Dénonciations de la pollution minière au Tibet

Des appels urgents ont été mis en ligne au Qinghai au sujet de l’empoisonnement au plomb dans les réseaux locaux d’approvisionnement en eau, lié à l’activité minière et des fonderies, faisant suite à un rapport paru dans les médias d’Etat chinois en 2006, qui confirmait que des niveaux excessifs de plomb dans la région avaient entraîné une "panique" parmi les parents.
Les appels disent que la question n’a pas été traitée - au moins partiellement à cause de la corruption - et persiste aujourd’hui, apportant "amertume et malheur" aux populations locales.
C’est un exemple d’intoxication de masse au plomb en Chine au cours des deux dernières années, avec la population locale qui tente de susciter des réactions, réduite au silence par les autorités.

Kumbum Jampa Ling, mars 2007.

© Photo Tibet info (cl06-12_0300)

Le Tibet étant aujourd’hui l’une des plus grandes régions de fonderies de plomb de la République populaire de Chine, les problèmes sont susceptibles d’être beaucoup plus répandus que ce que l’on en sait actuellement.

Un blogueur du Tibet, dont le vrai nom n’est pas connu, a décrit en détail l’impact de l’empoisonnement au plomb par l’approvisionnement en eau, dû à la pollution provenant du District industriel de Ganhetan dans le Comté de Rushar [1].
Le blogueur déclare que plus de 100 enfants sont tombés malades en 2006 en raison de l’intoxication par le plomb, et dans un autre blog, que les résultats des tests montrent que près de 1 000 enfants et jeunes avaient des niveaux excessifs de plomb dans leur sang.
La même source signale que, non seulement les autorités n’ont pas traité avec les entreprises minières à l’origine de la pollution, mais elles ont aussi récemment expulsé des agriculteurs locaux de leurs terres afin d’élargir la zone industrielle de Ganhetan.
Le même blogueur a mis en ligne une pétition des moines et des laïcs du monastère de Kumbum [2] à Rushar, destinée au Conseil d’Etat, aux dirigeants provinciaux, municipaux et du Comté, datée du 30 Juin 2011.
Un extrait de la pétition, traduit du chinois, est le suivant :

Les risques pris pour publier une telle pétition sont élevés car il y a une tendance à faire taire les habitants qui font part de préoccupations sur des questions telles que l’exploitation minière ou la pollution.
Lors d’un incident en août 2010 dans une région tibétaine du Sichuan, la police chinoise a abattu un Tibétain pendant une manifestation pacifique liée à l’exploitation minière. [3]

Le rapport original sur Xinhuanet [4] publié le 27 mars 2006 a donné le nom de quatre entreprises de fonderie de plomb dans la zone industrielle de Ganhetan responsables de la pollution et a ajouté que de nouvelles entreprises ont été construites. Le rapport de 2006, qui apparaît sur Internet en chinois, mais pas en anglais, affirme : "Ceux qui sont coupables de causer des taux trop élevés de plomb dans le sang des élèves sont plusieurs entreprises de fonderies de plomb, concentrées dans la région".
Des villageois ont dit à un journaliste que près de 200 enfants du village avaient été hospitalisés pour des examens, et les résultats ont montré qu’ils avaient tous des taux excessifs de plomb dans le sang - le taux le plus élevé étant de 502 microgrammes par litre.
Le plomb est toxique pour de nombreux organes et tissus, y compris le cœur, les os, les intestins, les reins et les systèmes reproducteur et nerveux. Il interfère avec le développement du système nerveux et il est donc particulièrement toxique pour les enfants, provoquant potentiellement des troubles permanents de l’apprentissage et du comportement. Les symptômes comprennent des douleurs abdominales, des céphalées, de l’anémie, de l’irritabilité et dans les cas graves, des convulsions, le coma et la mort. Aucun seuil de sécurité pour l’exposition au plomb n’a été découvert, et il n’existe pas de taux minimum connu de plomb à partir duquel il peut y avoir dommage corporel.

Une vidéo téléchargée sur le site de partage chinois 56.com montre de l’eau trouble tirée d’un robinet par un moine du monastère de Kumbum, berceau de l’enseignement religieux Tsongkhapa, et l’un des six grands monastères Gelugpa. Située près de Xining, capitale du Qinghai, Kumbum est une destination de plus en plus populaire pour les pèlerins et les touristes chinois. [2]

Dans un message en date du 17 Juillet 2011, le blogueur anonyme a déclaré qu’à Xining les autorités avaient mis en place des organismes afin de tester 919 enfants de la région industrielle de Ganhetan, et les résultats ont montré que "près de 1 000 enfants et jeunes avaient des niveaux excessifs de plomb dans leur sang". Un journaliste est venu dans cette zone et a étudié plusieurs villages où sévit le saturnisme. Cette recherche ne semble pas avoir été publiée dans les médias d’Etat.

Le 23 Juillet, ce même blogueur a écrit : "Ces dernières années, l’environnement du monastère de Kumbum est devenu affreux. Le gouvernement local et les entreprises ont agi de connivence pour construire un grand nombre d’entreprises polluantes à cinq kilomètres du monastère de Kumbum, et ainsi, chaque fois que le vent souffle ou qu’il pleut, la fumée, la poussière et un air malodorant recouvrent les toits et les cours ; les tuiles dorées des temples et les fresques murales connaissent déjà la corrosion".
Le saturnisme est un problème de longue date, et les populations locales disent que la corruption endémique a empêché que la question soit résolue, et assurent que les jeunes et autres n’ont pas d’autre alternative que de s’éloigner de la zone.

