Au Qinghai, le monastère de Tongkyap en état de siège ; un de ses moines détenu pour avoir écrit un livre sur les immolations
jeudi 21 mars 2013 par Rédaction , Monique Dorizon
Un moine du monastère de Tongkyap est porté "disparu" depuis sa détention arbitraire au début du mois de mars 2013 par la Police armée populaire (PAP) du comté de Gade [1]
Selon les informations reçues, le 11 mars, le lendemain du 54ème anniversaire du soulèvement national tibétain, Tritsun (nom de plume : Tri Bhoe Trak), 26 ans, moine du monastère de Tongkyap a été arrêté.
La police qui détient le moine n’a donné aucune explication pour cette soudaine détention. La mise au secret de Tritsun a gravement affecté sa vieille mère, Phagmo, le seul membre de sa famille.
Bien que les autorités chinoises n’aient pas encore divulgué les accusations portées contre Tritsun, des sources provenant de la région disent qu’il a été probablement détenu à cause d’un livre qu’il a écrit et publié en mars 2013. Le livre s’intitulait "Denpai Khalang" ("Souffle de la Vérité"). Il a été publié et distribué le 8 mars au monastère de Tongkyap.
Le livre contient des essais sur les sacrifices par le feu réalisés par des Tibétains en une série de manifestations par auto-immolation, et s’y trouve en particulier une biographie du Lama Soeba (Sonam Wangyal), lama réincarné du monastère de Tongkyap, décédé à la suite d’une manifestation par auto-immolation l’an dernier [2].
Le 8 janvier 2012, Lama Soeba est décédé dans le comté de Darlag, préfecture de Golok. Dans son témoignage audio enregistré avant sa mort, il a écrit, entre autres : "Je fais don de mon corps comme offrande de lumière pour chasser les ténèbres, libérer tous les êtres de la souffrance".
La détention de Tritsun a eu lieu lors d’une visite à sa mère âgée qui vit près du monastère de Tongkyap. Bien que moine à Tongkyap avant son arrestation, Tritsun avait poursuivi d’autres études au monastère de Lungyon dans le comté de Gade.
Le monastère de Tongkyap connaît de sévères mesures de sécurité avec l’augmentation récente de la présence de la police armée après que les moines du monastère aient organisé une cérémonie de prière le 14 mars, anniversaire des manifestations de 2008, pour pleurer la perte de vies lors de protestations par immolation. La cérémonie de prière a eu lieu pour observer le 54ème anniversaire de soulèvement national tibétain et le cinquième anniversaire de la manifestation de 2008. La cérémonie, qui s’est tenue à un endroit sacré situé près du monastère, a vu les moines offrir des lampes à beurre, faire des prosternations et circumambulations, et des prières bouddhistes gravées sur des pierres.
Le 17 mars, un groupe de responsables locaux, après avoir eu vent de la cérémonie de prières, est arrivé au monastère et a immédiatement organisé une réunion avec les moines.
Indiquant clairement que la détention de Tritsun était liée aux opinions qu’il avait exprimées dans son livre, les fonctionnaires ont fait pression sur les moines pour qu’ils se dénoncent volontairement s’ils avaient, de quelque manière que ce soit, moralement ou matériellement, soutenu ou aidé à la publication du livre.
Les responsables locaux ont été remplacés par les occupants de 10 véhicules Audi, responsables de la sécurité du gouvernement du comté. Le nombre total de personnel de l’administration et de la sécurité actuellement en poste à Tongkyap serait d’environ 100.
Selon certaines sources, les responsables de la sécurité ont décidé de prolonger leur visite pour un mois et avaient même demandé au monastère de les laisser rester (apparemment gratuitement) dans une maison d’hôtes située à proximité possédée et gérée par le monastère. Mais les moines ont fait valoir que ce serait gravement affecter leur principale source de revenus pour se nourrir, s’abriter et éduquer les moines. En représailles, les fonctionnaires du comté ont dressé des tentes sur le site du monastère montrant ainsi leur intention de rester au monastère pendant une longue période.
Par ailleurs, face à l’opposition des moines au sujet des réunions "d’éducation politique" dans la salle de prières principale du monastère, les fonctionnaires ont installé leur lieu de réunion sur le pas de la porte de la salle de prières.
Selon certaines sources, le premier jour de la réunion, le 17 mars, les fonctionnaires ont de nouveau questionné les moines au sujet du livre de Tritsun et émis des avertissements sévères contre la tenue de cérémonies de prières comme celle organisée par les moines du monastère de Tongkyap le 14 mars, disant que c’était contre la loi. Ils ont en outre averti qu’aller contre la loi entraînerait la confiscation des cartes d’identités des moines enregistrés.
Le monastère de Tongkyap compte environ 200 moines, dont la moitié est officiellement enregistrée, c’est-à-dire que le gouvernement chinois approuve et les reconnaît avec une carte d’identité spéciale. La non-possession de ces cartes signifie qu’un moine n’est pas un moine, quels que soient la sincérité et le sérieux de ses études. Des lois interdisant aux moins de 18 ans de rejoindre un monastère ont été mises en place depuis des décennies et ont fortement affecté les enseignements religieux traditionnels au monastère.
Le sort des moines non enregistrés au monastère reste inconnu pour le moment.
Tritsun est originaire du camp de nomades de Gyagor Mema, village de Dokha, comté de Gade.
Sources : TCHRD, 19 mars 2013, The Tibet Post International, 19 mars 2013.
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[1] Gade, ou དགའ་བདེ་ en tibétain (Gāndé ou 甘德县 en chinois), est un Comté de la "Préfecture Autonome Tibétaine de Golog", dans la région tibétaine de l’Amdo, actuelle province du Qinghaï.
Localiser Gade sur cette carte.
[2] Voir l’article "Une nouvelle, 15ème immolation au Tibet oriental", du 10 janvier 2012.
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