Géographie du Tibet
samedi 24 février 2001 par Webmestre
Nous vous proposons des extraits du livre "Tibet, environnement développement" aux éditions Prajna. Ce livre développe de façon approfondie l’écologie au Tibet.
La topographie, le climat et la végétation
Le Tibet, avec une superficie totale estimée entre 2,47 et 3,8 millions de kilomètres² [1], s’étend d’est en ouest sur une distance d’environ 2 400 km, et du nord au sud sur environ 1 000 km. Situé entre 78° 24’ et 104° 47’ Est et 26° 2’ et 40° 3’ Nord, il constitue la partie prédominante de la région himalayenne, de l’Hindou-Koush, région du globe où se concentre le plus grand nombre de hautes montagnes.
En raison de sa situation et de sa superficie, le Tibet s’étend sur plusieurs régions géographiques. Au sud, il fait partie de la chaîne de l’Himalaya, tandis qu’au nord il s’étend jusqu’au Plateau de l’Asie centrale. A l’est, le Tibet est principalement constitué de vallées creusées par d’importants réseaux fluviaux comme celui du Zachu (Mékong), du Drichu (Yang-Tsê Kiang ou Fleuve bleu) ou du Gyalmo, Ngulchu (Salouen).
Entouré des montagnes l’Himalaya, le Karakoram, le Kunlun, l’Altyn Tagh, le Gangkar Chogley Namgyal et les Khawakarpo, le Tibet est également traversé par de nombreuses autres chaînes. D’ouest en est ce sont le Nganglon, le Tesi, le Thangla, le Nyenchen Thangla, le Serteng, le Trola, le Yagra Tagtse, l’Amnye Machen et le Minyak Gangkar.
L’environnement naturel du Tibet a été influencé par ces montagnes qui résultent de phénomènes géologiques et tectoniques constants. (cf. carte)
Par sa topographie et son climat, le pays petit être divisé en trois régions principales :
- la Plaine du nord,
- le Tibet méridional,
- le Tibet oriental.
Le Tibet peut également être divisé en sept zones de végétation distinctes. (cf. carte)
La Plaine du nord, ou Chang Thang, est un plateau toujours aride, traversé par de petites vallées et parsemé de lacs à des altitudes supérieures à 4 500 m. La majeure partie de cette région se situe dans le désert d’Asie centrale et connaît une pluviométrie annuelle inférieure à un mètre à l’extrême nord-ouest. Le plateau s’abaisse progressivement du nord-ouest vers le sud-est.
L’on distingue, trois zones de végétation au sein de cette région :
- dans sa partie centrale, un haut plateau froid de steppe, qui s’étend du lac Nam Tso aux montagnes Altyn Tagh et Serteng (zone de végétation V) ;
- un plateau désertique montagneux à l’ouest, aux alentours de Ngari, se prolongeant à l’ouest vers le Ladakh et le Zanskar en Inde (zone VI) ;
- un haut plateau froid et désertique à l’extrême nord-ouest, prolongé au nord jusque dans le Turkestan oriental (le Xinjiang chinois), et suivant le tracé des montagnes du Kunlun et de l’Altyn Tagh (zone VII).
Le climat rigoureux et l’altitude de cette région expliquent sa pauvreté en forêts - qui sont quasiment inexistantes - mais elle se distingue par sa richesse en pâturages extensifs et en prairies. Ces pâturages sont habités par une population clairsemée de nomades pastoraux qui possèdent un nombre relativement élevé d’animaux domestiques. Les animaux sauvages sont traditionnellement nombreux dans la région du Chang Thang, et plusieurs espèces que l’on ne trouve qu’au Tibet comme le Drong (yak sauvage) et le Kiang (âne sauvage d’Asie) y vivent en liberté. A une telle altitude et dans des conditions si arides, la végétation revêt elle aussi une forme particulière ; plusieurs espèces n’appartiennent qu’au Tibet. Un certain nombre de facteurs ont contribué à la dégradation progressive d’une grande partie des prairies au cours des dernières années. Cette région, la plus étendue du Tibet, constitue 45 % du territoire tibétain.
Le Tibet méridional est constitué en majeure partie des montagnes transhimalayennes et de la vallée du Tsangpo (Brahmapoutre) - le fleuve le plus important du Tibet - et ses affluents. L’altitude varie de 6 000 m et plus à l’ouest, dans la région montagneuse de l’Himalaya, du Tesi et du Nyenchen Thangla, à 1 000 m environ au sud de Pei, où le Tsangpo pénètre en Inde. Environ 75 % de cette région se situent à une altitude supérieure à 4 000 m. Le Tibet méridional reçoit les pluies des crêtes les plus hautes de la chaîne himalayenne ; la pluviométrie est variable, généralement plus abondante à mesure que l’on se rapproche de l’est. Les moyennes annuelles caractéristiques près des faces nord de l’Himalaya, à Gyantse par exemple, sont de 250 mm environ ; plus au nord, dans la région de Lhassa, elles vont jusqu’à 450 mm, et à l’est, dans les régions humides de forêts denses du Pema Ko et du Pawo Tamo, elles peuvent dépasser un mètre.
On y distingue quatre zones de végétation :
- la forêt tropicale de montagne des pentes sud de l’Himalaya, qui s’étend dans les couloirs des fleuves, lieux de la mousson du sud-ouest, comme à Dromo, (vallée du Chumbi) et dans la basse vallée du Tsangpo à Kongpo (zone 1) ;
- la forêt subtropicale de conifères autour du Chamdo, au nord, qui s’étend vers l’est du Tibet (zone 11) ;
- les hautes prairies froides et les plateaux de broussailles basses dans la partie supérieure du bassin du fleuve Gyalmo Ngulchu (Salouen), au nord-est, de la région de Nagchuka jusqu’à l’est du Tibet (zone III) ;
- le plateau sec de steppe, depuis le cours supérieur du fleuve Tsangpo jusqu’aux approches de Samye (zone IV).
