Annulation du sommet Chine Europe : arrogance et faux semblants
jeudi 27 novembre 2008 par Jean-Paul Ribes
A l’heure où il se trouve confronté à un mouvement de mécontentement social de grande ampleur (manifestations violentes au Guangdong et au Gansu) le gouvernement chinois rigidifie sa posture sur le plan international en décidant de manière unilatérale de ne pas se rendre au sommet sino-européen du 2 Décembre à Lyon.
Le motif officiel est l’irritation que ressentirait Pekin devant l’accueil du Dalaï Lama, auquel se préparent plusieurs responsables européens.
Visés : le Parlement européen, la République tchèque - qui prendra la présidence de l’Europe en Janvier 2009 -, le gouvernement polonais, et l’actuel président de l’Union européenne Nicolas Sarkozy.
Arrogance et mépris pour l’Union européenne, première économie du monde, mais qui, on le sait, demeure un nain politique, en particulier dans le domaine international. Volonté évidente de frapper non pas un partenaire mais bien un adversaire là où il est, semble-t-il, en position de faiblesse, à savoir son manque d’unité. Est-ce la seule raison ?
Car, comme le fait justement remarquer un porte-parole de la présidence française, si le gouvernement chinois décidait de ne plus se rendre dans chacun des pays qui reçoivent ou honorent le Dalaï Lama, bien des déplacements lui seraient interdits, à commencer par ceux aux Etats-Unis, au Canada, en Grande-Bretagne ou en Allemagne ...
Il faut donc chercher autre part le côté volontairement surjoué et surmédiatisé de cette colère contre les Européens. Or, précisément, la réunion de Lyon portait dans son ordre du jour une discussion sur le non-respect par de très nombreux producteurs chinois des règles concernant la sécurité des produits mis en vente sur le marché européen. La colère monte en effet chez de nombreux consommateurs, que la crise conduit à acquérir des produits chinois à bas prix et qui se retrouvent, comme les utilisateurs des fauteuils commercialisés par une grande chaîne française, victimes de graves crises d’allergie.
Pas de réunion, pas de critiques, pas de débat, et encore une fois on fera "porter le chapeau" au Dalaï Lama, qui vient de donner au monde une leçon de démocratie et d’écoute en organisant une réunion exemplaire dans son refuge de Dharamsala.
Exemplaire parce que là où beaucoup d’observateurs prévoyaient agressions et polémiques entre "partisans et adversaires de l’indépendance", il y eut au contraire un débat respectueux et attentif, dont les principales conclusions vont à l’encontre des divisions escomptées par le pouvoir chinois.
Prise en compte, certes, de l’absence de volonté de dialogue de la Chine, mais poursuite de la main - plus que jamais - tendue au peuple chinois. Prise en compte aussi des promesses non tenues par les pouvoirs qui se sont succédés à Pékin à la suite de l’engagement pris par Deng Xiaoping en 1979, face au propre frère du Dalaï Lama Gyalo Thondup, "tout est négociable sauf l’indépendance". En effet c’est cet engagement qui conduisit le Dalaï Lama, en 1987, à renoncer solennellement à celle-ci [1], en contrepartie d’une avancée consistante et négociée sur l’autonomie de son pays. Vingt-et-un ans de patience pour un résultat nul : on comprend que les Tibétains, à l’intérieur comme à l’extérieur, se lassent. Pour seul commentaire, le gouvernement chinois conteste tardivement la phrase prononcée par leur dirigeant de l’époque et répètent leurs insultes habituelles contre celui qu’ils appellent vulgairement "le Dalaï".
Leur stratégie, qui consiste à attendre la mort du dirigeant tibétain, en espérant que d’ici là, divisions et empoignades affaiblissent la communauté en exil, semble peu probante, voire carrément tenue en échec. Légitime au Tibet comme il l’est en exil le Dalaï Lama à promis qu’il tiendrait le plus grand compte des opinions exprimées par ses compatriotes lors de la réunion historique de Dharamsala. Et il a laissé entendre que la question du relais générationnel ne devrait pas se poser après sa disparition, car il pourrait désigner prochainement pour incarner la continuité de l’espoir tibétain un jeune dirigeant intelligent et populaire, qui présenterait l’avantage d’être reconnu aussi bien par Pékin que par Dharamsala.
Jean Paul Ribes
[1] Voir la proposition du Plan de paix en cinq points pour le Tibet.
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