thubten Ngodub, 50 ans, est mort dans un hôpital de New Delhi deux jours après avoir mis le feu à ses vêtements alors que la police indienne interrompait par la force une grève de la faim de six de ses compatriotes qui avait duré près de 50 jours.
"Il n’avait aucune chance", a dit un médecin. Thubten Ngodub, un ancien soldat, avait été brûlé à 100%.
Des milliers de Tibétains, hommes, femmes et enfants, ont prié dans un temple bouddhiste de New Delhi où son corps a été amené pour une cérémonie religieuse sous haute sécurité. Ils ont chanté l’hymne tibétain et promis de combattre le régime chinois.
Thubten Ngodub est le premier Tibétain à s’immoler par le feu depuis 1951, date de l’occupation du Tibet par les forces chinoises.
"Le peuple tibétain a envoyé au monde un message clair : il est prêt à se sacrifier pour la cause d’un Tibet indépendant. Encore plus de sang coulera au cours des prochains jours", a déclaré le TYC.
Six nouveaux grévistes de la faim ont remplacé à New Delhi ceux qui ont été hospitalisés manu militari par la police indienne.
"Le peuple tibétain combattra jusqu’à la dernière goutte de sang. Les Tibétains de la génération actuelle créeront un nouveau chapitre dans l’histoire moderne du Tibet", a dit le TYC, qui revendique 10 000 adhérents en Inde et des milliers de partisans au Tibet.
Cette déclaration va à l’encontre de la politique du Dalaï Lama qui revendique l’autonomie négociée du Tibet par une "voie médiane" non-violente.
Les manifestants de New Delhi réclament l’indépendance du Tibet et veulent notamment la nomination par l’ONU d’un émissaire chargé des Droits de l’Homme dans cette région.
Le TYC a affirmé que les autorités indiennes avaient voulu faire un geste "d’apaisement" à l’égard de Pékin en interrompant la grève de la faim des Tibétains alors qu’arrivait à New Delhi le général Fu Quanyou pour la première visite d’un chef de l’armée chinoise en Inde.
Au revoir, Thupten Ngodup La.
Témoignage direct de notre correspondant à Dharamsala
30 avril 1998, Mcleod Ganj en colère, Mcleod Ganj en larmes, Mcleod Ganj résonnant de "UNO we want justice" ("ONU, nous voulons la justice")...
Plusieurs milliers de Tibétains, quelques Indiens, quelques Occidentaux accueillaient la dépouille de Thupten Ngodup et l’accompagnaient jusqu’au temple du Dalaï Lama où Tseten Norbu, le président du TYC rappelait les événements qui ont conduit ce Tibétain de 60 ans à s’immoler par le feu le 27 avril dernier.
Au mois de décembre 1997, le Tibetan Youth Congress lançait plusieurs appels consécutifs à l’ONU restés tous sans réponse dans lesquels il les sollicitait de se pencher une bonne fois pour toutes sur le cas du Tibet, et les prévenait qu’ils débuteraient une grève de la faim le 10 mars s’ils n’obtenaient pas satisfaction !
Six Tibétains furent "choisis" parmi une bonne centaine, d’autres furent mis en "liste d’attente" pour prendre le relais des camarades morts pour la liberté de leur peuple, et la grève commença à la date prévue.
Très rapidement les ONG tibétaines se mirent à soutenir les 6 grévistes par diverses actions telles que des grèves de la faim de 15 jours à Dharamsala, etc...
Le 27 avril, date d’arrivée du chef d’état-major de l’armée chinoise à Delhi, 200 militaires indiens puis 200 autres mirent fin dans la violence à la grève de la faim, arrêtant brutalement les 6 grévistes et leurs sympathisants...
Les grévistes furent conduits à l’hôpital ainsi que trois autres Tibétains sérieusement blessés lors de leur arrestation. Dans la mêlée, nul ne prit garde à Thupten Ngodup profondément choqué par l’attitude des autorités indiennes lorsqu’il s’arrosa d’essence puis mit feu à ses habits.
Il se précipita vers la cohue et lança son dernier cri à la liberté avant qu’une couverture ne s’abatte sur lui pour éteindre les flammes qui lui enlevèrent la vie le 30 avril à 0h30...
Sa Sainteté le Dalaï Lama se pencha sur le courageux et désespéré sexagénaire qui affirma ne pas souffrir.
Le président du TYC précise que son comité exécutif n’a fait qu’organiser cette grève qui a été décidée par ses membres.
Nous étions au moins 5 000 ce matin du 30 avril, probablement 6 000, assis devant le modeste crématorium de Mcleod Ganj. Le corps de Thupten Ngodup-la se consumait définitivement.
Nul ne fut capable de se recueillir dans la prière... la Révolte grondait plus forte que jamais...