L’utilisation des sols varie des hautes prairies, où l’économie repose sur l’élevage, aux larges vallées issues de l’érosion des fleuves Tsangpo, Kyichu (Lhassa), et Yarlung, où l’on pratique une agriculture montagnarde de subsistance sur des petites surfaces de terres arables.
Des forêts denses d’arbres à feuilles larges et de conifères recouvrent 10 % des vallées fluviales humides à l’est, bien que des arbres puissent parfois pousser en petite quantité à de plus hautes altitudes. Cette région constitue environ 25 % de la superficie totale du Tibet.
Le Tibet oriental est une région de profondes vallées et de montagnes, située entre les chaînes du Khawakarpo, du Minyak Gangkar et du Gangkar Chogley Namgyal ; elle est traversée par trois importants réseaux fluviaux : le Machu (Houang-Ho ou Fleuve jaune), le Zachu (Mékong) et le Drichu (Yang-Tsê Kiang ou Fleuve bleu). Certaines vallées sont extrêmement profondes, parfois jusqu’à 3 000 m, comme celle des gorges des fleuves Zachu (Mékong) et Gyalmo Ngulchu. Les fonds de ces vallées se situent à une altitude variant de 1 000 m à 3 000 m, et certains sommets atteignent jusqu’à 5 000 m et au-delà. A peu près 30 % de cette région se situe au-dessus de 4 000 m. A l’est et au sud les pluies abondent, entre 1 200 mm et 1 600 mm par an. Ces chiffres diminuent cependant peu à peu pour atteindre 500 mm au nord, près des montagnes du Gangkar Chogley Namgyal, à la frontière traditionnelle de la Chine et de la Mongolie.
On y distingue quatre zones de végétation. A partir des montagnes Khawakarpo et continuant vers le nord, on trouve :
- les forêts tropicales de montagne, depuis le sud jusque dans le Yunnan chinois, se prolongent jusqu’à la zone similaire du Tibet oriental (zone 1) ;
- les forêts subtropicales montagneuses de conifères s’étendent à l’est jusqu’à la frontière chinoise près de Chengdu et se prolongent à l’ouest dans le Tibet méridional (zone II) ;
- les hautes prairies froides et les plateaux de broussailles basses au sud et à l’est du lac Tso Ngonpo, courent jusqu’aux montagnes du Gangkar Chogley Namgyal à l’est et le long de la partie supérieure du bassin des fleuves Zachu et Gyalmo Ngulchu à l’ouest (zone III) ;
- le haut plateau froid de steppe, enfin, à l’ouest du lac Tso Ngonpo jusqu’au Chang Thang (zone IV).
Les forêts denses à feuillage persistant ou les forêts humides à feuillage caduque dominent la région : elles représentent 18 % de sa superficie tandis que 42 % en est constitué de prairies. De toutes les régions du pays, le Tibet oriental possède les facteurs naturels les plus favorables à une agriculture intensive. Certaines zones étendues peuvent produire jusqu’à trois récoltes par an. D’une manière générale, cette région représente environ 30 % de la superficie totale du Tibet.
Le peuple et son histoire
Voir également la chronologie historique détaillée du Tibet
Le peuple tibétain, malgré la diversité géographique, a une identité propre, soudée par une langue, une culture et une religion communes. Aujourd’hui, la population tibétaine (en y incluant les exilés) compte plus de 6,2 millions d’individus.
D’un point de vue ethnique, les premiers Tibétains sont vraisemblablement d’origine tibéto-birmane, mais au cours des siècles, des peuples d’origines ethniques différentes y furent assimilés ; parmi ceux-ci, les Turco-Mongols, après qu’ils eurent été conquis par le Tibet aux VIIème et VIIIème siècles, d’autres groupes mongols, les Dards de l’ouest du Tibet, ainsi que les Monpa et les Lhoba, peuples montagnards du sud de la chaîne himalayenne. Par delà cette diversité ethnique, une langue et une culture communes assurent l’unité et une organisation caractéristique de la vie et de la société.
Bien que le bouddhisme ait exercé une influence certaine sur la culture tibétaine, la civilisation du Tibet est antérieure, formée initialement par la religion Bön. Les bouddhistes considèrent que tuer un animal est un péché et les Tibétains ne tueraient un animal que pour survivre. Les Tibétains tuent les animaux pour se nourrir, se vêtir et s’abriter, et font preuve d’une grande ingéniosité dans l’utilisation des produits de l’animal. Par exemple, toutes les parties du yak sont utilisées, y compris la poche de l’estomac qui sert à conserver le yoghourt.
Le peuple du Tibet s’est adapté au plateau tibétain, dont certaines régions sont parmi les plus hostiles du globe ; il y a trouvé des moyens de subsistance en adaptant son mode de vie. Les centres traditionnels de la civilisation tibétaine occupaient les vallées du Sud et de l’Est où les terres étaient cultivables. Dans ces vallées profondes mais souvent fertiles, les Tibétains ont produit des quantités considérables d’orge, leur nourriture principale. Aujourd’hui encore, la majeure partie de la population du Tibet se concentre sur ces terres arables.
Les nomades du Chang Thang - et des autres régions de pâturages du Tibet - sont relativement peu nombreux et se déplacent dans les zones de pâture désignées. L’une des raisons principales de leur succès en matière de gestion des pâturages vient de leur attitude "non interventionniste". Ils mènent simplement leur bétail jusqu’aux pâtures et reçoivent tout ce dont ils ont besoin des animaux. Par conséquent, leur impact dans cet environnement naturel est faible et sans inconvénient majeur, même à long terme. On note une adaptation physiologique des habitants du Haut-Tibet à la rareté de l’air (due à l’altitude supérieure à 4 000 m), par l’augmentation de la capacité du corps à transporter l’oxygène jusqu’aux tissus.
