Témoignage d’un voyage au Tibet
mardi 12 février 2013 par Rédaction
Je reviens juste du Tibet avec ma fille et je voudrais vous dire mon émotion, la foi des Tibétains, leur beauté et leur cœur nous a bouleversées et le joug que les Chinois leur infligent me rend si triste et me révolte.
Ce n’est juste pas possible pour moi de ne rien dire ou de ne rien faire et comme Sa Sainteté le Dalaï Lama le dit :
"Allez au Tibet et voyez beaucoup d’endroits, autant que vous le pouvez ; ensuite, dites-le au monde".
Nous l’avons fait, nous avons vu, c’est vraiment l’enfer et le paradis.
La première chose que nous avons faite en arrivant à Lhassa fut de nous diriger vers le Jokhang.
La nuit tombait, beaucoup de Tibétains se prosternaient devant l’entrée du temple. Ma fille et moi étions debout immobiles derrière les pratiquants.
Une incroyable émotion m’envahissait, je pleurais et ne pouvais arrêter mes larmes.
Quand je me suis tournée vers ma fille, je vis son visage recouvert de larmes. Nous nous prîmes alors l’une l’autre dans les bras.
Puis, sans réfléchir, je me joignis en prosternations aux Tibétains, et une immense ferveur, comme jamais à ce point, m’envahit.
Plus rien n’existait excepté ce moment précieux.
Je ne sentais ni l’altitude, ni le froid ni la chaleur qui m’envahissaient puisque je me suis retrouvée en tee-shirt au bout d’un bon moment.
Ce sol noir, froid et poli par des millions de prosternations m’accueillait.
Nous étions, quand je repense à ce moment, un seul corps, un seul mouvement, une seule foi, une seule ferveur.
Je n’oublierai jamais ce moment ainsi que tout ce qui suivit....
Pour moi, le Tibet est le cœur vibrant du monde, la sagesse incarnée dans un peuple et son pays, un trésor.
Rencontrer les Tibétains, partager des cérémonies avec eux, se prosterner avec eux, circumambuler autour du Jokhang ou d ’autres temples avec eux, parler avec eux, réciter des mantras avec eux, visiter les temples et les monastères avec eux, partager des sourires, échanger des regards ou juste les admirer était si incroyable, si profond, si émouvant ; Je ne pouvais que prier et pleurer partout où j’ai posé mon front sur des objets sacrés.
Alors que j ’étais au Tibet, je me disais : "Nous pouvons faire quelque chose !".
Je ne vis pas plus de dix étrangers, si seulement nous étions quelques centaines ou milliers durant la kora [1] le soir à Lhassa durant la célébration de la commémoration du décès du grand Maître Tsongkhapa, les Tibétains verraient que nous sommes avec eux, que nous pouvons bouger pour eux, prier avec eux et espérer avec eux et pour eux.
Tous les Tibétains qui nous ont vues semblaient si émus de nous voir prier avec eux, je pouvais le voir dans leurs yeux, leurs gestes, la plupart du temps cachés à cause des policiers et caméras partout.
Je pouvais sentir dans mon cœur et mon corps nos émotions partagées.
Et si des centaines ou même des milliers d’étrangers étaient là, l’armée chinoise et la police verraient des gens d’autres pays prier avec les Tibétains, je suis sure que cela ne peut pas ne pas avoir d’effet.
Avant d’aller au Tibet, j’ai dit à mes amis que j’allais essayer d’y aller et certains m’ont dit : "Le Tibet n’est plus le Tibet, il y a tellement de Chinois !" et j’étais fâchée d’entendre de telles choses et je leur disais :
"Imagine que tu es Tibétain et que le reste du monde pense ainsi et oublie ce pays !"
"Cette terre de Sagesse, je veux y retourner. J’y suis déjà allé en 1989 dans la région de l’Amdo, je veux leur rendre hommage et leur dire comme je les aime et comme je prie pour eux chaque jour et à quel point je suis reconnaissante parce que mon Lama racine Sogyal Rimpoché est tibétain et que je suis ses enseignements, et grâce à cela j’ai la grande chance d’avoir le Dharma dans ma vie depuis plus de quinze ans".
Je leur ai dit autant que j’ai pu.
Ils étaient touchés, ils ne savaient pas que nous pratiquions dans leur langue, que nous avons de merveilleux temples et que nous sommes des milliers d’étudiants du Dharma.