La colère, le chagrin atteignirent leur apogée ! Les bouches béantes hurlaient "UNO we want justice", "Long Live Dalai Lama"...
Des syncopes, des corps inanimés qui se relevaient et criaient encore et encore à l’injustice... Une explosion de souffrance trop longtemps contenue dans cette petite gorge dont les flancs étaient recouverts de Tibétains en prise à une souffrance enfin révélée, enfin exprimée !
Oublierai-je jamais la centaine de jeunes adolescents élèves du TCV, les joues inondées de larmes de rage et de douleur vociférant les slogans pour que les autorités internationales libèrent leur pays, prennent au moins position. Nul ne se lança dans un discours devenu inutile.... Il n’y a plus rien à dire car tout a été dit et redit !
Thupten Ngodup a réagi, a agi à sa manière. Ce fut son "NON" à lui.
Non à l’injustice, non à l’indifférence.
La grève de la faim redémarre, Thupten Ngodup a fait son devoir, le Tibet s’est réveillé, il peut reposer en paix.
Dharamsala, D.L.
Hommage de Thupten Nyandak
"Thupten Ngodup était autrefois moine de Tashilumpo et à son arrivée en exil en 1959 il servit notre pays en s’engageant dans l’armée tibétaine, car il espérait rentrer au Tibet. Après sa retraite en 1987, il vint à Dharamsala et me sollicita pour du travail et un logement dans mon monastère. Je fus heureux de pouvoir alors lui offrir un emploi de cuisinier et j’ai découvert un homme très honnête et très travailleur.
Plus tard, il me demanda un petit lopin de terre dans mon monastère pour y construire une modeste maison. J’ai accédé à sa demande et je l’ai aidé autant que j’ai pu le faire. Comme Tashilumpo et Dip Tse Chok Ling ont une relation spirituelle très étroite, je me suis senti aussi très proche de Thupten Ngodup. Il était seul, sans famille et il souhaita que sa demeure nous revienne à sa mort. En général, il parlait très peu mais il participait à toutes les actions politiques en faveur du Tibet, comme par exemple les deux marches pour la paix. Je me sens triste qu’il ait donné sa vie, mais je crois que son acte est exemplaire pour les mouvements en faveur de la paix. Tant de gens disent qu’ils veulent donner leur vie pour notre nation, mais personne ne l’a jamais fait ici en exil... Je suis sûr qu’il aura une très bonne renaissance d’autant plus que Sa Sainteté l’a béni avant sa mort.
Sa mort est très bonne aussi pour les Tibétains au Tibet qui ont donné leur vie pour la liberté, car nous ici en exil nous faisons un tas de choses, mais personne n’a jamais fait sacrifice de sa vie jusqu’à ce jour.
Je me sens très ému, très peiné, mais aussi très fier de ce qu’il a fait.
Il a donné sa vie pour le peuple tibétain et le Tibet et c’est vraiment exemplaire, notamment pour les jeunes générations de Tibétains".
Dharamsala, [1] Dip Tse Chok Ling, avril 1998.
Le 17 juin 1998, à Meudon, près de Paris, Gilles Blanchard s’immolait également dans un parc public. Il voulait "réaliser un acte pacifique pour aider les Tibétains à se libérer du joug et des persécutions chinoises".
Le Bureau du Tibet à Paris, émettait alors le communiqué suivant :
"Nous apprenons avec une profonde tristesse que Monsieur Gilles Blanchard vient de s’immoler par le feu. Cet ami du Tibet a voulu, par ce geste, exprimer son soutien à la cause tibétaine. Du fond du coeur, nous offrons nos prières à sa famille et lui présentons nos très sincères condoléances. Sa Sainteté le Dalaï Lama et le Gouvernement tibétain en exil désapprouvent tout recours à la violence. Au cours de sa visite à Paris, en début de semaine, Sa Sainteté a tenu à souligner clairement son opposition à tout acte de cette nature.
Bien que cet événement reflète le sentiment des Tibétains et de leurs amis face à la situation d’urgence qui règne dans ce pays, la campagne pour la justice au Tibet doit être menée de manière non violente. Pour préserver l’héritage culturel très particulier du Tibet, Sa Sainteté réclame l’autonomie pour son pays et appelle à l’ouverture de négociations dans ce sens.
Le souhait du peuple tibétain n’est pas de causer souffrance et peine à ses amis. Nous espérons sincèrement que de telles actions ne se répéteront pas et nous réitérons nos demandes auprès des gouvernements du monde entier afin qu’ils intensifient leurs efforts pour établir des négociations entre Sa Sainteté et le gouvernement chinois en vue de trouver une solution pacifique au problème tibétain".
Source : Bureau du Tibet, 19 juin 1998
[1] Thupten Nyandak : directeur du monastère de Dip Tse Chok Ling.
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