D’un point de vue historique, le Tibet a été gouverné par une monarchie héréditaire depuis 127 av. J.-C. pendant près de 1 000 ans. Les rois les plus illustres de cette dynastie, Songtsen Gampo, Trisong Detsen et Tri Ralpachen, ont introduit et encouragé le bouddhisme au cours des VIIème, VIIIème et IXème siècles, une période où la puissance politique et militaire de l’Empire tibétain atteint son apogée.
A cette époque, le Tibet et la Chine de la dynastie T’ang s’affrontaient souvent : une inscription sur une colonne située sous le palais du Potala à Lhassa décrit la conquête de l’ouest de la Chine par l’armée tibétaine au VIIIème siècle. L’égalité et la réciprocité des relations entre la Chine et le Tibet furent plus tard énoncées dans les termes du Traité de Paix de 821, inscrit sur une colonne en face du Temple de Jokhang à Lhassa.
A partir du XIIIème siècle, quand Kubilai Khan se convertit au bouddhisme, des relations privilégiées s’établirent entre les empereurs mongols de Chine et les grands lamas de Sakya au centre du Tibet. Les lamas de Sakya devinrent les gouverneurs du Tibet et les pontifes suprêmes de l’Empire mongol, qui comprenait la Chine.
Ces relations continuèrent à se développer sous la dynastie mandchoue des Qing (1644-1911) et les Dalaï Lamas. Le Dalaï Lama, chef de l’État et de l’Église, devint aux yeux des empereurs mandchous ce que le pape était aux monarques chrétiens. Ces rapports entre le Tibet et les Mandchous ne faisaient en aucun cas du Tibet un État vassal de la Chine. Décrivant cette période de l’Histoire, Sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama s’exprime ainsi :
« Durant les deux siècles et demi de gouvernement par les Dalaï Lamas, jusque vers la fin du XIXème siècle de l’ère chrétienne, des relations personnelles et réciproques s’étaient instaurées entres les Dalaï Lamas et les empereurs de Chine, les premiers représentant un gouvernement religieux, les seconds un gouvernement séculier quelque peu ténu. En 1728, l’empereur désigna deux dignitaires, appelés Ambans, pour le représenter à Lhassa. Ils exerçaient une certaine autorité, mais toujours sous le gouvernement du Dalaï Lama. » (Dalaï-Lama, 1962)
Finalement, en 1912, les Tibétains repoussèrent les Ambans et toutes les forces militaires mandchoues hors du Tibet, vers l’Inde.
En 1913, Sa Sainteté le XIIIème Dalaï Lama déclara l’indépendance du Tibet par rapport aux Mandchous. Selon le rapport de la Commission internationale des juristes, "le Tibet et la République Populaire de Chine", furent établis :
"De 1913 à 1950, le Tibet a démontré son existence en tant qu’Etat, tel que le conçoit le droit international. En 1950, il y avait au Tibet un peuple, un territoire, et un gouvernement, menant ses propres affaires indépendamment de toute autorité extérieure. De 1913 à 1950, les relations extérieures du Tibet furent conduites exclusivement par le gouvernement tibétain et, selon des documents officiels, les pays avec lesquels le Tibet entretenait des relations traitaient le Tibet comme un Etat indépendant".
La Chine communiste a envahi le Tibet en 1949, et un Accord en 17 points a été signé sous la contrainte en 1951. La violation des termes de cet accord par la Chine a provoqué des émeutes étendues au Tibet. En mars 1959, à la suite du soulèvement de Lhassa, le Tibet a officiellement abrogé l’accord de 1951. Sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama, ainsi que quelque 85 000 Tibétains, ont fui vers l’Inde, le Népal et le Bhoutan, où ils ont reçu l’asile politique. Depuis, la colonisation et l’oppression du peuple tibétain par les communistes chinois continuent.
La carte administrative
Voir également les cartes du Tibet ou l’excellent article d’Alternative tibétaine sur les cartes historiques du Tibet dans le monde avant 1950
Traditionnellement, on distinguait au sein du Tibet : l’U-Tsang, l’Amdo, et le Kham (cf. carte).
L’U-Tsang, délimité par les chaînes montagneuses de l’Himalaya, du Karakoram et du Kunlun, comprend l’ouest et la partie méridionale du centre du pays. Cette région comprend, au nord, l’ouest du Chang Thang, ou Plateau du Nord ; à l’ouest, les bassins amont des fleuves Senge Khabab (Indus) et Langchen Khabab (Sutlej) ; au sud, le bassin du fleuve Tsangpo (Brahmapoutre) et ses affluents ; et à l’est, le bassin du Gyalmo Ngulchu (fleuve Salouen).
L’Amdo, ou Dhomey, entouré des monts Gangkar Chogley Naingyal, Kunlun et Yagra Tagtse, comprend la partie nord-est du pays. La région comprend à l’est du plateau Chang Thang, le vaste bassin Tsaïdam, aride mais riche en minéraux, et les bassins amont des fleuves Zachu (Mékong), Drichu (Yang-Tsé Kiang ou Fleuve bleu) et Machu (Houang-Ho ou Fleuve jaune).
Le Kham, ou Dhotoe, entouré des monts Khawakarpo, Minyak Gangkar et Trola, comprend le sud-est du pays, notamment les bassins centraux des fleuves Gyalmo Ngulchu, Zachu et Drichu, et les terres fertiles qui les bordent.
A la fin de l’année 1949, la Chine communiste nouvellement victorieuse envahit le Tibet par le Kham. Durant cette occupation militaire, les Chinois ont redessiné le Tibet, englobant la plupart des territoires les plus riches dans des provinces chinoises voisines. On a fait disparaître les noms tibétains des provinces et leurs divisions administratives.
La "Région autonome tibétaine" (RAT) déclarée par les Chinois correspond approximativement à la seule région de l’U-Tsang. La quasi totalité de l’Amdo fait maintenant partie du Qinghai, une province chinoise ; la partie la plus au sud a été intégrée au Sichuan chinois. Le Kham a également été intégré dans une large mesure au Sichuan ; une petite partie a été rattachée à la province chinoise du Yunnan (cf. carte).