Je suis sûre que si, régulièrement, des Occidentaux allaient au Tibet et disaient aux Tibétains que nous ne les oublions pas et que nous aussi espérons pour eux, avec eux, qu’un jour ils soient libres, chaque Tibétain pourra le dire à dix Tibétains et chaque étranger pourra dire à dix personnes comment est le Tibet et chaque personne parlera à dix personnes ou plus, nous arriverions vite à des milliers de personnes.
Durant mes premiers jours au Tibet, quand j’ai vu le train (44h de Chengdu à Lhassa), les autoroutes, les routes, les ponts, les tunnels et tout ce qui se construit encore et qui dévaste le paysage et les montagnes, et tous les bâtiments que le gouvernement chinois a construit, et tout l’argent qu’il a dépensé, je pensais qu’ils ne quitteront jamais ce pays, ni ne laisseront ce peuple en paix !
Et quand j’étais dans l’avion pour rentrer en France, je pensais que, dans le passé, les colons occidentaux ont fini par quitter les différents pays qu’ils avaient colonisé, donc il y a toujours de l’espoir. Et si les Tibétains eux-mêmes espèrent, nous devons espérer d’autant plus.
Espérer pour que le peuple tibétain vive décemment, en paix, avec les droits humains pour vivre, prier, penser, manger, travailler et se déplacer en d’autres endroits sur la terre s’ils le désirent. Ils sont en prison dans leur propre pays, Sa Sainteté le Dalaï Lama est encore profondément dans leur cœur mais il leur est interdit de parler de lui, ni même de posséder une photo de lui. Ils peuvent être tués pour cela.
Il est aussi très difficile pour les Tibétains de trouver un bon travail, les bons jobs sont donnés ou pris par les Chinois.
La police et l’armée, les caméras et les micros sont partout, sur les toits, dans les rues, même sur les routes à l’extérieur de Lhassa, partout les Tibétains sont fouillés et leur identité vérifiée [2]. Des milliers de policiers et des milliers de militaires, entourent le peuple, surtout pendant les grands rassemblements bouddhistes.
C’est tellement indécent parce que ces gens ne sont là que pour prier, les policiers chinois crient partout dans les haut-parleurs, poussant les pélerins, même les personnes âgées et vérifient leur identité comme dans les aéroports ils sont et nous sommes obligés d’être scannés à chaque fois que nous entrons dans le Barkhor à Lhassa. La police a tellement peur qu’il y ait de nouvelles immolations que personne ne peut avoir un briquet et chaque ruelle autour du Jokhang possède un portique sous lequel il nous faut passer (et) des militaires sont même habillés avec des tenues argentées contre le feu.
Les militaires portent des fusils, des boucliers, des scaphandres, c’est la guerre, mais avec un seul camp armé !
Les Tibétains ne peuvent pas faire confiance à leurs voisins, leurs propres amis.
Le gouvernement chinois veut les corrompre en leur donnant beaucoup d’argent contre des renseignements sur des Tibétains qui seraient contre le gouvernement chinois au Tibet.
Il y a de faux moines, de faux pèlerins et tellement de terribles choses comme des capteurs de voix au beau milieu de Lhassa et autour des lieux stratégiques.
Les Tibétains ont vraiment besoin d’aide et nous demandent de l’aide, ainsi qu’à nos gouvernements.
Je n’oublierai jamais tout ce que j’ai vu
S’il vous plaît, dites à autant de gens que vous le pouvez d’aller au Tibet
Je suis tombée en admiration devant ce peuple tibétain pour son courage, sa foi et l’espoir qu’il a. Mais j’ai aussi une horrible sensation de honte à ne rien faire.
Et je ressens vraiment profondément que les choses vont changer bientôt dans le pays des neiges. Mais nous devons chacun faire quelque chose, signer les pétitions, demander à notre gouvernement de bouger et informer du mieux que nous le pouvons pour ne pas être ignorant et aider le Tibet et les Tibétains.
Source : pour des raisons de confidentialité, et à sa demande, nous ne publions pas ici le nom de l’auteur de ce message, reçu en décembre 2012.
Les notes de bas de page et les liens, internes ou externes, ont été ajoutés par Tibet-info à des fins d’explication, d’illustration ou de compléments d’information et ne font pas partie du texte d’origine.
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[1] kora : synonyme de circumambulation.
[2] Voir l’article "Dans le train pour Lhassa, raconté par l’écrivaine Woeser", du 30/10/2012.
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