Deux ans après le séisme, les Tibétains restent marginalisés, floués

Alors que la Chine prétend dépenser des milliards pour reconstruire la ville de Jyekundo [1], frappée par un tremblement de terre dévastateur le 14 avril 2010 [2], ses habitants tibétains ont été dépossédés de leurs terres et de leurs maisons avec peu ou pas de rémunération, malgré deux années de protestations continues et de logement dans la crasse sous des tentes.

Un ancien soldat du nom de Baobao rapporte que des représentants du gouvernement ont menacé de réinstaller de force, dans la région, quelque 600 personnes - la plupart des Tibétains - afin de faire de Jyekundo un "centre de tourisme écologique".
Les maisons des fonctionnaires ont été épargnées par la saisie des terres, rapporte Baobao, ajoutant : "Il doit y avoir deux types de politiques : une pour les fonctionnaires et une autre pour les gens ordinaires".

Le tremblement de terre de 2010 d’une intensité de 6,9 qui a tué près de 3 000 personnes, avait dévasté Jyekundo et forcé environ 80 % de ses habitants à chercher refuge dans des camps sordides.
Des milliers vivent encore sous des tentes sans eau courante ni électricité fiable, jetés à côté de maisons endommagées ou dans une zone précédemment utilisée pour des courses de chevaux.
Bien que de nombreuses structures gouvernementales aient été reconstruites, les zones d’habitation sont demeurées en état de dévastation, de nombreux habitants vivant encore au milieu des décombres, le long d’un canal puant les excréments humains et les ordures.

Baobao et d’autres témoins disent que le 12 avril 2012, près de deux ans jour pour jour après la catastrophe, le gouvernement a dépêché un groupe anti-émeute de huit hommes dans la rue où vivent de nombreux manifestants pour essayer de les effrayer et de les faire céder. Cependant, les manifestations se sont poursuivies sans relâche.
Baobao a dit qu’il était le seul habitant à s’être vu offrir une compensation pour sa maison - 220 000 yuans (26 500 euros environ), bien en deçà des 800 000 yuans (96 500 euros environ) de son évaluation.
"En mars 2011, 4 000 Tibétains, exigeant qu’on ne touche pas à leur terre, ont bloqué une route menant à la capitale provinciale", raconte Jamdrol, 63 ans, ancien nomade. "Le troisième jour, la police a dispersé la manifestation et détenu plusieurs participants".

Plus inquiétant encore, les projets d’éco-tourisme ont alimenté les craintes d’un afflux massif de Chinois hans, qui ne se soucient pas de la culture tibétaine locale ou de la langue.
Le gouvernement chinois a interdit aux habitants de reconstruire. La plupart des constructions des écoles, des hôpitaux et des bâtiments appartenant à des sociétés chinoises ont été effectuées par des travailleurs chinois - pour la plupart des migrants du Sichuan.
La plupart des 380 000 habitants de la Préfecture de Yushu sont des Tibétains, beaucoup d’entre eux étant d’anciens nomades, faisant partie des plus pauvres de la Province du Qinghai, elle-même troisième province la plus pauvre de la République populaire de Chine.

Officiellement, les autorités maintiennent que la réinstallation "ne devrait avoir aucun impact négatif" sur les croyances culturelles et religieuses des nomades. Mais la réalité est que les Tibétains sont privés par la force de leurs terres et de leurs maisons sans la compensation promise, tandis que l’afflux de travailleurs chinois et d’immigrants se poursuit.

Source : Tibetan Review, 28 avril 2012.