Pour faciliter la comparaison entre les informations qui proviennent de différentes sources, ce rapport se tient, sauf mention particulière, au découpage actuel des divisions administratives qui assimile la RAT à l’U-Tsang, le Qinghai avec l’Amdo et le Kham à certaines parties du Sichuan et du Yunnan.
On notera également qu’entre 1950 et 1957, les régions de Kanlho et Pharig dans l’Amdo furent incorporées à la province chinoise de Gansu, et la région d’Altyn Tagh dans le nord de l’U-Tsang au Turkestan oriental (le Xinjiang chinois). Ces régions ne font partie d’aucune des trois divisions administratives chinoises susmentionnées. Il en résulte de possibles contradictions entre la superficie totale du Tibet et celle de l’ensemble de ces trois régions.
L’utilisation des sols
Des rudes hauteurs arides au nord et à l’ouest, situées à une altitude allant de 4 500 à 8 800 m, où la végétation est rare, le plateau tibétain s’abaisse progressivement vers le sud-est. Comme l’on peut s’y attendre, étant donné la raideur du plateau et les altitudes très élevées, le paysage, le climat et la végétation varient fortement entre le haut plateau froid près de l’Himalaya, le plateau de steppe aride au nord, et les conditions tropicales humides du sud-est.
Les forêts denses abondent dans le sud-est le long des vallées basses des fleuves comme le Tsangpo, le Zachu et le Drichu. Une grande partie des plaines restantes convient particulièrement à l’élevage et aux pâturages.
Les pâturages
Le Tibet abonde en terrains de pâture. Ceux-ci composent 70 % de la superficie totale du pays, dont 69 % de l’U-Tsang et 96 % de l’Amdo. Les principaux types de pâturages comprennent des prés de type alpin, des terrains d’arbrisseaux de montagne, des bois clairsemés de montagne et des déserts de montagne. Plus des trois-quarts de ces terres sont consacrés aux pâtures où vivent quelque 70,2 millions d’animaux (chiffres de 1987 pour toutes les provinces). L’altitude moyenne des pâtures est supérieure à 4 000 m. Celles qui se situent au-delà de 4 800 m ne sont utilisées que l’été (yarsa).
Au cours des dernières décennies, l’intervention de l’homme a entraîné un appauvrissement de ces sols qui ne supportaient pas d’être utilisés de telle façon à long terme. La cause principale de cette dégradation est le surpâturage provoqué par la mise en culture des bas pâturages d’hiver (gunsa) ou leur utilisation à d’autres fins. Des expériences ont été tentées sur ces terres, telles la pose de clôtures, l’ensemencement artificiel, le contrôle ou l’élimination d’animaux sauvages, sans grand succès cependant. Dans certains cas, de telles interventions, bien que destinées à revaloriser les terres, n’ont fait qu’aggraver le problème.
Les forêts
Bien qu’un grande partie du pays soit située à une altitude supérieure à 4 000 m, trop élevée pour permettre une croissance réelle, le Tibet possède des forêts naturelles étendues dans des régions plus basses. On trouve des arbres jusqu’à une altitude de 3 800 m environ au sud, où le climat est humide, et de 4 300 m au nord, où le climat est semi-sec. En 1985, la surface boisée était estimée à environ treize millions d’hectares, soit 5 % de la superficie totale. On a estimé qu’en 1950, les forêts recouvraient 9 % de la superficie totale du pays.
Dans un grand nombre de régions, telles les vallées inaccessibles du Tsangpo autour de Medog, ou du Zachu et du Gyalmo Ngulchu à l’est, les vieilles forêts, denses, aux arbres deux fois centenaires, prédominent. La densité moyenne en bois est élevée, selon les normes internationales : entre 260 m3 et 285 m3 par hectare. Les forêts d’épicéas du U-Tsang atteignent 2 300 m3 par hectare - chiffre le plus élevé du monde pour les conifères. La réserve totale de bois est estimée à 3,6 milliards de mètres cubes.
Un grand nombre de ces régions forestières ont des pentes très raides. Par exemple, dans le Kham, 55 % de l’ensemble des forêts se situent sur des pentes à plus de 35°. Les forêts, qui recouvraient 30 % de la région de Kham en 1950 ne représentaient plus que 18 % en 1985. Bien que les données sur le U-Tsang soient rares, il est vraisemblable que la proportion de forêts en pentes raides dans la basse vallée du Tsangpo soit encore plus élevée ; les risques de déstabilisation et d’érosion des pentes à la suite du déboisement sont proportionnellement accrus. Dans l’Amdo, le déboisement et la faible superficie des forêts (2,6 %) sont considérés comme directement responsables de la perte de quarante millions de tonnes de terre par an des régions agricoles dans le bassin du fleuve Machu.
Quoique bien des régions boisées du Tibet soient en retard du point de vue des infrastructures et installations modernes, elles ne sont pas pour autant inhabitées. Ces forêts furent surtout exploitées pour des raisons de subsistance jusqu’en 1959. Les méthodes modernes de gestion des forêts ou cycles rentables de coupe étaient inconnues jusqu’à l’occupation chinoise. La construction de routes et d’infrastructures forestières dans des régions inaccessibles, qui constituent 50 % de la région du Kham, et 85 % de ce qui reste des forêts au U-Tsang, a changé radicalement le mode d’exploitation des forêts au long des années 1980. Au Kongpo, U-Tsang, et dans la vallée Min du Kham, par exemple, les "coupes à blanc" à but commercial sont devenues le trait prédominant dans l’exploitation des forêts.