Le 19 mai 2010, un villageois anonyme a posté ce message en chinois sur le site Web du Gouvernement du Comté de Huangzhong :
"Je suis un villageois du village de Podong dans la ville de Ganhetan, et ces dernières semaines nous avons été incapables de boire l’eau du robinet, et nous avons entendu que l’eau contenait du plomb. Il est à espérer que le Chef du Comté et les représentants concernés du gouvernement du Comté puissent effectuer quelques tests et donner, à nous les villageois de Ganhetan, une explication rationnelle".
Le blogueur anonyme qui a posté l’appel de Kumbum a aussi écrit dans un autre blog que plus de 30 000 agriculteurs de la région avaient été déplacés, afin de faciliter l’expansion de la zone industrielle de Ganhetan, et sur leurs anciennes terres, plusieurs entreprises sont à construire, déplacées de l’intérieur de la Chine en raison de graves pollutions.
Beaucoup de moines de Kumbum ont également été touchés, car la terre de leurs familles a été prise. Le blogueur conclut que les autorités devraient être inquiètes, car "le monastère de Kumbum est non seulement le berceau de Tsongkhapa, il est aussi une unité de travail culturel protégée par l’Etat ainsi qu’une zone touristique pittoresque bien connue dans le pays et à l’étranger".
Les mêmes problèmes pourraient bien être répandus dans les autres régions tibétaines.

Une nouvelle fonderie produit 100 000 tonnes de plomb par an à Golmud [5] dans le Qinghai, et l’entreprise West Mining et Yugang Gold devrait lancer, en joint-venture, une production de 100 000 tonnes par an, selon "Metal Bulletin News Alert Service" (3 août 2009). Ce dernier projet de 270 millions de yuans [6] sera également capable de produire un sous-produit, l’acide sulfurique.

Dans une enquête publiée le 15 Juin 2011 [7], le New York Times a rapporté que "Dans les deux années et demi passées, dans au moins 9 des 31 Régions de la Chine continentale, des milliers de travailleurs, de villageois et d’enfants, ont été trouvés souffrant de niveaux toxiques d’exposition au plomb, principalement causés par la pollution des usines d’acide sulfurique et les fonderies de métaux.
Cet exemple est révélateur de la négligence du gouvernement dans le domaine industriel, alors que la Chine s’efforce de pousser à la croissance mais seulement avec des garanties embryonnaires".

Un rapport de Human Rights Watch indique que certains fonctionnaires locaux ont réagi aux empoisonnements massifs en limitant arbitrairement la détection du plomb, retenant et, éventuellement, manipulant les résultats des tests, refusant un traitement adéquat aux enfants et aux adultes et essayant de réduire au silence les parents et les militants.
Selon Radio Free Asia et les médias d’Etat chinois du 28 juillet 2011, ce fut la panique à Mianyang dans le Sichuan, quand il a été annoncé que la pollution de manganèse dans l’eau avait "dépassé les limites". Radio Free Asia a cité Kou, fonctionnaire municipal à Zisheng, qui racontait le 28 juillet 2011 aux journalistes : "A midi, le 26 Juillet, après des tests par le Bureau de protection de l’environnement municipal, nous avons découvert que l’eau au niveau de la section du pont Qilu sur la rivière Fu contenait des taux de manganèse supérieurs à la limite légale. Après examen de l’eau par des experts de la qualité de l’eau, on a déterminé que la raison des résultats inhabituels de la qualité de l’eau était que les eaux minières usées de (?) Comté de Songpan avaient débordé dans le réservoir de Wudu".
(L’installation nommée était l’usine d’électrolyse du manganèse de Xichuan Minjiang dans le Comté de Songpan [8]

Monastère de Labrang, mars 2007

© Tibet-info.net CL07-257

De plus en plus, ces dernières années, en dépit des dangers, les Tibétains sont prêts à exprimer leurs préoccupations concernant l’impact de l’activité des mines ou d’autres industriels sur leur environnement local.
Le 15 mai 2010, la police a ouvert le feu sur des Tibétains dans une cimenterie de la région tibétaine de l’Amdo (à Labrang, dans la province du Gansu [9]), après que les villageois, inquiets de la pollution issue de l’usine, ont commencé à reconstruire une route qui avait été fermée du fait de l’agrandissement de l’usine.
Selon une source tibétaine en exil en contact avec des Tibétains de la région, malgré tout, bien que personne n’ait été tué, quinze personnes ont été emmenées à l’hôpital, blessées par balle ou à la suite des coups assénés par la police. [10]
Selon le service de langue tibétaine de Radio Free Asia, l’incident faisait suite aux protestations des villageois tibétains de Markam [11] contre les opérations minières réalisées plus tôt dans le mois.
Treize Tibétains ont été arrêtés et cinq autres blessés le 4 mai 2010, jour où, une société minière a donné le feu vert, en dépit des protestations précédentes, pour reprendre l’exploitation de trois sites majeurs dans le Comté de Markam [12].

Les autorités chinoises ont commencé à expertiser et à mettre en place l’exploitation minière au Tibet dans les années 1950. L’industrie minière a considérablement progressé au cours des réformes économiques des années 1980 et 1990, mais elle est généralement restée à petite échelle.
La Chine ayant dû faire face à une pénurie croissante de l’offre intérieure de matières premières, il y a eu une exploitation accélérée des minerais du Tibet et comme l’infrastructure s’est développée, les minerais sont devenus plus accessibles.
Dans certains cas, le contrôle sur l’exploitation minière et la gouvernance, très mauvais, ont aggravé l’impact environnemental alors que les intérêts des populations locales ont été subordonnés à ceux des fonctionnaires et de l’État.
L’exploitation minière a eu un sérieux impact sur l’environnement dans de nombreux domaines, notamment la dégradation des sols, la pollution et les dommages causés au bétail et à la biodiversité.

Source : International Campaign for Tibet, 29 juillet 2011.