« Panchen-Lama. Otage de Pékin » de Gilles Van Grasdorff. Editeur : Ramsay. Prix éditeur : 19,67 euros / 129,03 FRF.
L'histoire du Tibet s'est construite autour de deux autorités spirituelles, le Dalaï-Lama qui siège au palais du Potala à Lhassa et le Panchen-Lama au monastère Tashilhunpo près de Shigatsé. A la mort de l'un d'entre eux, le survivant désigne traditionnellement la réincarnation de l'autre. Ainsi, c'est le quatorzième Dalaï-Lama, Tendzin Gyatso, qui a désigné la réincarnation du dixième Panchen-Lama. Or, le Dalaï-Lama, chef spirituel mais aussi chef du gouvernement tibétain en exil depuis 1959, est le symbole de la résistance tibétaine aux yeux de Pékin. Lorsque le 14 mai 1995 il reconnaît le jeune Guendun Tcheukyi Nyima comme le onzième Panchen-Lama, les autorités chinoises rejettent ce choix. Raison invoquée : « Seule l'autorité de la Chine devait être prise en compte dans ce choix ». Reconnaître le choix du Dalaï-Lama comme valide serait reconnaître implicitement son pouvoir décisionnaire, chose impensable depuis que Pékin a intégré de force le Tibet à la Chine. Le comité politique consultatif du peuple chinois a donc déclaré cette décision « nulle et illégale », a enlevé le onzième Panchen-Lama et sa famille et a re-désigné au cours d'une véritable mascarade un autre Panchen-Lama, parent d'un membre du parti.
La journaliste Gilles Van Grasdorff part de cet événement scandaleux pour dévoiler les fruits d'une enquête très fouillée sur l'histoire récente du Tibet dans « Panchen-Lama. Otage de Pékin ». Au travers des destins des neuvième, dixième et onzième Panchen-Lama, il éclaire le lecteur occidental sur la très complexe histoire politique du Tibet depuis le début du vingtième siècle. Et présente les relations mal délimitées entre les Panchen-Lama et la Chine depuis que l'un d'entre eux y eut trouvé refuge.
Ce livre met surtout l'accent sur une conséquence désastreuse de cet enlèvement du jeune Panchen-Lama. Si le quatorzième Dalaï-Lama, véritable esprit de la résistance tibétaine, venait à mourir rapidement, ce serait le Panchen-Lama fantoche désigné par Pékin qui aurait le pouvoir de reconnaître sa réincarnation. Pas besoin de réfléchir longtemps pour deviner que Pékin désignerait un Dalaï-Lama dans la ligne du parti. Qu'est-ce que cela signifie à terme ? Simplement l'annihilation de la culture tibétaine qui serait sûrement réduite à ses aspects folkloriques pour des touristes en mal d'exotisme. Pour ne pas oublier les six mille monastères détruits par les Chinois de 1959 à 1980, ni le million de Tibétains victime du génocide chinois, ni le onzième Panchen-Lama, Guendun Tcheukyi Nyima, enfant de huit ans et « plus jeune prisonnier politique du monde », la lecture de ce livre très documenté est un impératif. Pendant qu'il est encore temps d'agir contre cette destruction d'une civilisation.
Emmanuel Deslouis
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