Les terres cultivables
Les terres cultivées se concentrent dans les vallées humides et irriguées du Kham, la basse vallée du Tsangpo et sur les pentes les plus basses dans le bassin du Machu de l’Amdo oriental. La surface totale cultivée est estimée à quelque 5,8 millions d’hectares, soit un peu plus de 2 % de la superficie totale du pays. Une grande partie de ces terres se situe dans la province du Kham, qui comprend plus de 85 % des terres arables du pays. Dans le U-Tsang, la région la plus étendue, les terres qui conviennent aux cultures sont concentrées dans une petite région le long des fleuves Lhassa, Yarlung et Tsangpo (Brahmapoutre). Les terres cultivables du U-Tsang totalisaient seulement 210 000 hectares, soit 0,2 % de la superficie, jusqu’en 1959. Des estimations récentes indiquent qu’à la suite de l’extension de l’agriculture à des pentes marginales et à des régions de pâturages, les terres cultivées recouvraient 360 000 hectares, soit 0,3 % de la superficie de la province en 1991. Le taux de mise en culture est ici plus faible que dans le Kham à cause des températures plus basses et des altitudes plus élevées.
Traditionnellement, la principale culture est l’orge d’altitude, quoique aujourd’hui l’on sème de plus en plus de blé, selon les directives gouvernementales. On cultive également les pois, le riz, le colza et les fourragères. Le rendement par hectare varie beaucoup ; bien que faible dans certaines régions, il est plus élevé que le rendement moyen de certains pays froids comme la Russie ou le Canada pour l’orge et, dans une certaine mesure, le blé d’hiver. La région de l’U-Tsang détient le record mondial de la plus forte production de blé par hectare.
Des terres désertiques, rocailleuses ou stériles, des zones de peuplement, des lacs et rivières constituent les 23 % restants du pays.
Les ressources en eau
Du fait de son altitude et de sa localisation, le Tibet constitue le principal bassin hydrographique de l’Asie. Les rivières principales qui ont leur source au Tibet sont, d’est en ouest, le Machu (Houang-Ho ou Fleuve jaune), le Drichu (Yang-Tsé Kiang ou Fleuve bleu), le Zachu (Mékong), le Gyalmo Ngulchu (Salouen), le Tsangpo (Brahmapoutre), le Subansiri, le Phung Chu (Arun), le Macha Khabab (Karnali), le Langchen Khabab (Sutlej) et le Sengye Khabab (Indus). Une caractéristique de ces fleuves est qu’elles sont chargées de limon. Quatre des cinq fleuves les plus chargés de limon au monde, le Machu, Tsangpo (Brahmapoutre), Yang-Tsê Kiang ou Fleuve bleu et l’Indus, prennent naissance au Tibet. Une partie non négligeable des bassins des deux premiers se situent à l’intérieur du Tibet.
Le débit hydraulique net au Tibet est de 627 km3 par an. Ceci représente environ 6 % du débit annuel en Asie et environ 28 % de celui de la Chine (Tibet mis à part) ou 34 % des ressources en eau de rivière de l’Inde. A cause d’un taux d’utilisation infime (moins de 1 %) au Tibet, pratiquement toute cette eau se déverse dans les bassins en aval, dans des pays comme la Chine, l’Inde et le Bangladesh. Les transferts hydrologiques annuels du Tibet vers d’autres pays atteignent 577 km3 à partir d’un bassin d’une surface totale d’environ 1,1 million de kilomètres carrés ; ceci exclut les rivières intérieures. Les cours d’eau qui traversent le pays représentent alors 92 % des flux hydrologiques nets.
L’approvisionnement du Tibet en eau douce, 104 500 m3 par an, situe ce pays au quatrième rang mondial après l’Islande, la Nouvelle-Zélande et le Canada ; elle est quarante mille fois plus élevée qu’en Chine. Compte tenu du faible taux de précipitations au Tibet, on suppose qu’une forte proportion de l’écoulement des rivières émane des glaciers, d’une superficie totale de 42 946 km2, et que le Tibet recèle plus de sources souterraines que d’autres pays. Des sources intarissables telles que celles-ci sont à l’origine de ce qu’on appelle un débit stable ou de base qui, comme il est indépendant des pluies saisonnières, constitue un facteur important de maintien des régimes hydrologiques. Si l’on estime le rapport de l’écoulement stable à l’écoulement total à 60 % - 80 % pour le Tibet (ce qui serait environ deux fois le taux moyen en Asie, c’est-à-dire 32,5 %), l’écoulement stable en provenance du Tibet représenterait entre 11 % et 14 % de l’écoulement stable en Asie.
En dehors des fleuves, le Tibet possède plus de 2 000 lacs naturels. Parmi les plus importants figurent le Tso Ngonpo (Kokonor), Nam Tso, Yamdrok Tso, le principal lac d’eau douce de l’Himalaya du nord, Mapham Tso (Manasarovar), un autre grand lac d’eau douce d’altitude, Pangong Tso. Le plus important de ces lacs, le Tso Nganpo, a une superficie de 4 635 km2. La superficie totale des lacs tibétains est de plus de 35 000 km2, soit environ 1,5 % de la superficie totale du pays. L’écologie de la plupart des lacs est relativement peu connue, et ces eaux sont restées peu exploitées jusqu’à présent. Cependant, divers projets chinois impliquant l’industrie, l’industrie minière et la production d’énergie sont actuellement envisagés ou en cours (Namdrok Tso, par exemple) autour de ces lacs.
L’énergie
Grâce à leurs volumes substantiels et à leurs fortes pentes, les rivières du Tibet offrent un énorme potentiel de production hydroélectrique. Rien qu’en U-Tsang, les ressources exploitables en énergie hydraulique sont d’environ 200 000 mégawatts et la totalité des ressources exploitables pour l’ensemble du Tibet est évaluée à plus de 250 000 mégawatts. Le potentiel d’énergie hydraulique à faible rendement (SHP) (inférieur à 10 MW) en est d’environ 15 %, ou de 30 000 MW pour le U-Tsang et 35 000 - 40 000 MW pour l’ensemble du Tibet. On verra que l’énergie provenant uniquement des petites ressources hydrauliques suffit largement aux besoins et à la population actuelle du Tibet, puisque le rendement potentiel des sources d’énergie hydraulique à faible rendement est de 58,8 KW par personne.
Les estimations actuelles des installations en place suggèrent que seulement 91 MW, soit environ 0,3 % du potentiel SHP de l’U-Tsang étaient utilisés en 1984. Cela représentait 80 % de la production électrique totale de 113 MW de la province. La production totale d’électricité par an en U-Tsang est de 230 millions de KWh, tandis que pour l’Amdo elle est de 820 millions de KWh (chiffres pour 1984). Malgré le potentiel inexploité d’énergie hydraulique de faible rendement non perturbant et inoffensif pour l’environnement, de plus vastes projets hydrauliques, avec leurs problèmes d’environnement, sont maintenant en voie de réalisation. Le premier en est la centrale électrique de 120 MW à Yamdrok Yumtso au sud du Tibet. Les autres sites considérés comprennent le grand méandre du Tsangpo, qui abrite le site d’énergie hydroélectrique le plus important du monde avec un rendement potentiel de 40 000 MW. Le but de ces projets semble être l’accélération de la production du maximum d’énergie du Tibet.
Il est clair que le potentiel d’énergie hydraulique (250 000 MW) du Tibet est une ressource mondiale importante. Il constitue une large part des 436 000 MW du potentiel d’énergie hydraulique attribué à la "Chine". Considéré séparément des réserves réelles de la Chine, il représente un potentiel d’énergie hydraulique plus important que celui de n’importe quel pays du monde, dépassant le Brésil (150 000 MW), le Canada (118 500 MW), la Chine (186 000 MW) ou les Etats-Unis (183 500 MW).
Le Tibet possède également le potentiel d’énergie solaire le plus élevé du monde après celui du Sahara (moyenne annuelle de 200 kcal/cm) ainsi que des ressources significatives en énergie géothermique.
Les minéraux
Les éruptions et affaissement géologiques qui ont façonné le Tibet lui ont donné de considérables réserves en minéraux. Le borax, le chromite, le minerai de fer, le lithium et l’uranium constituent une proportion significative des réserves mondiales. Depuis le moyen-âge, quand le commerce des pierres et des métaux précieux tels que l’or, l’argent et la turquoise se faisait avec l’Inde et les pays avoisinants, le Tibet a été considéré comme un vaste gisement de minéraux importants.
Cependant, puisque, avant 1959, la culture traditionnelle du Tibet imposait des restrictions sur l’exploitation minière au moyen d’injonctions sociales et religieuses, il n’y avait que quelques mines au Tibet.
D’après de récentes estimations recueillies par l’Administration centrale tibétaine de Dharamsala, les minéraux du Tibet comprennent cent vingt-six types majeurs. Les principaux gisements de bauxite, de borax, de chromite, de cuivre, d’or, de fer, d’argent, de lithium, représentent une partie non négligeable des réserves mondiales. Les gisements mentionnés ci-dessus représentent plus de 40 % de la totalité des réserves dont dispose la Chine dans les conditions actuelles de l’occupation. De plus, d’importantes réserves de pétrole, charbon, étain et zinc ont été découvertes en Amdo et en U-Tsang (cf. carte).
Les gisements de lithium du Tibet sont les plus importants au monde et représentent environ 50 % de la totalité des réserves internationales. Les réserves de minerai de fer constituent quelques 3,65 milliards de tonnes, soit environ 2,3 % des réserves mondiales connues. En plus, on pense que le Tibet aurait des réserves considérables d’uranium : vers 1990, quelques deux cents gisements auraient été découverts, bien que les quantités exactes soient tenues très secrètes par le gouvernement chinois.
L’exploitation systématique et à large échelle commença au Tibet dans les années 60 avec l’expansion de la présence chinoise et son infrastructure. Aujourd’hui, l’exploitation minière et l’extraction de minerais représentent l’activité économique la plus importante du secteur industriel de l’U-Tsang et de l’Amdo. Au début des années 80, une mine de chromite à Norbusa, dans la région de Lhoka produisait à elle seule un revenu annuel supérieur à 12 millions de yuans (4,8 millions de dollars), ce qui représentait 50 % de la valeur totale de la production industrielle de toutes les entreprises au sein du ministère de l’Industrie de la RAT. Le nombre de travailleurs dans ce secteur est faible par rapport au secteur agricole, la plupart des emplois et des bénéfices revenant aux ouvriers et aux entreprises chinoises.
Compte tenu de la fragilité du système économique et du terrain tibétains, surtout lorsque les mesures de protection sont inadéquates, l’exploitation minière peut être la plus difficile à maintenir et la plus néfaste à l’environnement de toutes les activités humaines. Alors qu’aucune étude de l’impact sur l’environnement n’a été faite au Tibet, la situation peut y être comparable à certaines parties de l’Himalaya indien et népalais où l’industrie minière de la dolomite, de la magnésite et autres minéraux remonte à plus longtemps.
Dans ces régions, l’exploitation minière a souvent bouleversé l’agriculture, les forêts et les routes, entraînant des coûts sociaux estimés plus élevés que les bénéfices provenant de cette exploitation.
Dans la vallée de Doon en Inde, l’exploitation de la dolomite a détruit les couches aquifères et a sérieusement affecté les courants hydrologiques, forçant en 1989 la Cour Suprême de l’Inde à interdire toute exploitation minière dans la région.
A quelques exceptions près, l’éloignement et l’inaccessibilité des réserves minières du Tibet a plus ou moins restreint l’extraction commerciale pendant les deux décennies qui ont suivi l’occupation en 1950. Aujourd’hui la situation évolue rapidement. La politique chinoise d’exploitation effrénée des ressources tibétaines, appuyée par un réseau routier destiné en partie à relier les régions minières du Tibet aux zones industrielles et aux marchés de la Chine à l’est, a jeté les bases de projets miniers de grande envergure.
En Chine même, 80 % des mines sont dangereuses et mettent l’environnement en péril. Le manque de mesures de protection de l’environnement ou de plan à long terme sont des questions primordiales mais étant donné le statut colonial du Tibet, la réponse administrative a été limitée et tardive.
La biodiversité
Le Tibet possède de vastes étendues de terres à l’état sauvage dépourvues ou presque de toute activité humaine. Réparties à travers les plateaux et les forêts, la superficie totale de ces terres représenterait plus d’un million de kilomètres carrés. Ceci comprend une partie des dernières grandes étendues sauvages naturelles qu’il reste sur Terre, comme le Chang Thang. Certains facteurs géographiques et climatiques font de beaucoup de ces régions des habitats uniques en biodiversité.
Les estimations scientifiques montrent que le Tibet possède environ dix mille espèces de plantes hautement développées, cent dix-huit espèces de mammifères, cinq cent cinq espèces d’oiseaux, quarante-neuf espèces de reptiles, quarante-quatre espèces d’amphibiens et soixante et une espèces de poissons. Au moins un quart de ces plantes sont typiques du Tibet ou ne se trouvent que là, ce qui leur confère une grande valeur culturelle et économique. Parmi les plantes se trouvent plus de treize cents variétés d’arbres et d’arbustes. Les espèces végétales comprennent aussi environ mille variétés de plantes médicinales employées dans la médecine traditionnelle au Tibet, en Chine et en Inde. La faune tibétaine est particulière, elle comprend des espèces telles que le "drong" ou yak sauvage, le "kiang" ou âne sauvage, la gazelle du Tibet, l’antilope du Tibet, le singe au nez retroussé, le muli, le pika de Koslow (un genre de petit lièvre), et l’ours noir d’Asie qui se trouve uniquement au Tibet. Il a été difficile d’établir la particularité exacte des espèces animales étant donné l’insuffisance des informations. Rowell signale qu’un certain nombre d’animaux du Plateau tibétain semble appartenir à une seule sous-espèce particulière capable de s’adapter à la vie en extrême altitude. (Rowell 1990b).
Une étude récente, commandée pour établir un parc naturel autour du Chomolungma (Mont Everest) a dévoilé une remarquable diversité d’espèces sur une superficie de 27 000 km2 au nord de la chaîne principale de l’Himalaya : cinquante trois espèces de mammifères, deux cent cinq espèces d’oiseaux, six espèces de reptiles, huit espèces d’amphibiens et cinq espèces de poissons. En 1990, la zone protégée du Tibet comprenait vingt réserves sur une superficie totale de 40 100 km2 ou 1,6 % de la superficie totale du pays. Ceci équivalait à presque deux fois la proportion de surfaces protégées en Chine (0,8 %) mais moins que, par exemple, en Inde (4,4 %) ou aux Etats-Unis (8,6 %). Un bon nombre de ces réserves ont été établies récemment. Sur les vingt mentionnées ci-dessus, quatorze ont été établies au milieu des années 80.
Vers la fin de 1991, on a ouvert une nouvelle et vaste réserve de 237 000 km2, la Réserve du Chang Thang, probablement la plus grande région protégée du monde. La "Wildlife Conservation International" y a prêté sa collaboration technique. Située entre 4 700 m et 5 000 m d’altitude, la réserve doit protéger une variété insolite de gros mammifères y compris l’antilope, la gazelle, l’âne sauvage, le mouton d’Argali et l’ours noir d’Asie, animaux spécifiques des plateaux tibétains. Avec une agence privée américaine, la Domestic Technology International, on songe à établir une autre zone protégée de 10 000 km2 autour du lac Nam Tso qui servirait de sanctuaire aux oiseaux. Les superficies protégées ont ainsi augmenté pour couvrir 12 % du Tibet en 1991.
Il existe un besoin important de fournir une protection officielle à ces territoires, malgré l’influence des croyances et injonctions traditionnelles tibétaines, et parce qu’un nombre croissant de Chinois ne respecte pas les mesures de protection. De telles mesures, pour être efficaces, doivent s’harmoniser aux valeurs culturelles et aux aspirations de la population locale, sinon, et surtout dans les régions lointaines, ces zones ne seraient protégées que de nom. Une conservation réelle implique une association avec les communautés locales qui profitent des ressources naturelles de la région. Pour y parvenir, il faudrait que des réserves biosphériques et des parcs habités offrent la possibilité d’intégrer les besoins de survie de la population aux besoins de gestion de l’habitat.
Les Tibétains et la protection de la nature
Les Tibétains ont le respect et le souci de la nature, en dehors de la faible densité de la population, et ceci explique pourquoi le Tibet possède encore une grande diversité de faune et de flore. Une bonne partie de cette préoccupation traditionnelle reposait sur des croyances religieuses ; à leur tour, celles-ci ont contribué au développement de valeurs sociales et à l’élaboration de la politique d’Etat. Ainsi, en 1944, le Régent du Tibet renouvela un décret traditionnel où il fut stipulé : " ... Les chefs de village, fonctionnaires et gouverneurs de tous les districts du Tibet doivent empêcher la destruction des animaux, à l’exception des hyènes et des loups. Les poissons et les loutres, les animaux des collines et des forêts, les oiseaux du ciel, tous ces animaux qui ont reçu le don de la vie, grands ou petits, doivent être protégés et sauvés... Chacun doit respecter l’essence des cinq principes des lois sur la chasse et la protection de l’environnement proclamées pour la première fois en 1896, l’année du Chien de Terre".
Les Tibétains ont toujours vécu avec la nature, ils ont toujours cherché à apprendre et à comprendre ses nuances et ses rythmes. Le bouddhisme, introduit au Tibet au cours du IIème ou IIIème siècle, a joué un rôle important à cet égard. Un tabou général contre l’exploitation de l’environnement fut la conséquence directe des connaissances et croyances bouddhistes sur la corrélation entre toutes les plantes, les animaux ainsi que les "éléments sans vie de la nature tels que le soleil, le ciel, les montagnes, les vallées, les lacs et les rivières". Cette communion entre la religion et la nature signifiait que les principes simples mais effectifs qui maintenaient l’équilibre dans le monde naturel participaient à la vie quotidienne. Après avoir vécu de cette manière pendant des siècles, le peuple tibétain a en effet du mal à différencier la pratique de la religion et le souci de l’environnement.
Les Tibétains ont toujours été conscients de la nature interdépendante des éléments de ce monde. Ils savent que leur vaste pays, avec sa variété de flore et de faune, ses forêts originelles, et surtout les nombreuses et grandes rivières qui y prennent naissance, est source de vie et de sécurité pour une superficie bien plus grande que le Tibet lui-même. En effet, l’écologie du Tibet est essentielle à la majorité de l’Asie.
En l’année du Cheval d’Eau (1642), Sa Sainteté le Vénérable Vème Dalaï Lama, Ngawang Lobsang Gyatso, devint le chef spirituel et politique du Tibet. A partir de cette date, au dixième mois de chaque année, un "Décret pour la protection des animaux et de l’environnement" était rédigé au nom du Dalaï Lama. Un des décrets du XIllème Dalaï Lama stipule : "A partir du premier mois du calendrier tibétain jusqu’au 30 du septième mois, personne ne blessera et encore moins tuera les oiseaux du ciel, les animaux des collines et des forêts, les poissons et les loutres, à l’exception des tigres, des léopards, des ours, des hyènes, des rats et des rishu. En fait, personne, noble ou humble, ne devrait faire violence ou nuire à n’importe quel animal sur terre, dans l’eau ou l’air, quelle que soit sa taille".
Des preuves du succès de cette politique, on en trouve dans les mémoires des voyageurs, explorateurs et naturalistes occidentaux. Par exemple, l’explorateur anglais King dom Ward écrivit avant la Première Guerre mondiale : "Je n’ai jamais vu une telle variété d’oiseaux au même endroit, un immense jardin zoologique". Vers les années 1940, Léonard Clarke relatait : "Toutes les quelques minutes, nous remarquions un ours, un loup, des troupeaux de muscs, des ânes sauvages, des gazelles, des moutons à longues cornes ou des renards. Ce doit être l’un des derniers paradis du gibier".
Les moines et les religieuses, les fermiers, les nomades et autres civils tibétains avaient leurs propres lois qui manifestaient de leur souci de l’environnement. Après avoir vécu à Lhassa dans les années 40, Hugh Richardson a écrit : "Je n’ai jamais vu une aussi faible présence de haine, d’envie, de méchanceté et de manque de charité... La majorité des gens faisaient tout pour vivre autant que possible avec la nature et non contre elle".
Le mode de vie tibétain évite autant que possible la mort de n’importe quel être sensible. Dès leur naissance, on enseigne aux enfants que toute vie est sacrée. Dans son ouvrage classique, Sept ans au Tibet, Heinrich Harrer parle de sa difficulté à travailler avec des Tibétains au barrage qui jusqu’à présent protège la capitale de Lhassa des inondations : Il y avait beaucoup d’interruptions et de pauses. Un tollé si quelqu’un découvrait un ver sur une bêche. La terre était jetée de côté, le travail arrêté et la créature mise en lieu sûr.
Les soucis de conservation étaient le pilier principal du Plan de paix en cinq points présenté par Sa Sainteté le Dalaï Lama en 1987, qui, entre autres mesures, demandait la transformation du Tibet entier en zone de paix (y compris la non-violence envers les animaux), et la restauration et la protection de l’environnement naturel du Tibet.
Pendant la conférence du Prix Nobel de la Paix le 11 décembre 1989 à Oslo, Sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama déclara : "Mon rêve est que le plateau tibétain entier devienne un lieu de refuge libre où l’humanité et la nature pourraient vivre en paix dans un équilibre harmonieux. Ce serait un endroit où des gens du monde entier pourraient venir chercher le vrai sens de la paix en eux-mêmes, loin de la tension et de la pression du reste du monde. Le Tibet pourrait en fait devenir un centre créatif pour la promotion et le développement de la paix".
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Extrait du livre "Tibet, environnement développement" aux éditions Prajna. Ce livre développe de façon approfondie l’écologie au Tibet.
Original publié par le ministère de l’Information et des Relations internationales (Service de l’Environnement),
Administration centrale tibétaine de sa Sainteté le XIVème Dalaï Lama, Gangchen Kyishong, Dharamsala 176215, District Kangra, HP, Inde avril 1992.
Copyright © 1992 : Ministère de l’Information et des Relations internationales, Administration centrale tibétaine.
Réalisation de la version française : Eco-Tibet France et le Comité de Soutien au Peuple Tibétain (CSPT), avec le concours de la Maison du Tibet, Paris.
© Version française 1993 : Comité de Soutien au Peuple Tibétain, Eco-Tibet, Editions Prajna de Karma-Ling (Savoie).
ISBN : 2-905188-46-4
[1] La superficie du Tibet peut être calculée de différentes façons :
dans ses limites habitées, ou en incluant les zones désertiques (où est la limite précise entre le Tibet et le Turkestan oriental - actuelle province chinoise du Xinjiang - dans le désert du Takla Makan ?)
en prenant en compte le Tibet d’avant 1914 (incluant des zones de culture tibétaines rattachées à l’Inde par l’Empire britannique, telle que le Ladakh, le Zanskar, le Spiti, le Lahul, le Sikkim, ou le nord de l’Arunachal Pradesh), ou celui de 1949 au moment de l’invasion par l’armée de Mao Zedong.
La notion la plus restrictive compte 2,5 millions de km², alors que la notion communément admise est de 3.8 millions de km².
Cette superficie de 3,8 millions de km² est celle retenue par exemple :
par le Musée Guimet dans sa plaquette de présentation du Tibet,
dans le rapport sur le Tibet du Groupe d’information sur le Tibet au Sénat suite au voyage au Tibet en 2006.
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